« Vigies de notre République », « socle de notre République », « facteurs de cohésion », « première agora de notre démocratie ». Le Président du Sénat, Gérard Larcher, ne manquait pas d’éloges pour s’adresser aux élus présents au 106e congrès des maires de France. Alors que le Sénat représente les collectivités territoriales, Gérard Larcher a tenu à renouveler son soutien aux élus locaux, particulièrement véhéments face aux économies demandées par le gouvernement. En effet, la copie initiale du gouvernement prévoit 5 milliards d’économies réalisées sur le budget des collectivités. Comme pour les départements la semaine précédente, les maires souhaitent voir le montant de ces économies diminuer.
« Nous devons être vigilants quant aux efforts demandés aux collectivités territoriales. Il convient de faire des efforts, tous ici nous en sommes conscients. Mais, nous devons trouver le bon curseur, afin de limiter leurs impacts sur votre fonctionnement et votre investissement », pointe le président du Sénat.
Le niveau d’économies actuel « n’est pas envisageable »
« Je l’ai dit, l’effort de 5 milliards d’euros n’est pas envisageable. Nous souhaitons le limiter à 2 milliards et réaliser les 3 milliards d’économies ailleurs », continue Gérard Larcher qui défend la nécessité de réaliser 60 milliards d’euros d’économies, comme proposé par le Premier ministre. Ce dernier insiste également sur la nécessité pour les collectivités territoriales de conserver une capacité d’investissement puisqu’elles représentent 70 % de l’investissement public. Par ailleurs, le Président du Sénat rappelle que le dérapage des finances publiques et les estimations à la hausse du déficit public ne sont pas de la responsabilité des communes. « Je ne fais pas partie, vous le savez, de ceux qui disent que le déficit de la France est la conséquence d’une mauvaise gestion des collectivités bien au contraire, j’ai toujours salué l’esprit de responsabilité des élus locaux », lance le deuxième personnage de l’Etat, en référence aux déclarations de l’ancien ministre de l’économie et des finances.
Dans sa copie initiale du projet de loi de finances, le gouvernement prévoit une ponction sur recettes des collectivités territoriales, une diminution de la part de TVA qui leur est attribuée ainsi qu’une réduction du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. En faisant de la suppression de la taxe d’habitation « l’erreur originelle », Gérard Larcher pointe l’impossibilité pour les communes d’assumer leurs compétences sans réelle autonomie financière. « Bien évidemment, il ne peut y avoir de décentralisation sans une vraie autonomie financière et fiscale des collectivités et sans revoir en profondeur le fonctionnement de nos finances publiques locales », continue le président du Sénat. Néanmoins, le président de la chambre haute se veut rassurant, assurant que le Premier ministre est « sensible » à ces questions et que les élus du Palais du Luxembourg multiplient les propositions pour renforcer l’autonomie financière des collectivités territoriales.
L’inflation normative, facteur de « l’épuisement des élus »
Dans son discours, Gérard Larcher promet aux maires de les soutenir de se faire le porte-parole des édiles sur d’autres sujets cruciaux comme la mise en application du Zéro artificialisation nette (ZAN). « Aujourd’hui, le constat est clair, si nous sommes tous conscients de l’importance de la sobriété foncière, la loi « climat et résilience », instaurant le « ZAN » est, en l’état, inapplicable », martèle l’ancien ministre du Travail. La loi de 2021 pose l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici 2050, un objectif atténué par la loi du 20 juillet 2023. Les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier ont récemment déposé une proposition de loi pour assouplir la mise en œuvre du ZAN et associer davantage les élus locaux. Un sujet sur lequel Gérard Larcher a confirmé pouvoir échanger avec le Premier ministre.
Dans la continuité, le président du Sénat a tenu à lier autonomie financière et inflation normative faisant de ces deux éléments l’une des raisons de « l’épuisement des élus ». « J’ai évoqué avec votre Président, David Lisnard, d’autres normes coûteuses et irréalistes dans les délais imposés comme le décret tertiaire par exemple, qui vous impose de faire des travaux importants pour réduire votre consommation d’énergie pour les bâtiments de plus de 1 000m² de 40 % en 2030 : un coût estimé par l’ancienne Ministre déléguée aux Collectivités territoriales à 5,2 milliards par an pendant 10 ans, uniquement pour les travaux sur vos écoles ! Même si les enjeux sont importants, cela est irréaliste à court terme. Il convient d’en revoir le calendrier. C’est un engagement personnel que je prends », poursuit le président du Sénat.
Suite à cet inventaire, Gérard Larcher déplore un « sentiment d’impuissance face à la complexité de notre système administratif ». L’occasion de rappeler son engagement en faveur d’une nouvelle phase de décentralisation. « Notre objectif est simple : redonner tout son sens au principe de libre administration des collectivités. »