Des tonnes de dons à destination de Mayotte bloquées depuis des semaines dans le principal port de l’archipel. Ce jeudi 27 mars, plusieurs élus et associatifs ont poussé un coup de gueule face à une situation ubuesque : plusieurs conteneurs remplis de produits de première nécessité, collectés depuis l’Hexagone pour soutenir les Mahorais sinistrés par le passage du cyclone Chido, restent stationnés dans le port de Longoni, faute de moyens pour s’acquitter des frais de débarquement réclamés par l’administration portuaire.
« Pour l’instant nous n’avons pas encore de comptage du nombre exact de conteneurs concernés par cette situation. Ils seraient une dizaine. J’ai été alerté par une association de Moselle, avant de découvrir que cela concerne de nombreux autres organismes à travers le territoire. Il faut dire qu’il y a eu une mobilisation sans précédent des Français pour soutenir Mayotte », explique Saïd Omar Oili, sénateur socialiste de Mayotte, lors d’une conférence de presse organisée au Sénat. Il y a une semaine déjà, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au gouvernement, cet élu a alerté l’exécutif.
« Pour l’acheminement des dons, je rappelle l’importance pour les donateurs de prévoir autant que cela se peut les frais dans leur intégralité, notamment transitaires ou de manutention », lui a répondu Patrick Mignola, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement. À ce stade, les autorités estiment qu’utiliser le pouvoir de réquisition du préfet serait « contreproductif », car cela risquerait « d’interférer avec le flux logistique » du port, dont le sous-dimensionnement cause déjà de nombreuses difficultés. « Une réponse indigne d’une autorité publique au regard des souffrances de la population mahoraise ! », s’insurge Saïd Omar Oili.
« Il y a des charges dont nous ne comprenons pas la raison »
Originaire des Côtes-d’Armor, Brieuc Le Bever est professeur d’EPS à Mayotte. Il a organisé avec un collectif d’enseignants une collecte dans son département natal à l’attention de l’archipel. Au total : 21 tonnes de vêtements, de matériel scolaire et de produits d’hygiène ont pu être rassemblées et envoyées vers Mayotte. Mais depuis le 18 février, le conteneur reste bloqué dans le port : les 5 800 euros prévus pour garantir son acheminement n’ont pas suffi à couvrir les frais finalement réclamés une fois sur place. La dépense totale avoisine désormais les 10 000 euros.
« Il y a des charges dont nous ne comprenons pas la raison, comme des frais de douane, alors que les dons en sont exonérés », pointe le jeune homme. Et avec le temps qui passe, les pénalités continuent de s’accumuler. « Nous avons pris contact avec les différents acteurs sur l’île, et tout le monde se renvoie la balle sans nous donner de solution ». Brieuc Le Bever refuse pour l’heure d’abandonner le conteur, notamment par crainte des représailles judiciaires.
Le silence du ministère
« Nous n’avons aucune explication », regrette Annie Le Houérou la sénatrice PS des Côtes-d’Armor qui déplore d’avoir recours à une conférence de presse pour débloquer ce sujet. L’incompréhension est d’autant plus grande du côté des humanitaires qu’ils n’ont pas eu à faire face à de telles difficultés à Saint-Martin, après le passage de l’ouragan Irma en 2017. « Cette différence de traitement nous pose question », pointe Jean-Luc Cyprien, le président de l’ONG Outre-mer Solidarités Catastrophes (OMSC).
Cinquante tonnes de dons réunies par cette ONG sont également bloquées à Longoni : des denrées alimentaires, théoriquement non périssables ; des produits d’hygiène, notamment à destination des nouveau-nés ; du matériel médical et surtout de l’eau potable, un bien qui manque cruellement sur l’île.
« Nous attendons une réponse de Manuel Valls, le ministre des Outre-Mer », martèle Jean-Luc Cyprien. « Nos départements ultramarins sont les seuls de la République à être touchés chaque année par des évènements cycloniques. Il faut mettre en place des dispositifs pérennes. On ne peut pas se retrouver à bricoler, à chaque fois, avec la générosité des Français », enjoint-il.
D’ici là, le sénateur Saïd Omar Oili redoute une baisse du soutien aux Mahorais, toujours dans une situation critique. « Tous les jours je reçois des coups de fil d’associations, ici ou là, qui me disent qu’elles ne veulent plus prendre le risque d’expédier des conteneurs à Mayotte », rapporte-t-il. « Elles ne comprennent pas qu’envoyer des dons à l’Ukraine ne coûte rien, mais qu’il faille dépenser autant pour acheminer l’aide des Français envers leurs compatriotes ».