5G : « La France est le seul pays à être aussi en retard »
Il y a un an, la loi 5 g était votée au pas de charge par le parlement. Mais qu’en est-il depuis ? Pour la rapporteuse du texte au Sénat, Catherine Procaccia, « le gouvernement a traîné tout au long du processus ».

5G : « La France est le seul pays à être aussi en retard »

Il y a un an, la loi 5 g était votée au pas de charge par le parlement. Mais qu’en est-il depuis ? Pour la rapporteuse du texte au Sénat, Catherine Procaccia, « le gouvernement a traîné tout au long du processus ».
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

C’était la grande priorité du gouvernement. Quand la loi 5G arrive au parlement, les sénateurs sont invités à faire vite. Il n’y aura qu’une seule lecture, après quelques semaines d’auditions.

« J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi ce texte, censé être hyper urgent pour maintenir la compétitivité de la France, est soudain freiné », s’agace la rapporteure du texte au Sénat, Catherine Procaccia. L’élue (LR) du Val-de-Marne s’inquiète pour le développement de la nouvelle génération de téléphonie mobile en France.

« Les textes d’application ont été adoptés avec deux mois de retard, et les premières décisions d’application de la loi ont été rendues près d’un an après sa publication ! », assure la sénatrice. « On commence à prendre vraiment du retard. »

« Une loi anti-Huawei »

Depuis le départ, le gouvernement semble tiraillé entre la volonté de développer au plus vite cette technologie, présentée comme l’avenir des réseaux de télécommunication, et les inquiétudes suscitées par le géant chinois, Huawei.

« Quand la loi 5G est arrivée au Sénat, c’était en réalité une loi anti-Huawei », affirme Catherine Procaccia, qui dit craindre que cette opposition à l’équipementier chinois ne freine le développement de la téléphonie dans les zones blanches françaises.

Le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, a de son côté assuré qu’il n’y avait pas de « discrimination » envers Huawei. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France ne compte pas interdire le recours au groupe chinois, mais le gouvernement souhaite inciter les opérateurs français à se lier aux concurrents du géant asiatique : Nokia et Erickson.

Le risque d’une « porte dérobée »

Ces deux équipementiers, présentés comme des fleurons européens, sont également détenus par des capitaux américains, observe cependant Catherine Procaccia. Or, « le problème de sécurité se pose avec tous les opérateurs, estime-t-elle. Pour l’instant, ce sont les États-Unis qui ont beaucoup espionné. »

Le patron de la DGSE avait bien souligné, lors de son audition au Sénat, que « tout le monde espionne tout le monde ». Les craintes des agences de renseignement occidentales concernent une éventuelle « porte dérobée » dans les équipements Huawei. Cela permettrait au gouvernement chinois de collecter des informations sensibles, voire confidentielles, en s’introduisant dans nos systèmes de télécommunication.

Mais, pour Catherine Procaccia, ce risque serait actuellement maîtrisé : « On peut se méfier de Huawei du point de vue de la sécurité, mais cet équipementier n’a jamais équipé aucun cœur de réseau et il n’en est pas question. »

Seulement trois équipementiers dans le monde

Pour l’heure, le groupe chinois est supposé développer le réseau de distribution de la 5G, hormis autour de sites considérés comme sensibles. « Que l’on interdise Huawei près de sites sensibles comme la base navale de Toulon, oui, mais on ne peut pas refuser cet équipementier dans toutes les grandes villes », déclare la sénatrice LR.

« Il n’y a que trois équipementiers, donc on risque de se retrouver pieds et poings liés avec un seul équipementier », poursuit-elle. À ce jour, seuls SFR et Bouygues dépendent de Huawei : près de 50 % de leurs équipements ont été fournis par l’entreprise chinoise. Free n’en utilise pas et Orange seulement à la marge.

Des problèmes de compatibilité

Or, en raison de la Loi 5G, les opérateurs téléphoniques vont être obligés de trouver un équilibre entre les trois équipementiers Huawei, Nokia et Erickson.

Un problème de taille, selon la rapporteure du texte au Sénat : « "Panacher" ses équipements est très compliqué : il y a des problèmes de compatibilité, de la même manière qu’on ne peut pas remplacer telle pièce d’une machine à laver avec une pièce d’une autre marque », explique-t-elle.

Pour la sénatrice, les craintes suscitées par l’arrivée de Huawei en France ont été « exacerbées par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis ».

Un risque pour la santé ?

Mais la sécurité des réseaux de télécommunication n’est pas le seul motif d’inquiétude soulevé par le développement de la 5G. Pierre Hurmic, le nouveau maire écologiste de Bordeaux, s’est fait le porte-voix des anti-5G en demandant un « moratoire », pointant les éventuels risques pour la santé : « Je trouve totalement inadmissible qu'on puisse imposer la 5G sans expliquer, sans discuter, sans voir ce que sont les aspirations des habitants », a déclaré l’élu sur RTL.

Dans ce rapport préliminaire, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a déploré, en janvier dernier, « un manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés à l'exposition » aux ondes générées par la 5G. Son rapport définitif est attendu pour la fin de l’année.

Partager cet article

Dans la même thématique

5G : « La France est le seul pays à être aussi en retard »
3min

Politique

« C'est 50.000 euros de manque à gagner » : un an après les Jeux, ce para-sportif dénonce le départ de ses sponsors

Un an après, quel est l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques ? Inclusion, transports, infrastructures, sponsors… pour Sofyane Mehiaoui, joueur de basket fauteuil qui a représenté la France, si l’accès à la nouvelle Adidas Arena porte de Clignancourt à Paris est un vrai bénéfice, le départ de ses sponsors révèle le manque d’engagement durable des marques auprès de parasportifs. Il témoigne dans l'émission Dialogue Citoyen, présenté par Quentin Calmet.

Le

5G : « La France est le seul pays à être aussi en retard »
6min

Politique

Agences de l’État, qui veut gagner des milliards ? 

La ministre des Comptes publics propose de supprimer un tiers des agences de l'État pour faire deux à trois milliards d’économies. Seulement, pour en rayer de la liste, encore faudrait-il savoir combien il en existe…Une commission d'enquête sur les missions des agences de l’État s’est plongée dans cette grande nébuleuse administrative. ARS, France Travail, OFB, CNRS, ADEME, ANCT, des agences, il y en a pour tous et partout ! Mais “faire du ménage” dans ce paysage bureaucratique touffu rapportera-t-il vraiment les milliards annoncés par le gouvernement et tant espérés par la droite ? Immersion dans les coulisses de nos politiques publiques…

Le

President Emmanuel Macron Visits the 55th Paris Air Show at Le Bourget
7min

Politique

Budget 2026 : « Emmanuel Macron a une influence, mais ce n’est pas le Président qui tient la plume »

Le chef de l’Etat reçoit lundi plusieurs ministres pour parler du budget. « Il est normal qu’il y ait un échange eu égard à l’effort de réarmement qui est nécessaire », explique l’entourage d’Emmanuel Macron. « Il laisse le gouvernement décider », souligne le macroniste François Patriat, mais le Président rappelle aussi « les principes » auxquels il tient.

Le

Bruno Retailleau public meeting at Docks 40 in Lyon.
5min

Politique

Tribune de LR sur les énergies renouvelables : « La droite essaye de construire son discours sur l’écologie dans une réaffirmation du clivage gauche/ droite »

Après la publication d’une tribune sur le financement des énergies renouvelables, le parti de Bruno Retailleau s’est retrouvé sous le feu des critiques. Pourtant, en produisant un discours sur l’opposition aux normes écologiques, LR semble revitaliser le clivage entre la gauche et la droite.

Le