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Viticulture en crise : « La filière doit se remettre en question », des sénateurs sonnent l’alarme

Leader mondial, le secteur viticole français se heurte ces dernières années à une série de crises, marquées par les conflits commerciaux internationaux et l’évolution des habitudes des consommateurs et auxquelles il ne parvient pas à faire face. Une impasse qui tient en l’incapacité de l’amont et de l’aval de la filière à s’écouter, déplore une mission d’information de la commission des Affaires Économiques du Sénat.
Aglaée Marchand

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Ce sont trois sénateurs amoureux de vin, mais soucieux, qui se tiennent devant la presse mercredi 29 octobre. Vignerons de formation, Daniel Laurent (LR), Henri Cabanel (RDSE) et Sébastien Pla (PS) ont sillonné les vignobles de France pendant plusieurs mois, « et même la Chine, les États-Unis ou l’Italie, enfin, en visioconférence ! », s’exclame le premier, élu de la Charente-Maritime. Une préoccupation a guidé leurs travaux dans le cadre d’une mission d’information de la commission des Affaires Économiques du Sénat : pourquoi le prix de nombre de bouteilles de vin sous appellation est-il inférieur au prix de l’huile d’olive ?

Les crises que traverse le secteur ne sont plus un secret pour personne. « Il a été injustement pris pour cible dans des conflits qui ne le regardaient pas », déplore Daniel Laurent. La fermeture brutale du marché chinois, les tensions commerciales avec les États-Unis et les 15 % de droits de douane décrétés cette année par Donald Trump, sont venus fragiliser une filière « d’excellence » et « essentielle » à l’économie française. Sans oublier les dérèglements climatiques « qui ne se comptent plus à l’échelle d’une vie mais à l’échelle d’une année », pointe le rapport, certains départements comme les Pyrénées-Orientales et l’Aude en font la dure expérience. L’accent est aussi mis sur l’évolution des goûts des amateurs de la boisson tannique. Avec une consommation annuelle par habitant passée de 135 litres en 1960, à 41 litres en 2023, Henri Cabanel constate une coupure générationnelle dans la culture du vin, avec un nouveau public qui choisit de s’orienter vers d’autres alternatives, parfois peu ou pas alcoolisées, auxquelles le secteur peine à s’intéresser. « En France, on n’a pas trop de vins. On a trop de vins qui ne correspondent pas aux consommateurs. On exporte pour douze millions mais on importe quatre millions, on devrait pouvoir se fournir tous seuls », soutient le sénateur de l’Hérault.

Tout miser sur une « entente entre l’amont et l’aval »

« Pendant longtemps, la viticulture a ronronné, on essayait de passer le cap jusqu’à l’année prochaine. Aujourd’hui, ça ne peut plus se passer comme ça », décrète Daniel Laurent, évoquant des vignerons parfois « à bout ». Alors, la viticulture doit « se responsabiliser », considère Henri Cabanel. Le ton est à l’urgence et unanime dans le trio de sénateurs : « La filière doit se remettre en question ». Sur les 23 recommandations formulées dans leur rapport, l’une s’impose comme règle d’or : l’organisation, au premier semestre 2026, d’Assises de la Viticulture, pilotées par la ministre de l’Agriculture, et qui rassembleraient tous les acteurs concernés, à commencer par les producteurs et le négoce, mais convieraient aussi les banques, les grandes enseignes ou encore les restaurateurs. Avec l’objectif d’aboutir à un « pacte de confiance », pour faire intervenir davantage les parties de l’aval dans les dynamiques de production, sous couvert de sécuriser le revenu des producteurs. « Dans trop de vignobles, ces deux familles ne se parlent pas », opine de la tête Daniel Laurent. Interpellée à la sortie des Questions d’actualité au gouvernement, Annie Genevard s’y est montrée plutôt « favorable », et « très à l’écoute », veut croire Henri Cabanel.

La réussite d’un tel rendez-vous, pourrait conditionner l’allocation de nouvelles aides à la distillation ou à l’arrachage, proposent les élus, y voyant l’assurance d’une « entente entre l’amont et l’aval », poursuit le sénateur de la Charente-Maritime. « L’abandon de l’accompagnement financier des plans individuels d’arrachage » pourrait aussi être considéré, afin d’ « aller vers des plans collectifs d’arrachage avec une stratégie construite à l’échelle des bassins viticoles », explique l’élu de l’Aude Sébastien Pla, alors que la France cultive 750 000 hectares aujourd’hui, contre 850 000 il y a trente ans.

Rationaliser le grand nombre d’interprofessions et d’organisations et réunir les différentes régions productrices sous une « bannière France », sont présentées comme des solutions qui permettraient à la viticulture française de se démarquer à l’export. C’est une filière qui a toutes les cartes en main pour s’en sortir, veulent rassurer les sénateurs. « Cela ne va pas être simple », reconnaît Henri Cabanel, « mais c’est gagnant-gagnant pour tout le monde ».

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