Émeutes : le Sénat adopte à l’unanimité le projet de loi pour accélérer la reconstruction

Les sénateurs ont accordé un large soutien au projet de loi qui vise à accélérer la reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues fin juin-début juillet. Le texte va être transmis à l’Assemblée nationale, dans l’espoir d’une adoption définitive en fin de semaine.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le résultat du scrutin traduit le soutien de l’ensemble des groupes du Sénat à cette réponse d’urgence. C’est à l’unanimité que le Sénat a adopté ce 18 juillet, à la mi-journée, le projet de loi « relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 ».

Ce texte prévoit trois habilitations pour que le gouvernement légifère par ordonnances, afin d’assouplir les procédures pour la reconstruction ou réfaction des lieux détruits pendant les différentes nuits d’émeutes. Des dérogations au code de l’urbanisme, afin de pouvoir reconstruire à l’identique et en accélérant le traitement des autorisations, à la commande publique sont prévues pour faciliter les travaux des bâtiments publics et privés. Le projet de loi doit faciliter le financement des travaux pour les collectivités locales, avec un remboursement plus rapide de la TVA.

Proche dans ses objectifs et ses dispositions d’une proposition de loi déposée plus tôt au Sénat, par Sophie Primas (LR), il a été peu retouché en commission et en séance. Ce mardi, le gouvernement a fait adopter un amendement pour que les équipements publics comme la voirie ou les réseaux de transport soient couverts par le régime exceptionnel prévu pour la passation d’un marché public.

Désormais, c’est au tour des députés de débattre du texte, ce jeudi. Le gouvernement et les sénateurs visent une adoption définitive ce vendredi, à l’issue d’une commission mixte paritaire entre les deux assemblées qu’ils espèrent positive.

274 commissariats et postes de police, 243 établissements scolaires touchés

Selon Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le bilan matériel des violences urbaines est évalué pour l’heure à 650 millions d’euros de dégâts, soit le triple des destructions constatées lors des émeutes de 2005 qui, elles, s’étaient étalées sur trois semaines. Au total, ce sont 274 commissariats ou postes de police municipale, 105 mairies ou encore 243 établissements scolaires (dont 10 « complètement détruits ») qui ont été touchés. Le gouvernement liste également « plus de 1 000 commerces vandalisés et pillés ». « Nous devons désormais être tous aux côtés de ceux qui doivent rebâtir […] Reconstruire, ça n’est pas gommer ou effacer, c’est rendre justice à la majorité silencieuse. C’est ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers », a martelé le ministre.

Rapporteure du texte, Sophie Primas (LR) a elle aussi insisté sur « l’urgence républicaine » que représente le chantier à venir. « Avec le retour à un ordre réaffirmé, nous avons besoin d’écoles, de bibliothèques, de maisons des arts, d’équipements sportifs qui sont le socle de l’émancipation républicaine », a-t-elle déclaré en ouverture des débats.

Nombreuses demandes pour aborder les réponses de fond et traiter les causes profondes

Au-delà de ce soutien largement partagé en faveur de mesures d’urgences pour la reconstruction, les sénateurs ont été nombreux à plaider pour des réponses structurelles, de long terme. « Il va falloir aussi – et nous l’attendons impatiemment – avoir un texte qui traite les causes de ces émeutes », a encouragé le sénateur Vincent Delahaye (Union centriste). « Nous ne pouvons pas nous empêcher de souligner que ce texte, exclusivement technique, ne résoudra pas le problème de fond, la destruction la plus préoccupante étant celle de notre cohésion sociale », a ajouté le sénateur socialiste Christian Redon-Sarrazy. Tout comme les communistes, les socialistes ont déploré que Matignon ne donne une suite favorable à leur demande de débat en hémicycle après les émeutes. « Il nous faut une date de débat, vous devez nous donner un rendez-vous », a enjoint Pascal Savoldelli (communiste).

Même son de cloche chez les écologistes. Pour Daniel Salmon, le projet de loi de reconstruction n’offre qu’une « réponse partielle et court-termiste », et « pas le début d’analyse des causes structurelles ».

Un rendez-vous donné à la rentrée

Le gouvernement a renvoyé les parlementaires à la rentrée à venir, les invitant à « mettre à profit les semaines qui viennent », pour préparer ce futur débat. « Viendra bien sûr, à la rentrée, le temps de l’action résolue sur les causes et les politiques à conduire », s’est-il engagé, alors que le gouvernement pourrait être modifié dès cette semaine.

De son côté, le président du groupe majoritaire, Bruno Retailleau (LR) a tenu rigueur à Emmanuel Macron d’avoir reporté sa prise de parole, d’ordinaire programmée au 14 juillet. « Nous aurions aimé que ce texte soit mis en perspective par une analyse et la parole présidentielle », a-t-il dénoncé, avant d’appeler à reconstruire non pas seulement les dégâts matériels, mais également « l’autorité ».

Des réflexions, le Sénat en mènera dès la reprise de ses travaux, après les élections du 24 septembre. Le principe de la création d’une commission d’enquête sur les émeutes a en effet été acté.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Nouvelle-Calédonie : qu’est-ce que la CCAT, mise en cause par le gouvernement ?
3min

Territoires

Nouvelle-Calédonie : qu’est-ce que la CCAT, mise en cause par le gouvernement ?

Après avoir annoncé la mort d’un premier gendarme en Nouvelle-Calédonie, lors des questions d’actualité au gouvernement ce mercredi, Gérald Darmanin a notamment mise en cause la responsabilité de la CCTA dans le climat de violence sur l’archipel. La Cellule de coordination des actions de terrain « est un groupe mafieux, qui veut manifestement instaurer la violence », a dénoncé le ministre de l’Intérieur, opérant une distinction nette avec le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) et les loyalistes, avec lesquels il y a un « dialogue ». Invité de France 2 ce matin, le ministre en a rajouté une couche, dénonçant « un groupuscule qui se dit indépendantiste, mais qui en fait commet des pillages, des meurtres, de la violence ». Et d’ajouter : « Il ne faut pas le confondre avec des militants politiques. » De son côté, le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a évoqué une « organisation de voyous », ce jeudi matin lors d’une conférence de presse. Ce collectif est né en novembre 2023, et regroupe plusieurs des représentants d’organisations syndicales, structures politiques ou mouvements associatifs indépendantistes. L’Union calédonienne, la frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), est l’une des principales organisations à l’origine de la création du CCAT. La cellule a organisé plusieurs manifestations et rassemblements dès la fin de l’année, pour s’opposer au projet d’accord proposé par l’État sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Dans un communiqué publié hier, avant l’instauration de l’état d’urgence, l’organisation qui soutient « l’accession à la peine souveraineté de Kanaky » (le nom kanak de la Nouvelle-Calédonie), a réaffirmé une nouvelle fois son opposition au dégel du corps électoral. Un processus qui s’apparente selon elle à un acte de « recolonisation ». Le projet de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale dans la nuit de lundi à mardi, est selon eux contraire à l’accord de Nouméa. Appel à poursuivre les actions « de manière pacifique » Selon eux, les députés « ont choisi de mettre de l’huile sur le feu », et « il reste une dernière chance pour que l’État entende notre cri du cœur et stoppe définitivement son plan au nom de la paix dans notre pays ». Dans cette communication, le CCAT a accusé des « milices loyalistes » d’ « agresser » ses partisans. Les « exactions » commises sur le territoire n’étaient « pas nécessaires », a également indiqué le CCAT, tout en considérant qu’ils étaient « l’expression des invisibles de la société qui subissent des inégalités de plein fouet ». Le collectif a appelé les « citoyens mobilisés à l’apaisement », et à poursuivre les actions « de manière pacifique », et à respecter « les consignes ». La semaine dernière, la CCAT avait multiplié des actions pour afficher son opposition au projet de loi constitutionnelle. L’opération avait été baptisée « dix jours pour Kanaky ». Le 9 mai, par exemple, plusieurs accès routiers ont été bloqués par plusieurs militants se réclamant du CCAT. Plusieurs responsables du CCAT ont en outre indiqué la semaine dernière que la mobilisation s’intensifierait en cas d’adoption du projet de loi, sans toutefois préciser de calendrier ni la nature des actions à venir. Depuis l’instauration de l’état d’urgence, le ministre de l’Intérieur a procédé à cinq premières assignations à résidence de membres de la Cellule de coordination des actions de terrain.

Le

Émeutes : le Sénat adopte à l’unanimité le projet de loi pour accélérer la reconstruction
8min

Territoires

Tarifs des transports parisiens pendant les JO : « Ce n’est pas moi qui ai promis la gratuité », se défend Valérie Pécresse 

Le Sénat auditionnait ce mercredi 15 mai Patrice Vergriete, le ministre délégué chargé des Transports et Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France. Si ces deux responsables politiques reconnaissent à mi-mot que les habitants de Paris et de l’Île-de-France pourraient rencontrer des difficultés pour se déplacer pendant les Jeux olympiques et paralympiques, ils font aussi valoir « l’accélérateur formidable » que représente l’organisation de cet évènement pour la construction de nouvelles infrastructures.

Le