Agriculture en hiver
Les chutes de neige sur la France et dans l'Eure et Loir ont recouvert les cultures ou les premieres pousses sont deja visibles.//MASTAR_SIPA014341/Credit:Mario FOURMY/SIPA/2401151147

Gel des cultures : comment fonctionne la loi « assurance récolte » ?

Alors que la France traverse une période de froid, les agriculteurs craignent que le gel détruise une partie de leur future récolte. Depuis l’année dernière, la loi « assurance récolte » modifie les conditions d’indemnisation. Explications
Simon Barbarit

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Comme en 2021 et 2022 à la même époque, la France traverse une période de froid à hauts risques pour les agriculteurs. Depuis ce week-end, dans le Var, la Bourgogne, passant par le Puy-de-Dôme ou la Bourgogne, les viticulteurs et arboriculteurs surveillent l’effet des températures négatives sur les vignes et les bourgeons qui ont commencé à débourrer (épanouissement des bourgeons).

En 2021, les pertes dues au gel avaient conduit à la mise en place d’un fonds d’urgence pour les exploitants les plus touchés de 20 millions d’euros, et une prise en charge des cotisations sociales pour près de 70 % des exploitations à hauteur de 170 millions d’euros.

Jérôme Despey, premier vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA a indiqué lundi à l’AFP qu’il y avait « déjà eu quelques pertes chez des viticulteurs dans le Var, le Vaucluse et certaines zones de l’Hérault ». Adoptée en 2022 et entrée en vigueur janvier 2023, la loi « assurance récolte » a fixé un nouveau cadre général d’indemnisation tripartite entre les agriculteurs, l’Etat et les assurances.  « Une fusée à plusieurs étages » destinée à élargir la couverture assurantielle explique Henri Cabanel, sénateur (RDSE) de l’Hérault, viticulteur de métier.

« L’objectif du gouvernement était de favoriser la pénétration de la couverture assurantielle dans le milieu agricole »

Les risques de faible intensité sont à la charge de l’exploitant agricole, par de l’épargne de précaution, notamment. Le risque d’intensité moyenne (à partir de 20 % de pertes) est absorbé lui par l’assurance multirisque climatique (MRC), subventionnée par l’Etat à hauteur 70 %. Enfin, en cas de pertes « catastrophiques », c’est la solidarité nationale qui joue à un seuil fixé à 50 % de pertes pour la viticulture et 30 % pour l’arboriculture. Pour les agriculteurs assurés, 90 % des pertes sont prises en charge part l’Etat et 10 % par l’assurance. Pour ceux qui ne sont pas assurés, le seuil d’indemnisation par la solidarité nationale était de 45 % de pertes en 2023, de 40 % en 2024 et sera de 35 % en 2025. « L’objectif du gouvernement était de favoriser la pénétration de la couverture assurantielle dans le milieu agricole. Avant la loi, moins de 30 % des agriculteurs étaient assurés. Je ne pense pas que la loi ait énormément changé les choses. C’est pourquoi je demande un débat au Parlement portant sur l’évaluation de la loi », insiste Henri Cabanel. A titre personnel, le sénateur milite toujours pour la mise en place d’un système « d’assurance obligatoire » intégrée dans les coûts de production.

Lors de l’examen du projet de loi à la chambre haute, les sénateurs avaient voté la possibilité pour les jeunes agriculteurs de moduler leur aide à l’installation en fonction de la souscription d’une assurance ou de la réalisation d’un diagnostic des risques.

A l’époque, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard avait dénoncé un texte « privilégiant les exploitants qui sont déjà assurés » car le système selon lui, exclut « une grande partie des exploitations comme celles qui font du petit maraîchage car le bénéfice/risque est trop élevé pour les assureurs », regrettait-il.

La « moyenne olympique » n’est plus adaptée au changement climatique

Un autre reproche porte sur le calcul de l’indemnisation en fonction de la moyenne olympique conformément aux règles européennes fondées suite à l’accord de Marrakech sur l’Agriculture de l’Organisation mondiale du commerce de 1994. Cette moyenne repose sur les rendements des cinq dernières années, en excluant la meilleure et la plus mauvaise. « Le problème, c’est que désormais, les années se suivent et se ressemblent. Mon père vivait une année difficile sur cinq ans. Moi, c’était plutôt une moyenne de deux années sur cinq et depuis que mon fils a repris l’exploitation il y a trois ans, il n’a vécu que des aléas. Cette moyenne n’est plus adaptée. Le ministre (Marc Fesneau) s’était engagé à faire évoluer le dispositif auprès des instances européennes. Nous ne voyons rien venir », rappelle Henri Cabanel.

En attendant pour lutter contre le gel qui peut arriver jusqu’aux « Saints de Glace », autour du 10-12 mai, les agriculteurs s’équipent pour protéger les bourgeons des températures au-dessous de 0 °C, en utilisant des éoliennes, des bougies. Ils peuvent aussi asperger les vignes ou les arbres fruitiers afin d’enrober d’un igloo de glace les bourgeons et les protéger des températures négatives.

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