Problèmes assurantiels des collectivités territoriales : « Nous serons amenés à payer plus cher nos assurances »

Ce mercredi 7 février, la commission des finances du Sénat est revenue sur les risques accrus, pesant notamment sur les bâtiments publics liés à la multiplication des événements et aléas climatiques, mais également en raison de la survenance de mouvements sociaux de grande ampleur à l’image des manifestations des Gilets Jaunes et des émeutes de juin 2023. Alain Chrétien, maire de Vesoul, qui a été désigné aux côtés de Jean-Yves Dagès, ancien président de la fédération nationale de Groupama, pour conduire une mission gouvernementale sur l’assurabilité des collectivités, ne se fait pas d’illusions : dans les années à venir, les collectivités seront amenées à payer « plus cher » leurs assurances.
Alexis Graillot

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En octobre 2023, une mission a été créée par le gouvernement pour connaître les difficultés assurantielles des collectivités territoriales avec comme objectifs de dresser un état des lieux des difficultés et de proposer des solutions pour garantir des conditions d’assurance acceptables et soutenables financièrement pour l’ensemble des collectivités.

Ces derniers mois, de nombreux élus avaient en effet alerté sur l’explosion du prix des contrats d’assurance, faisant peser un danger financier majeur sur les collectivités. En novembre dernier, Nadine Wantz, présidente de la Communauté de Communes du Pays Riolais (CCPR) et maire de Rioz en Haute-Saône, alertait chez nos confrères de France Bleu Franche-Comté : « J’ai très peur que les collectivités ne puissent plus être assurées du tout. Et si on n’est plus assurés, ça veut dire qu’à chaque fois, on doit payer en totalité les travaux de réparation et ça, je ne sais pas si on va pouvoir le supporter financièrement ».

 

« Des risques accrus »

 

D’emblée, Emmanuel Capus, vice-président de la commission des Finances du Sénat et sénateur du Maine-et-Loire, faisait part de ses inquiétudes : « Depuis quelques années, les collectivités territoriales doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain en raison de la multiplication des aléas climatiques », rappelant par ailleurs que l’année dernière, « plus de 150 communes ont reçu des avenants » et « plus de 200 ont vu leurs contrats résilier par les 2 principaux assureurs des collectivités territoriales », en l’espèce SMACL Assurances et Groupama.

Contactées par L’Argus de l’assurance fin 2023, les deux assureurs se défendaient : « Nous avons été contraints d’opérer un durcissement de nos conditions contractuelles afin d’assurer la pérennité de notre modèle et pouvoir continuer à couvrir nos assurés » expliquait SMACL Assurances. De son côté, Groupama soulignait l’importance des aléas climatiques dans les sinistres : « Les aléas climatiques représentent aujourd’hui 30% des sinistres que nous enregistrons sur le marché des collectivités ».

Pour autant, la liste des collectivités touchées par ces hausses spectaculaires constitue un travail extrêmement complexe comme le rappelle Alain Chrétien : « Nous avons des difficultés à recenser les collectivités qui ont fait face à des augmentations, car il n’y a pas d’obligation à déclarer » le sinistre. Néanmoins, si le maire de Vesoul relève que la hausse concerne « toutes les communes y compris celles qui n’ont été touchées ni par les émeutes, ni par des catastrophes climatiques », il souligne un « désengagement massif pour quelques milliers de communes les plus dotées en services publics », et donc plus soumises à d’éventuels dommages sur leurs bâtiments.

 

« Intégrer la culture du risque dans le fonctionnement des collectivités »

 

Néanmoins, Éric Schahl (UDI), conseiller régional d’Ile-de-France et représentant de Régions de France met en évidence, au-delà de la multiplication des aléas climatiques et des mouvements sociaux, la conséquence plus latente de la crise sanitaire et de fait, « le ralentissement de l’économie mondiale du fait de marchés boursiers moins fructueux » entraînant des « pertes techniques et de capacité à avoir des marges ». Cette diminution du marché de l’assurance ne doit pas cependant pas faire oublier selon l’élu, « une situation de quasi-monopole des deux assureurs sur le marché » contraignant les communes à se tourner seulement vers ces deux acteurs. « Si on veut baisser les prix, il faut une concurrence pleine et non faussée » ajoute-t-il.

En dépit de ces problèmes concurrentiels, les élus s’accordent sur le fait que les collectivités territoriales doivent prendre leur part et s’interroger sur les problèmes structurels affaiblissant les relations assureurs-collectivités : « On a un problème de dialogue et de compréhension », déplore Alain Chrétien estimant par ailleurs qu’« il faut donner envie aux assureurs de nous assurer en intégrant la culture du risque dans le fonctionnement des collectivités ». « Nous n’avons aucune culture du risque », alerte quant à elle Françoise Gatel (UDI), sénatrice d’Ille-et-Vilaine.

Cette culture de la gestion du risque est néanmoins le corollaire d’une « bonne connaissance du patrimoine » qui représente une « vraie difficulté » pour les collectivités relève Alain Chrétien. « Pour bien définir la nature de la protection, il faut bien définir la nature des besoins » continue le maire de Vesoul.

« La gestion du risque est de plus en plus prégnante au sein des collectivités, mais elles n’en ont pas les moyens », tempère cependant Ghislaine Senée (EELV), sénatrice des Yvelines, dénonçant par ailleurs le caractère « inadmissible le fait que les collectivités soient passés d’une assurance de 1500 à plus d’un million d’euros ». « Les élus doivent désormais tout gérer », s’agace de son côté Isabelle Briquet (PS), sénatrice de la Haute-Vienne.

La mutualisation pour diminuer les coûts ?

 

Dans la lignée d’une amélioration de la gestion du risque, d’autres élus plaident pour une « mutualisation » de ces risques, en d’autres termes, répartir le coût de la réalisation d’un sinistre entre plusieurs communes potentiellement soumises au même sinistre. « Je crois beaucoup aux mutualisations à condition qu’elles soient pertinentes », affirme Françoise Gatel.

« La logique de mutualisation est intéressante à l’échelle intercommunale car cela permettrait de recruter quelqu’un qui soit qualifié en matière d’assurance sur un sujet extrêmement technique » permettant ainsi « d’accompagner les communes les plus petites mais également les intercommunalités qui gèrent des équipements plus importants », abonde Thomas Fromentin, président de la communauté d’agglomération Pays Foix-Varilhes et administrateur d’Intercommunalités de France. Ce dernier s’alarme cependant d’une situation extrêmement tendue dans les territoires d’outre-mer : « Je dois désormais assurer l’école classe par classe » témoignait de son côté un élu ultra-marin.

 

Favoriser le « bon usage » du Code des marchés publics

 

En réponse à ces difficultés et dans un contexte de « judiciarisation » des élus et de la société plus globalement, Françoise Gatel réclame un « travail de pédagogie envers nos concitoyens ». De son côté, Alain Chrétien explique qu’« une partie de la réponse est dans le bon usage du code des marchés publics. Tous les outils sont inclus dedans, plus on les connaîtra, moins on aura besoin de moyens d’ingénierie supplémentaire pour faire face à une mauvaise utilisation ». Selon le maire de Vesoul, la procédure d’appel d’offres est encore « trop souvent utilisée alors que d’autres outils existent », prenant exemple sur la procédure de marché négocié, « procédure par laquelle un acheteur négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques autorisés à participer aux négociations » (Article R. 2124-3 du Code des marchés publics). Pour autant, il souligne que « cela nécessite une ingénierie très importante que l’on peut se payer quand on est une grande collectivité ». « Acheter de l’assurance est un vrai métier, il est très important d’être accompagné en règle générale » ajoute Françoise Gatel.

« Nous devons partir d’une connaissance la plus aboutie et la plus objective. Il faut éviter de tomber dans des positions accusatrices. Il faut les entendre sans tomber dans une forme de démagogie et de populisme, ce qui suppose une prise de responsabilité individuelle et collective » conclut de son côté le rapporteur général Jean-François Husson (LR), sénateur de Meurthe-et-Moselle.

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