Une proposition de loi sénatoriale veut aider les communes lâchées par leurs assurances

Le sénateur Jean-François Husson (LR) a déposé une proposition de loi transpartisane pour résoudre les problèmes d’accès à des assurances pour les collectivités locales, un phénomène inquiétant qui s’est développé ces dernières années, notamment depuis les émeutes de l’été 2023.
Guillaume Jacquot

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Des contrats résiliés sans raison par l’assureur, des avenants pour relever le niveau des cotisations ou des franchises, quand ce n’est pas tout simplement l’impossibilité de conclure une nouvelle protection avec un assureur. Ces dernières années, les relations entre les communes et les compagnies d’assurance se sont considérablement détériorées. De plus en plus de communes sans même désormais sans contrat, soit en raison de coûts devenus prohibitifs, soit en raison d’une résiliation unilatérale de l’assureur.

C’est par exemple ce qui est arrivé à la ville de Palaiseau (Essonne). Au lendemain des émeutes de l’été 2023, cette ville paisible du sud de l’agglomération parisienne a vu son contrat d’assurance tout bonnement résilié. La commune n’a pourtant pas été touchée par des destructions comme dans les villes limitrophes. « Quand on se tourne vers un autre prestataire, là on nous propose des franchises qui sont à 500 000, 1 million, 1,5 million par sinistre. Autant vous dire que quand on a un sinistre dans la commune, ce sont quelques milliers, dizaines de milliers d’euros, jamais plus, donc avec de telles franchises c’est totalement rédhibitoire et donc on a refusé de signer ces nouveaux contrats d’assurance », confiait à Public Sénat le maire Horizons de Palaiseau Grégoire de Lasteyrie (voir le reportage vidéo de Fabien Recker et Clément Guillonneau dans cet article).

« 90 % des collectivités de plus de 10 000 habitants déclarent avoir rencontré un problème avec leur assureur »

Sur les 730 millions d’euros de dégâts au total dans 500 communes, les assurances ont couvert à hauteur de 197 millions d’euros, soit 27 % du total. La multiplication d’intempéries dues au réchauffement climatique a également complexifié les liens entre communes et assurances.

La problématique de l’assurabilité est dans le radar du Sénat depuis des mois. L’an dernier, au cours du premier trimestre, la commission des finances avait mené une mission d’information. Une consultation en ligne sur le site du Sénat illustre d’ailleurs l’ampleur de la crise en cours : 60 % des collectivités ayant répondu, ont déclaré avoir eu un problème important avec leur assureur, ce taux s’élevant même à 90 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants.

« Si des modifications ne sont pas rapidement mises en application, la situation du marché de l’assurance des collectivités devrait encore se dégrader », prévient Jean-François Husson

La mission a débouché sur un rapport formulant plusieurs propositions pour garantir une solution d’assurance à chaque collectivité territoriale. La dissolution, avec l’interruption des travaux parlementaires, et l’instabilité gouvernementale qui a suivi, n’ont pas aidé à traduire concrètement les recommandations sénatoriales. Le mois dernier, l’auteur du rapport de la commission, Jean-François Husson (LR) a déposé une proposition de loi, cosignée par des collègues de plusieurs groupes, pour opérer les modifications législations qui s’imposent. « Si ces adaptations et modifications ne sont pas rapidement mises en application, la situation du marché de l’assurance des collectivités, qui connaît d’ores et déjà des tensions financières, devrait encore se dégrader », met en garde le rapporteur général du budget dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Les six articles de la proposition de loi s’articulent autour de trois axes : conforter la concurrence sur le marché de l’assurance privée des collectivités territoriales, rééquilibrer les relations entre les assureurs et les collectivités territoriales, et enfin, assurer une couverture de l’ensemble des risques.

L’un des principaux problèmes mis en exergue par l’exposé des motifs est l’absence de réelle concurrence dans le marché de l’assurance des collectivités, avec l’existence d’un quasi-duopole, occasionnant donc une asymétrie dans les relations contractuelles. La proposition de Jean-François Husson souhaite qu’une mission de suivi spécifique du marché de l’assurance des collectivités territoriales soit confiée à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Celle-ci aurait alors une prérogative de mise en garde, quand une personne « use de pratiques susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients ». En parallèle, le texte prévoit la mise en place d’un observatoire des tarifs assurantiels applicables au secteur public, sur le modèle de l’observatoire des tarifs bancaires, adossé au Comité consultatif du secteur financier.

Le recours à la médiation de l’assurance encouragée par la proposition de loi

Le texte vise également à étendre les actions du médiateur de l’assurance. S’il était adopté, les collectivités privées d’un assureur pourraient alors se tourner vers cet interlocuteur. Un autre article prévoit de systématiser les franchises dans les contrats d’assurance « dommages aux biens » des collectivités territoriales, une façon selon les auteurs du texte, de « responsabiliser la collectivité contractante et d’améliorer sa gestion des petits risques ».

La dernière partie entend tirer les conséquences des émeutes de l’été 2023. Actuellement, la dotation de solidarité aux collectivités victimes d’évènements climatiques ou géologiques (DSEC) ne couvre, comme son nom l’indique, que les dommages consécutifs à une catastrophe naturelle. La proposition de loi Husson propose d’étendre le champ de cette dotation aux dommages consécutifs aux émeutes ou à des « mouvements populaires violents ».

Il est aussi prévu l’instauration, dans les contrats d’assurance « dommages aux biens », d’une garantie obligatoire des dommages qui résultent d’émeutes et de mouvements populaires. Il introduit également un mécanisme de mutualisation du risque « émeutes et mouvements populaires ». La loi s’inspire notamment des modèles du régime CatNat (catastrophes naturelles).

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