Revitalisation des centres-villes : un rapport du Sénat pointe un sous-financement des programmes

Revitalisation des centres-villes : un rapport du Sénat pointe un sous-financement des programmes

« Entre enthousiasme et frustrations ». Un rapport du Sénat relève un sentiment mitigé chez les élus locaux, face aux dispositifs « action cœur de ville », « petites villes de demain » et au volet revitalisation de la loi ELAN. La mission met sur la table 14 recommandations pour renforcer ces politiques essentielles pour les territoires.
François Vignal

Par Public Sénat

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La revitalisation des centres-villes, marqués par la fermeture des petits commerces ou la disparition des commerces de bouche. Un sujet sensible pour de nombreuses communes petites ou moyennes, que le Sénat suit depuis plusieurs années. La délégation aux collectivités territoriales et celle aux entreprises ont remis ce vendredi un rapport sur le sujet, suite au lancement d’une mission de contrôle sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Bilan : « Entre enthousiasme et frustrations ».

Avec 29 auditions, 4 déplacements sur le terrain et 2 consultations en ligne auprès des élus locaux et des acteurs des programmes, la mission, présidée par le sénateur LR Rémy Pointereau, et composée du président de la délégation aux entreprises, Serge Babary (LR), de Gilbert-Luc Devinaz (PS) et de Sonia de La Provôté (Union centriste), s’est d’abord penchée sur l’évaluation des dispositions de la loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Il en ressort que les élus locaux apprécient les opérations de revitalisation des territoires (ORT), cœur du volet revitalisation de la loi ELAN. Inspirées de travaux du Sénat, elles donnent aux communes des outils pour renforcer l’attractivité commerciale des centres-villes et moderniser le parc de logement.

Les élus « enthousiastes sur la méthode »

Pour aller plus loin, les sénateurs préconisent « de "muscler" le dispositif Denormandie d’aides fiscales à la rénovation de l’habitat ancien, d’une part en l’étendant aux locaux commerciaux, d’autre part, en le faisant mieux connaître des élus (un tiers ne le connaissent pas ou ne l’utilisent pas) », notent les sénateurs, ou « d’affranchir les actions de revitalisation en ORT des règles contraignantes du "Zéro artificialisation nette" ».

Les sénateurs se sont aussi penchés sur deux autres mesures du premier quinquennat Macron, les dispositifs « action cœur de ville » (ACV) et « petites villes de demain » (PVD). Si les élus sont « enthousiastes sur la méthode », ils regrettent « des financements insuffisants et une mise en œuvre complexe ». Ces programmes « apportent une méthode pour lancer, accélérer ou structurer une dynamique locale de revitalisation du territoire qui part des besoins et des projets du terrain et intègre des problématiques nouvelles, comme celle de la transition environnementale ».

« Grande illusion », « machine à frustrations », « pur produit marketing »

Mais dans le rapport, les sénateurs pointent en revanche « un sous-financement qui crée des frustrations chez les élus ». Ainsi, les communes ayant accès au programme « action cœur de ville » « n’ont pas d’accès prioritaire aux dotations de l’Etat ». Pire, « la part des subventions qu’elles reçoivent sur ces dotations n’a pas progressé et a même diminué entre 2018 et 2021 ».

Lire aussi >> Action cœur de ville : « Beaucoup plus utile que des milliers d’heures de débats parlementaires » pour Emmanuel Macron

Autre point : les subventions pèsent trop peu dans l’enveloppe globale, alors que « les élus ont pu croire que ces programmes donnaient accès à des subventions, respectivement de 5 milliards et de 3 milliards d’euros ». En réalité, la majorité des aides « sont des prêts, des prises de participation et des aides aux bailleurs privés ». Et même en prenant en compte toutes les aides, « elles représentent, en moyenne, moins de 25 % des plans de financement des projets "Action coeur de ville" », note un résumé du rapport. Il manque aussi une visibilité sur le long terme pour le financement. Par ailleurs, « le volet commercial des opérations de revitalisation n’est pas suffisamment développé. Le taux de vacance commerciale a en effet progressé de 1 point depuis 2019 dans les villes ACV »…

Résultat, « au regard de ces éléments, de nombreux élus présentent ces programmes comme une « grande illusion », une « machine à frustrations », voire « un pur produit marketing » », notent les sénateurs.

Des programmes menés « à marche forcée » et « au fonctionnement lourd et bureaucratique »

Autre grief : des programmes menés souvent « à marche forcée », « au fonctionnement lourd et bureaucratique », « complexes et difficiles à appréhender ». Par ailleurs, « les objectifs des programmes demeurent flous », les objectifs attendus de la revitalisation n’étant « ni chiffrés, ni facilement évaluables ».

Malgré ces critiques, les sénateurs ont constaté une satisfaction globale sur les deux programmes « action cœur de ville » et « petites villes de demain. Ils préconisent donc de les pérenniser jusqu’à la fin du prochain mandat municipal 2026-2032.

La mission préconise de créer un fonds dédié doté de 2 milliards d’euros

Pour répondre au manque de financement, la mission préconise de créer un fonds dédié doté de 2 milliards d’euros sur la durée restante des programmes ainsi qu’un fonds d’intervention pour le commerce dans la loi de finances pour 2023.

Face au constat de la complexité, des risques de standardisation et de la difficulté d’évaluer ces programmes, la mission préconise « de simplifier l’action des élus en simplifiant drastiquement les dispositifs ACV et PVD et en présentant les offres en fonction des demandes et besoins concrets des élus », d’organiser une fois par an une réunion d’information ouverte à l’ensemble des élus ou encore de renforcer l’évaluation des programmes.

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