CSNE : chantier du canal pour les navires de grands gabarits à travers la région picarde et l’Oise
Travaux du Canal Seine-Nord Europe entre Montmacq et Cambronne-les-Ribecourt, modifications du cours de l'Oise. Premier pont sur le futur canal pour le passage de grands gabarits de bateaux ou peniches venant du nord de l'Europe pour rejoindre le bassin parisien//MASTAR_MASTAR.026/Credit:Mario Fourmy/SIPA/2312120911

État des ponts : Cinq ans après le rapport du Sénat, une situation toujours inquiétante, aggravée par le changement climatique

Une table ronde du Sénat sur la sécurité des ponts dans les collectivités territoriales démontre que l’état des ouvrages continue de se dégrader. Sur les 45 000 ponts diagnostiqués, 10 % nécessitent « des mesures de sécurité immédiates ».
Rose-Amélie Bécel

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En 2019, un an après l’effondrement meurtrier du pont Morandi à Gênes, une mission d’information du Sénat rendait un rapport sur la situation « alarmante » des ponts français. Sur les 200 000 à 250 000 ouvrages que compte le territoire (il n’existe pas de recensement précis en la matière), plus de 25 000 sont « en mauvais état structurel » et « posent des problèmes de sécurité », estimaient alors les sénateurs Patrick Chaize et Michel Dagbert.

Cinq ans plus tard, ce 14 mars, la commission de l’aménagement du territoire auditionnait plusieurs acteurs du secteur dans le cadre d’une table ronde sur l’état des ponts gérés par les collectivités territoriales. Le constat reste inquiétant. « La situation ne s’améliore pas et le temps nous rattrape, les ouvrages étant de plus en plus anciens, de nouvelles dégradations apparaissent », alerte Sylvain Laval, co-président de la commission transport de l’Association des maires de France.

4 % des ponts examinés « risquent de se casser la figure »

À la suite de leur rapport de 2019, les sénateurs avaient appelé à un « plan Marshall » et réclamé une enveloppe de 130 millions d’euros par an pour aider les collectivités territoriales à mener des travaux. Depuis, l’État a lancé un « programme national ponts », mobilisant 40 millions d’euros pour recenser et évaluer l’état des ouvrages dans 11 500 communes.

Un travail mené en lien avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema), dont le directeur général a pu livrer les premières conclusions aux sénateurs lors de la table ronde. Sur les 45 000 ponts examinés par le Cerema, « 10 % nécessitent des mesures de sécurité immédiates, 4 % en raison d’un désordre grave de structure, c’est-à-dire qu’ils risquent de se casser la figure », alerte Pascal Berteaud.

Pour le directeur général du Cerema, les coûts de réparation des ouvrages sont estimés à deux milliards d’euros, « dont 400 millions pour les ponts qui nécessitent des réparations immédiates ». « L’enveloppe disponible pour ces travaux est de 55 millions d’euros. Sur les 9 000 ouvrages recensés présentant des défauts structurels majeurs, nous pensons pouvoir subventionner des travaux sur 800 ouvrages », estime Pascal Berteaud.

« L’État n’a pas mis les moyens nécessaires »

Un manque de moyens que déplore Hervé Maurey, sénateur centriste à la tête de la commission de l’aménagement du territoire au moment de l’élaboration du rapport sénatorial sur l’état des ponts. « L’État n’a pas mis les moyens nécessaires. Nous avons obtenu, avec beaucoup de difficultés, quelques dizaines de millions par-ci par-là. On arrive péniblement à 110 millions sur la période de 2020 à aujourd’hui, donc on est très loin des 130 millions d’euros par an que nous demandions dans le rapport », dénonce-t-il.

Sans plus d’investissements de l’État, les élus locaux se trouvent dans l’incapacité de mener ces travaux coûteux eux-mêmes, d’autant plus dans un contexte de difficultés liées à l’inflation. « Quand vous êtes dans une petite commune rurale et qu’il faut choisir entre des travaux sur l’école ou le pont, le choix est vite fait », explique Sylvain Laval, vice-président de la métropole de Grenoble et maire d’une commune en Isère.

Au-delà des moyens financiers, les collectivités souffrent d’un manque de moyens humains pour traiter ce problème, alors que les dossiers demandés par le Cerema pour bénéficier de subventions pour réaliser les travaux semblent fastidieux. « On nous demande d’aller extrêmement loin dans les pièces à fournir, il faudrait parfois presque que l’opération soit déjà lancée pour qu’elle puisse être aidée. Les petites collectivités n’ont pas l’ingénierie pour faire face à cela », déplore Sylvain Laval.

Dérèglement climatique et méga-camions, de nouveaux dangers pèsent sur les ponts

Des démarches fastidieuses qui semblent décourager nombre de communes, puisque le Cerema affirme avoir à ce jour reçu quelques centaines de dossiers de demandes de subventions. Un chiffre qui conduit Hervé Maurey à « implorer » le Cerema de communiquer davantage auprès des collectivités : « Vous dites que 1 000 ponts ont été traités, vous espérez en ajouter 800, on est quand même très loin des près de 100 000 ponts qui relèvent du domaine communal ». Mais Pascal Berteaud ne semble pas envisager une simplification des démarches administratives. Face aux exigences de sécurité qui demandent des études sérieuses de l’ouvrage, « on ne peut plus bricoler comme on le faisait il y a un siècle ».

D’autant plus que la liste des ponts nécessitant des travaux continue de s’agrandir à mesure qu’ils vieillissent, alors que la moitié des ouvrages ont été construits avant 1950. Autre facteur d’aggravation : le changement climatique. « Nous voyons bien que les phénomènes climatiques accélèrent la dégradation. Il faut réparer ces dégâts mais aussi adapter les usages, les ponts construits il y a longtemps n’ont pas été conçus pour supporter les charges de nouvelles infrastructures comme les voies piétonnes et les pistes cyclables », constate Sylvain Laval.

Une nouvelle source d’inquiétude pèse désormais sur l’état des ponts français. En début de semaine, le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’une autorisation de circulation des « méga-camions » – des véhicules mesurant jusqu’à 25 mètres de long et pesant jusqu’à 60 tonnes – dans toute l’Union européenne. Si les défenseurs de cette mesure y voient un moyen d’émettre moins de CO2 en transportant davantage de marchandises en moins de trajets, l’alliance 4F – qui regroupe les acteurs français du fret ferroviaire – estime que le passage de camions plus lourds risque d’« user prématurément nos routes et nécessiter d’adapter nos infrastructures ».

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