Nouvel acte de décentralisation : « C’est une intention qu’on entend tous les 6 mois », se méfie David Lisnard

Alors que le premier ministre met sur la table un nouvel acte de décentralisation, le président LR de l’Association des maires de France, David Lisnard, se dit « à disposition de l’exécutif » pour avancer vers une « véritable décentralisation » avec plus de « libertés » locales. Il veut « confier aux collectivités » un pouvoir d’« adaptation législative ».
François Vignal

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

L’an dernier, la conférence de presse de rentrée de l’AMF était polluée par le contexte politique. Michel Barnier venait d’être nommé premier ministre. On évoquait alors la possible entrée au gouvernement de David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’Association des maires de France. Un an plus tard, Matignon a changé deux fois de locataire et lui est toujours à la tête de la plus grosse association d’élus locaux.

Cette fois, ce sont les déclarations du nouveau premier ministre fraîchement nommé, Sébastien Lecornu, qui viennent bousculer la rentrée de l’AMF. « Je souhaite présenter un grand acte de décentralisation, de clarification et de liberté locale au Parlement. J’ouvrirai des consultations rapides dès la semaine prochaine », a annoncé samedi dernier le chef du gouvernement dans un entretien à la presse quotidienne régionale.

Si l’ambition de Sébastien Lecornu reste encore floue, ce dernier entend mieux définir « ce qu’on attend de l’Etat, au moment où les attentes seront de plus en plus fortes notamment sur le régalien. En parallèle, le millefeuille administratif a parfois conduit à une dilution des responsabilités et à des surcoûts. Trop d’acteurs interviennent sur les mêmes sujets, alors qu’il n’y a qu’un seul contribuable qui finance le tout. Le principe : quand on sait qui commande, on sait à qui demander des comptes. Les administrations doivent être sous l’autorité directe soit des ministres, soit des préfets, soit d’un élu local. Faisons simple », soutient le premier ministre.

« Vigilant », David Lisnard se « réjouit de façon raisonnable »

Des propos que le numéro 1 de l’AMF accueille, sur le principe, favorablement. « On se réjouit de cette intention », réagit au micro David Lisnard (voir la vidéo, images de Cécile Sixou), avant d’ajouter aussitôt : « On s’en réjouit de façon raisonnable, car c’est une intention qu’on entend tous les 6 mois et qui dans la réalité, se traduit très souvent par une recentralisation juridique, normative et fiscale. Mais on ne va pas faire de procès d’intention. Il y a un nouveau premier ministre, c’est un habile politique et on sera à disposition de l’exécutif pour que ses déclarations ne restent pas incantatoires ». A l’heure du déjeuner, le patron de l’AMF n’avait toujours pas reçu son carton d’invitation pour Matignon.

Mais le président de l’AMF se dit « vigilant ». « Soit cette annonce ne sera pas suivie d’effet. Soit ce sera un nouveau cheval de Troie de nouveaux prélèvements non compensés », craint le maire de Cannes. Donc sur le principe, « oui à ce mouvement de décentralisation », mais « tout ce qui permet une véritable décentralisation, qui responsabilise ».

Dans l’esprit de l’AMF, c’est « faire en sorte que les habitants et leurs représentants, c’est-à-dire les élus locaux, soient responsables donc libres de décider dans le domaine de la santé, de l’action publique, en général. Ce qui est source d’efficacité. Quand vous êtes responsable, qu’il y a une responsabilité fiscale par exemple, vous êtes incité à être économe, efficace, efficient. C’est aussi un transfert de pouvoir réglementaire », avance celui qui est aussi président de Nouvelle énergie, l’écurie politique de ce libéral assumé. A ses yeux, il convient de « confier aux collectivités » le droit à une « adaptation législative ».

« Le millefeuille est physique. Ce sont les 3.800 pages du Code de l’urbanisme »

S’il confirme que la clarification des compétences serait source d’économies, il vise aussi une simplification administrative. « Le millefeuille est physique. Ce sont les 3.800 pages du Code de l’urbanisme. Les trois mille et quelques pages du Code de la commande publique. C’est le Code de l’environnement, qui est passé de 100.000 mots à 1.200.000 mots en 12 ans », déplore le maire LR de Cannes.

André Laignel, l’inamovible premier vice-président de l’AMF, présent aux côtés de David Lisnard, en a vu d’autres aussi. Il reste tout autant sur ses gardes. « On est capable de remplir plusieurs armoires de toutes les enquêtes, rapports, qui ont été faits sur la décentralisation », raille le maire PS d’Issoudun. « Une nouvelle étape de décentralisation, ce n’est pas un article de mode, c’est redonner du souffle à la République », lance André Laignel, pour qui ce serait plus que nécessaire. D’autant que « depuis quelques années, il y a un recul de la décentralisation. Nous sommes revenus au point de départ », soutient le socialiste. Pointant « l’autonomie financière, qui est bafouée », il rêve d’une « autonomie fiscale », avec « une liberté de décider l’impôt » qui crée « une responsabilité face au citoyen ». Ces derniers mois, le précédent gouvernement avait timidement ouvert la réflexion sur ce sujet – sensible – de la fiscalité locale, dont les communes ont perdu le levier depuis la suppression de la taxe d’habitation. La vision idéale de la décentralisation défendue par André Laignel va loin : « Tout est décentralisé, sauf ce qui est réservé à l’Etat ». Un retournement complet de paradigme. On en est loin.

Pour Antoine Homé, trésorier de l’AMF et maire PS de Wittenheim, il ne faut rien espérer de sérieux à court terme, malgré l’ambition affichée par le premier ministre. « Nous aspirons à une vraie relance de la décentralisation, quand les conditions politiques seront revenues. Je ne crois pas qu’elles soient revenues à ce stade », pense le responsable de l’AMF.

« Osez l’engagement ! » : une campagne face au « flot de démissions » de maires

Si un nouvel acte de décentralisation reste encore hypothétique et à construire, l’AMF a devant elle un rendez-vous beaucoup plus concret et surtout, certain : les municipales de mars 2026. Les près de 35.000 communes de France verront alors leur conseil municipal renouvelé. Toute ou presque, car depuis plusieurs années, la chose publique connaît une forme de crise des vocations. Et il devient de plus en plus difficile de trouver des candidats, au point que quelques rares communes n’ont pas de maire. Surtout, beaucoup jettent l’éponge en cours de route.

Pour tenter de conjurer cette tendance, l’AMF lance une campagne intitulée « Osez l’engagement ! », sous-titrée « votre commune a besoin de vous ». « Ce n’est pas l’Oncle Sam qui vous parle, mais la Mère Patrie, ou la Mère République », lance David Lisnard. Concrètement, « il y a quatre fois plus de démissions de maires et d’élus locaux qu’il y a 20 ans », alerte le président de l’AMF, qui avance un chiffre qui laisse songeur : « Il y a 42 démissions de maires en moyenne par mois ».

Pour le maire de Cannes, il ne s’agit « pas de crise de vocation, mais d’une crise d’exécution des mandats ». Ce « flot de démissions » s’explique, selon André Laignel, par le « sentiment des maires de ne plus pouvoir répondre aux attentes des citoyens, sur le plan financier ou juridique ».

Un kit pour les communes et des influenceurs pour toucher les jeunes

Pour mener cette campagne « osez l’engagement », 25.000 collectivités ont déjà pris le kit prévu à cet effet. Pour tenter de toucher un public jeune, l’AMF ajoute une campagne « plus digitale et incarnée », explique Murielle Fabre, secrétaire générale de l’association, Maire de Lampertheim, et porte-parole de Nouvelle Energie. L’AMF a fait appel à quelques créateurs de contenus, Cyrus North, Estherium, Mister Geopolitix, Anis Rhali ou encore Alex Darmon (ancien de Public Sénat, ndlr). Leurs vidéos ou storys seront relayées sur les réseaux avant et après le congrès de l’AMF, moment phare de l’association, fin novembre.

Source d’espoir pour l’AMF : selon une étude du Cévipof réalisée auprès de 6.000 électeurs par Martial Foucault pour l’association, le maire est toujours la figure politique la plus plébiscitée en France. Avec 69 % de confiance, il reste l’élu préféré des Français.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

83515009_2710532805667820_6359147467723767808_n (1)
3min

Territoires

Furieux de l’attitude de l’Élysée envers l’Alsace, le sénateur du Bas-Rhin André Reichardt démissionne

Le parlementaire a annoncé qu’il mettait fin à son mandat ce 5 septembre, depuis le siège de la Collectivité européenne d’Alsace, à Strasbourg. Le sénateur dénonce, par son geste, « l’absence de considération » et « le mépris » de l’exécutif envers la revendication des élus et parlementaires locaux de créer une région Alsace.

Le

POLLUTION AND FLOODING
5min

Territoires

La justice condamne l’Etat pour de la pollution à l’arsenic dans l’Aude : « Une avancée décisive »

Le tribunal administratif de Montpellier enjoint à l’Etat de réaliser les travaux nécessaires pour réduire la pollution liée à l’ancien bassin minier de Salsigne, dans l’Aude. En 2020, la sénatrice socialiste du département, Gisèle Jourda, avait obtenu le lancement d’une commission d’enquête sur les pollutions industrielles et minières des sols.

Le