« Aujourd’hui, avec vous, c’est une élue de la campagne normande qui vous le dit : les ruralités ont tout pour réussir ». Par ces mots la Première ministre Élisabeth Borne, élue du Calvados et ancienne préfète de la Vienne, affiche sa volonté, et celle de son gouvernement, de revitaliser les campagnes. Si le cadre de vie proche de la nature et calme fait rêver 8 Français sur 10, selon une étude de l’Ifop sortie en mai dernier, les manques de services, de commerces et de transports sont des problématiques récurrentes. En réponse, en déplacement dans la Vienne, Élisabeth Borne dévoile le plan « France ruralités ». « Ici c’est l’Histoire de notre pays qui résonne. Mais ici, comme à travers nos campagnes, on partage cette inquiétude presque existentielle sur l’avenir de nos ruralités, à la capacité de nos jeunes à y naître, à y vivre et à s’y projeter », pointe Élisabeth Borne lors de son discours dans un décor bucolique.
Question sur laquelle le Sénat travaille régulièrement, la ruralité est au centre des enjeux du Palais du Luxembourg. Le sénateur centriste Bernard Delcros, également Président du Parlement rural français, qui regroupe des entreprises, des associations et des élus issus du monde rural, a aussi fait le voyage dans la Vienne. « Ce plan doit être à la hauteur des attentes du monde rural », scande-t-il. « Une boîte à outils », d’après les termes employés par la Ministre Dominique Faure, le plan permettra de mettre les ruralités au cœur de la politique du gouvernement.
Redonner de l’attractivité aux communes
Le premier des quatre axes du plan vise à répondre au sentiment d’abandon ressenti par les habitants des zones rurales, préoccupés par le devenir de leurs communes, des services, des commerces et des espaces naturels. « Le temps de l’exode rural est révolu », a avancé Élisabeth Borne. Le temps de l’aménagement des ruralités est désormais revenu.
Le programme « Villages d’avenir » est créé afin d’accompagner de manière individualisée les petites communes à développer des projets, tels que des lieux de sports ou de convivialité. Ensuite, un fonds de 90 millions d’euros sur trois ans permettra de développer des mécanismes de transports alternatifs dans des zones où le transport individuel est priorisé. Cela passera donc par des créations de zones de covoiturage ou la mise en place de transports en commun. Pour parachever ce chapitre centré sur les investissements de revitalisation des communes, un fonds de 36 millions d’euros sur trois ans est instauré pour développer des commerces de proximité. Pourtant indispensables à l’attractivité des communes, au moins 20 000 d’entre elles n’en possèdent pas. Pour piloter ces implantations, le gouvernement entend recruter 100 « M. ou Mme Ruralité », des ingénieurs déployés dans les effectifs des sous-préfectures pour accompagner spécifiquement les besoins de chaque commune.
Pour permettre à ces communes d’investir dans des commerces locaux, dans des transports en commun ou dans les lieux de vie, l’enjeu économique est incontournable. Pour cela, le Sénat travaille d’arrache-pied sur des réformes des Zones de revitalisation rurale (ZRR). Voté en 1995 et déjà réformé en 2015, ce dispositif permet d’exonérer fiscalement les entreprises créatrices d’emplois, qui s’implantent dans des zones rurales les plus reculées. « C’est un sujet auquel je suis attaché », témoigne Bernard Delcros. Deux propositions de loi ont été déposées au Sénat en mai dernier afin d’en premier lieu redéfinir géographiquement les ZRR puis les pérenniser et les moderniser. « Nous avons reçu 180 signatures sur notre texte », avance le sénateur. « Aujourd’hui, le gouvernement évoque son intention de pérenniser les ZRR. Il ne s’agit pas juste de le pérenniser mais de le moderniser ». Sa proposition de loi prévoit d’étendre les critères de définition de la ZRR pour y inclure notamment les communes de montagne ou ultramarines. « Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement et à amender le projet de loi lorsqu’il se présentera ».
« Nation verte »
« Notre patrimoine naturel, nos cours d’eau, nos paysages sont le trésor de nos ruralités ». Ainsi, pour développer une « Nation verte », Élisabeth Borne rappelle l’importance des ruralités dans cet objectif national. Le gouvernement se penche donc évidemment sur la préservation de cette biodiversité, identité rurale à part entière. « Les communes qui s’engagent pour protéger notre environnement doivent être mieux accompagnées. Nous suivrons un principe simple : plus de surfaces protégées, plus de dotations », détaille la Première ministre. Ainsi, la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, créée par la loi de finances 2020, est étendue de 42 millions d’euros à « plus de 100 millions ».
« C’est un sujet pour lequel je me suis beaucoup battu, pour lequel nous nous sommes beaucoup battus », se satisfait le sénateur Bernard Delcros. « Au Parlement rural, nous avions donné l’objectif de 100 millions d’euros. La Première ministre s’est basée sur nos travaux et c’est une grande satisfaction », se réjouit-il. Cette dotation est destinée aux ruralités, qui s’engagent dans la préservation de la nature et de leurs « aménités rurales », c’est-à-dire une zone bucolique qui apporte un avantage à la commune : paysages, lacs, cours d’eau ou encore étangs.
« Il y a des sujets à approfondir et à compléter »
Le plan est, certes, une avancée majeure reconnue par les sénateurs, les maires et les acteurs du monde rural mais n’est pas pour autant exhaustif. « On sent qu’il y a une volonté du gouvernement d’avancer sur une approche globale. Ensuite quand on a dit ça, il y a des sujets à approfondir et à compléter », nuance le sénateur. Tout d’abord, la première préoccupation des habitants des communes reculées est la désertification médicale. 7 Français sur 10, selon l’Ifop, estiment même que ce facteur est un frein à une installation à la campagne. « France ruralités » prévoit la mise en place de 100 médicobus pour permettre aux habitants ruraux de jouir d’une offre de soins plus nombreuse, notamment en ce qu’il concerne les médecins spécialistes. Une mesure qui devrait être complémentaire à la proposition de loi du député Frédéric Valletoux, qui débute son parcours parlementaire. Toutefois, Bernard Delcros estime que les mesures seront à renforcer. « Je pense qu’il faut aller au-delà pour donner l’accès aux médecins généralistes. Il faut aussi des mesures spécifiques concernant les offres de qualité des services hospitaliers ruraux ».
Enfin, les sujets de l’éducation et de l’offre culturelle ont seulement été passés en revue par Élisabeth Borne. Une situation qui désole le sénateur centriste : « Sur les classes multiniveaux, on attend des mesures. Sur les petits collègues, on attend des mesures. On attend aussi qu’il y ait des conventions signées entre les communes et l’État pour donner de la visibilité sur trois ans à tous le système éducatif de ces zones ». La Première ministre promet quand même des mesures concrètes à l’automne.