« Couteau suisse », « pierre angulaire » ou encore « déesse Shiva »…autant d’expressions utilisées pour qualifier les secrétaires de mairie, tant c’est un métier qui se caractérise par la polyvalence. La sénatrice du Rhône Catherine Di Folco (Les Républicains) et ancienne maire d’une petite commune ne cache pas son admiration pour ses anciens collègues. Accompagnée de Cédric Vial (LR) et Jérôme Durain (socialiste), Catherine Di Folco ne présente pas des projections optimistes pour l’avenir du métier.
1919 postes à pourvoir, 8000 d’ici à 2030, « le poste de secrétaire de mairie est le métier le plus en tension de la fonction publique en 2022 », se désole le sénateur Cédric Vial. La faute, en partie selon les sénateurs, à un nom galvaudé. « Le titre ne dit pas forcément ce que la fonction représente. Il peut empêcher des personnes à s’engager dans ce métier. Nous créons le titre de « secrétaire général de mairie », poursuit le sénateur. Métier n’existant que dans les communes de moins de 3500 habitants, le secrétaire de mairie – poste occupé à 93 % en France par des femmes – est le cœur du fonctionnement d’une collectivité locale. Selon une échelle classant les secrétaires de mairie en trois catégories (A, B et C), le poste peut avoir plus ou moins de responsabilités : gestion des documents administratifs, gestion d’une association et même premier conseiller du maire en ce qui concerne le budget. « Le maire s’appuie souvent sur une seule personne : le secrétaire de mairie », estime Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Pour cela, les trois sénateurs doivent répondre à l’enjeu central du déclin de la profession : le manque d’attractivité.
Les trois sénateurs ne sont pas les premiers à s’interroger sur ce sujet. Déjà deux propositions de loi initiées au Sénat, dont Catherine Di Folco est rapporteure, ont été déposées depuis mars 2022. « La proposition de loi (communiste) a été votée à l’unanimité au Sénat, ce qui est tout à fait exceptionnel. Nous sommes vraiment dans une thématique transpartisane », se satisfait la sénatrice rhodanienne. Elle poursuit : « Visiblement elle ne sera pas reprise, car celle du groupe RDPI est arrivée. C’est cette proposition de loi qui va vivre sa vie car elle a été initiée par le gouvernement ». Rien de bien grave pour les sénateurs, qui comptent obtenir l’accord de la commission pour y inclure 17 propositions liées à leurs enquêtes sur le terrain.
Une rémunération à réhausser
La rémunération est la première proposition des sénateurs pour permettre d’attirer des candidats aux métiers de secrétaire de mairie. Selon la grille tarifaire de la fonction publique, une personne de grade C, soit la catégorie avec le moins de responsabilités, avec plus de 32 ans d’ancienneté ne peut prétendre qu’à une rémunération brute de 13,75€ de l’heure, contre un minimum légal de 11,52€. Avant même d’augmenter les salaires, les sénateurs visent d’abord à accompagner les mairies à promouvoir leurs agents en catégorie B et les candidats à préparer les concours adaptés. Ceci pour inverser la tendance actuelle de maintien des fonctionnaires en catégorie C. Aujourd’hui, environ 60 % des agents stagnent au dernier échelon.
« On souhaite rajouter des couches à la fusée pour rendre la fonction plus attractive », explique Cédric Vial. Par cette métaphore, il faut en réalité comprendre que les agents de catégorie A et B, qui seront devenus majoritaires, pourront bénéficier de nouvelles primes en fonction de leur poste, de leurs responsabilités et de leurs fonctions. « Nous avons décidé de ne pas raisonner par strate (catégorie ou taille de ville) mais centrer les rémunérations sur l’agent », clarifie le sénateur. En plus du RIFSEEP, un système indemnitaire créé en 2014 pour tous les fonctionnaires dont le montant est plafonné à 1457€ par mois, les sénateurs proposent d’étendre la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à toutes les communes de moins de 3500 habitants, contre 2000 habitants actuellement. La grande nouveauté serait la création d’une « prime de responsabilité » versée pour tous les secrétaires de mairie, quelles que soient son ancienneté et ses responsabilités. « Un décret fixera le montant des primes de responsabilités en fonction de chaque particularisme », avance Cédric Vial. En somme, un agent gérant plusieurs tâches à responsabilité, telles que les plans d’urbanisme, le budget ou une association, touchera plus de primes qu’un confrère avec moins de cordes à son arc.
Pallier le manque d’attractivité par la formation
Pour ce secteur, il y a urgence à attirer de nouvelles têtes et renouveler les générations. Selon la mission d’information, 50 % des titulaires du poste ont plus de 50 ans et un quart plus de 58 ans. La première mesure vise donc à accompagner les étudiants à s’engager dans cette voie, par le biais de formation universitaire harmonisée telle qu’une licence professionnelle ou un Diplôme universitaire. « Il faut travailler sur les bases techniques fondamentales en formation initiale, sinon il faudrait dix ans de formation continue pour arriver à tout maîtriser », affirme Cédric Vial.
Pour attirer les jeunes, encore faut-il qu’il y ait une perspective d’évolution dans sa carrière. Ce facteur est, selon une étude de l’EDHEC sortie en janvier 2021, une caractéristique fondamentale d’attractivité des étudiants. Toutefois, dans la grande majorité des cas, un secrétaire reste aujourd’hui cantonné à sa catégorie et ses fonctions durant sa carrière. La formation continue est une piste envisagée pour permettre aux secrétaires d’acquérir tout au long de leur carrière des compétences nouvelles. « On réfléchit à un système de mentorat ou de tutorat pour permettre aux agents d’avoir facilement des réponses à leurs questions », note le sénateur républicain. Ainsi, ces acquisitions de nouveaux savoir-faire permettront aux agents de grimper dans les échelles de responsabilités et de rémunérations.