Après s’être entretenu avec le président du département, ravagé en décembre par le cyclone Chido, le président du Sénat a insisté sur l’important de passer des annonces « au concret » pour l’île. « Dépassons nos clivages », a-t-il encouragé.
Ravagée par trois guerres en moins d’un siècle… « Alsace dans la tourmente de l’Histoire »
Par Marie Lebon
Publié le
De 1870 à 1945, France et Allemagne convoitent un même territoire situé entre les deux pays, dans une plaine prospère et fertile, l’Alsace.
Germanique durant tout le Moyen-âge et la Renaissance, l’Alsace devient française pour la première fois au milieu du XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV et le reste pendant un petit peu plus de deux siècles, jusqu’à la guerre de 1870.
Cette année-là, pour la première fois, deux grandes puissances s’affrontent faisant de l’Alsace le théâtre de leurs confrontations. Vaincu en 1871, la France cède l’Alsace et une partie de la Moselle à son voisin, l’empire du Kaiser Guillaume I.
Acte I de l’histoire tourmentée de l’Alsace.
Après l’annexion, les Alsaciens sont sommés de choisir : partir et demeurer Français ou rester sur leur sol et devenir Allemands. 58 000 choisissent la France, on les appelle les « optants ». Beaucoup s’installent à Paris, où ils créent des brasseries, comme Zimmer ou Lipp mais aussi l’école alsacienne.
Dans le documentaire, l’écrivain Yves Moritz se rappelle : « Il y a déjà à cette époque, une phobie de l’Allemagne qui nous a envahi. Ma famille est tellement francophile que chaque fois que les Allemands arrivent elle s’en va, et quand ils refluent au-delà de nos frontières, elle revient ».
Et si les occupants mettent en place une administration prussienne organisée, modernisent l’habitat, développent l’industrie avec des familles De Dietrich ou Schlumberger ou importent la Sécurité sociale, ils se comportent comme des maitres et « les Alsaciens sont alors considérés comme des Allemands de 2nd catégories » comme l’explique Christian Hahn, membre du bureau du Conseil Culturel d’Alsace.
Août 1914, la Première guerre mondiale déchire les familles
Acte II de cette histoire tourmentée de l’Alsace : Août 1914. Des deux côtés du Rhin, Allemands et Français partent au combat… En Alsace, on assite aux mêmes scènes, mais celles-ci déchirent souvent les familles.
300 000 alsaciens « nés Allemands » après 1871 sont mobilisé sous le drapeau germanique, mais certains refusent à l’image d’un des grands-oncles de Laurent Pfaadt, qui témoigne dans le documentaire, de partir au combat.
Parti faire son apprentissage chez Fauchon à Paris, le jeune alsacien s’engage alors dans l’armée française et se retrouve à combattre sur le front à moins de 40km que ses frères portants eux l’uniforme allemand.
Pendant ces années de guerre, dans les villes et les campagnes, 15 000 alsaciens et allemands vivants en Alsace sont arrêtés par les Français et internés.
Un épisode qui hante encore aujourd’hui ce territoire. « Après la guerre, on souhaite oublier parce que cela entache l’image de la France. Et en Alsace, les gens concernés ont honte d’avoir été soupçonnés de quelque chose qui n’ont pas fait, mais la honte est restée » rapporte le poète Jean-Louis Spieser.
Le retour de l’Alsace et d’une partie de la Moselle dans la République française au lendemain de la guerre, crée de l’espoir mais aussi des difficultés. Pour toute une génération d’Alsaciens, la France est alors une inconnue dont on ne parle pas la langue, en 1918 seuls 2% des enfants parlent le Français.
La France organise alors une classification des Alsaciens en quatre catégories sur leurs papiers d’identité, A, B, C ou D en fonction de leur ascendance. « Mon arrière-grand-père né Allemand est catégorie D alors que sa maman, née avant 1870, est-elle classée A » raconte l’historien Christophe Woehrle. « Le drame, c’est qu’au sein d’une même famille, certains doivent être expulsé et pas d’autres » ajoute Jean-Louis Spieser.
1939 – 1945, Années noires en Alsace : les « malgré-nous » marquent l’Histoire du peuple alsacien
Septembre 1939, c’est la drôle de guerre. L’Alsace sert de terrain à cette phase d’observation… Les Français derrière la ligne Maginot et de l’autre côté du Rhin, les soldats allemands. De crainte d’une invasion, on évacue Strasbourg, même les animaux du zoo sont priés de quitter la ville. 1/3 de la population alsacienne est évacuée en trois jours, principalement les femmes et les enfants.
Juin 1940, peu de temps après l’armistice, Hitler vient à Strasbourg pour savourer sa victoire.
Vingt-et-un an après être devenus Français, les Alsaciens passent sous les jougs des Allemands, une fois de plus sans qu’on leur demande leur avis, et « pour les nazis, pas question cette fois de germaniser les Alsaciens, car ils sont dans leurs esprits déjà Allemands mais de les nazifier » analyse Christian Hahn.
Service du travail obligatoire pour les hommes et les femmes, le Français devient langue interdite, les fonctionnaires doivent adhérer au parti nazi… Les récalcitrants, au moins 15 000 alsaciens et lorrains, sont internés dès juillet 1940 au camp de redressement de Schirmeck.
Ainsi, comme le note Brigitte Klinkert, députée Renaissance du Haut-Rhin, « il est peut-être plus difficile d’être résistant dans l’Alsace annexée au Reich que dans le reste de la France, mais des réseaux existent ». Ainsi, son grand-père fait passer des résistants alsaciens et allemands en France, en leur faisant traverser la chaîne montagneuse des Vosges.
25 août 1942, Robert Wagner, administrateur de la région par le Reich, ordonne l’enrôlement des Alsaciens dans l’armée allemande. Les « malgré nous » sont obligés de revêtir l’uniforme nazi au risque en cas de désertion de voir leurs parents, frères ou sœurs envoyés en Allemagne pour y être regermanisés.
Envoyés sur le front russe, 30 000 « malgré nous » perdent la vie pendant la Seconde Guerre mondiale. Acte ultime de l’Histoire de cette Alsace déchirée par les guerres.
23 novembre 1944, la 3e division blindée du général Leclerc fait à nouveau flotter le drapeau français au sommet de la cathédrale de Strasbourg mais l’Alsace est plus que jamais fracturée.
Arsène Wenger, entraineur de football, fil de « malgré nous » en témoigne. « C’est un petit territoire, les gens se sont observés, beaucoup ont soufferts, certains se sont enrichis en collaborant mais il faut se reconstruire ! »
Une reconstruction qui passera notamment par la naissance de l’Union Européenne puisque, que selon le souhait de Winston Churchill au lendemain de la guerre, Strasbourg, capitale de l’Alsace accueille désormais le Parlement européen, la Cour européenne des droits de l’Homme et le Conseil de l’Europe.
Retrouvez le documentaire « Alsace dans la tourmente de l’Histoire » mardi 31 décembre à 22h sur Public Sénat et en replay ici.