Une incongruité qui fait réagir. En attente d’un heureux événement, la maire de Poitiers ne se verra cependant pas accompagnée financièrement pendant son congé maternité. En cause, l’absence d’une quelconque disposition dans la loi permettant d’indemniser les élu(e)s prenant un congé maternité (ou paternité) qui exercent à plein temps, leur activité de maire. La conséquence de décennies où l’incitation des femmes à revenir au travail sitôt avoir accouché, était monnaie courante, au mépris de leurs droits … mais pas seulement.
Une suspension de l’indemnité « scandaleuse » pour le président de l’AMF
Dénonçant il y a quelques jours dans La Nouvelle République une situation « susceptible de constituer un frein réel à l’engagement et au renouvellement des élues et élus de la République », la maire de Poitiers ne pensait sans doute pas provoquer des réactions aussi fortes pour s’élever contre la suspension de son indemnité, en raison de son congé maternité. L’élue avait en effet alerté dans le journal local, sur l’« insécurité juridique » de l’absence de dispositions dans la loi protégeant les élues mais également les élus, lorsque ceux-ci, ne cumulant pas d’activité dans le privé à côté de leur travail de maire, doivent se mettre en retrait pour cette période charnière dans la vie d’un parent. En parallèle, Léonore Moncond’huy a adressé un courrier à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, dans lequel elle appelle à soutenir « le droit au congé maternité et au maintien du niveau de revenu pour l’ensemble des élus et élues exerçant un mandat à temps plein ».
Dans cette volonté de « faire changer la loi », l’édile peut compter sur le soutien de l’Association des maires de France (AMF) qui s’est exprimée par la voix de son président, David Lisnard (LR), ce mercredi matin, chez nos confrères de TF1, qui a dénoncé « une situation scandaleuse ». Pour le maire de Cannes, « il s’agit simplement qu’une femme maire lorsqu’elle est enceinte, garde son indemnité d’élue, d’autant plus qu’elle garde la responsabilité pénale et civile de son mandat ».
« Conjuguer l’engagement personnel avec l’engagement citoyen »
Même son de cloche du côté de Françoise Gatel, sénatrice UDI d’Ille-et-Vilaine et co-rapporteure d’une proposition de loi co-signée par 308 sénateurs (sur 348) « portant création d’un statut de l’élu local », qui doit être débattue en séance publique à partir du 5 mars au sein de la chambre haute. « La société a beaucoup bougé et la loi a vocation à s’adapter », argue l’élue, dénonçant par ailleurs un droit du travail qui « ne prévoit rien » en la matière. « Le cas illustre un sujet de société, une femme doit pouvoir exercer son congé maternité. Les élus ne doivent pas être au-dessus des lois, mais doivent bénéficier d’un certain nombre de droits », continue la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Pour la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, au-delà de ce sujet spécifique, ce cas nous interroge sur un rapport à la société qui a changé avec « une exigence forte et légitime de pouvoir conjuguer le plus harmonieusement possible engagement personnel et engagement citoyen ». « La société évolue mais le droit n’anticipe jamais les évolutions de société. Le sujet posé aujourd’hui est de cette nature : l’évolution de la société, le rapport au travail », explique-t-elle.
Derrière le sujet du congé maternité, l’enjeu des conditions d’exercice des élus
Si ce sujet a connu une résonnance médiatique, c’est également parce qu’il s’inscrit dans un contexte où les conditions d’exercice des élus sont au cœur des préoccupations des parlementaires, en attestent la proposition de loi précédemment évoquée au Sénat, mais également une analogue issue cette fois-ci de l’Assemblée nationale et portée par le député communiste Sébastien Jumel et sa collègue macroniste, Violette Spillebout.
Cette proposition de loi « vise à faciliter l’engagement des élus locaux avec l’objectif de pouvoir le faire de manière sécurisée sans être au-dessus de la loi ». Françoise Gatel évoque par exemple l’introduction de « dispositions qui permettent à des étudiants de s’engager pendant leurs études » déplorant aujourd’hui l’absence d’autorisations d’absence pour cette catégorie de population spécifique, qui freine l’engagement des plus jeunes.
« Il y a un vrai sujet de sécuriser l’engagement et la démocratie », déclare la sénatrice, qui rappelle qu’« en 2020, 106 communes de France où n’avaient pas de candidats aux élections, 345 communes n’avaient pas de conseil municipal complet ». Elle s’alarme à ce titre d’une « judiciarisation » croissante des élus face à des citoyens dans une logique d’« exigence absolue ».
« Le lien s’est transformé entre le maire et le citoyen », déplore la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au Sénat. « Les repères classiques de la société ont beaucoup bougé. Il faut remettre le maire au milieu de la République, retrouver le sentiment d’appartenance à une commune » demande-t-elle.
Le sujet des conditions d’exercice des maires devrait donc être au centre des débats à partir du 28 février prochain, date de son examen en commission et devrait sans aucun doute inclure le combat porté par Léonore Moncond’huy, tant le sujet semble faire consensus. D’autant plus que le rapport d’information sénatorial de la Délégation aux collectivités territoriales, présidée par Françoise Gatel, a spécifiquement recommandé de « permettre la poursuite de l’exercice du mandat pendant le congé maternité/paternité des élus, sauf avis du contraire du praticien en cas de congés maternité et reconnaitre donc la légalité du cumul des indemnités de fonction avec les indemnités journalières versées aux femmes enceintes élues ». L’occasion de souligner que la loi a vocation à s’adapter aux attentes de la société … et de ses représentant(e)s. Là-dessus, l’optimisme est de mise pour la co-rapporteure de la proposition de loi sénatoriale : « Ma proposition de loi a été cosignée par 308 sénateurs, qui montre une certaine maturité sur ces sujets et un esprit transpartisan ». Réponse le 5 mars, lors de son examen en séance publique puis du vote s’ensuivant.