Coronavirus : une association saisit le Conseil d’État sur le « tri » des patients

Coronavirus : une association saisit le Conseil d’État sur le « tri » des patients

L’association Coronavictimes réclame une directive du gouvernement pour encadrer le choix des patients admis en réanimation. Elle a saisi le Conseil d’État.
Public Sénat

Par Samia Dechir

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À la tête du Comité anti-amiante Jussieu, Michel Parigot milite depuis les années 1990 pour l’identification et l’indemnisation des victimes de l’amiante. Face à « l'insouciance et l’inaction du gouvernement devant cette nouvelle catastrophe sanitaire », celle du covid-19, il a créé l’association Coronavictimes. Jeudi 2 avril, ces deux associations ont déposé un référé-liberté devant le Conseil d’État pour « obliger le gouvernement à prendre ses responsabilités » explique le chercheur. Une procédure d’urgence dans laquelle le juge peut ordonner au gouvernement des mesures rapides pour la préservation d’un droit fondamental. Dans ce cas précis, celui de l’accès aux soins.
 

Encadrer le choix des patients par un protocole
 

Vu la saturation de certains services de réanimation, tous les cas graves de coronavirus ne peuvent pas y être admis. Un choix est donc parfois opéré par les médecins. « Le problème c’est que tout cela est décidé sans protocole, personne n’a eu le courage de dire ce qu’il faut faire, donc toute la responsabilité pénale repose sur les médecins » explique Me Guillaume Hannotin. Pour l’avocat de Coronavictimes, tout l’enjeu est de faire remonter la responsabilité au niveau de l’administration centrale pour en décharger les soignants. 

Dans le référé déposé devant le Conseil d’État, l’association demande donc au gouvernement de publier en urgence « un protocole explicite pour encadrer la décision de faire bénéficier, ou non, les malades qui en ont besoin de l’accès à la réanimation, afin que, là aussi, le choix soit effectué en vertu de décisions transparentes, dont la responsabilité ne repose pas sur les seuls médecins ». 

Au-delà de la responsabilité pénale, l’association craint aussi l’impact psychologique de ce tri pour des médecins laissés seuls face à leurs décisions. « Les soignants vont souffrir de stress post-traumatique » prévient l’avocat. « Bien sûr le tri est une opération usuelle, mais d’habitude il y a deux critères, l’âge et la comorbidité. Cette fois il y a un critère supplémentaire, c’est la carence de moyens humains et matériels », ajoute Me Hannotin.


L’accès aux soins palliatifs à domicile et dans les EPHAD
 

L’autre inquiétude de l’association, c’est le sort des malades maintenus à domicile et des résidents des EPHAD. Coronavictimes demande au gouvernement de garantir à ces malades un accès aux soins palliatifs évitant toute souffrance. La crainte de Michel Parigot, c’est de voir des personnes mourir en dehors de l’hôpital dans des conditions douloureuses, voire violentes, comme l’asphyxie, faute d’accompagnement adapté. « Les EPHAD ne sont pas forcément tous équipés ni en personnel soignant formé, ni en matériel » s’inquiète-t-il.

Du côté des EPHAD, on assure que le gouvernement a transmis les recommandations nécessaires pour aider les établissements. « Il y a deux niveaux :  l’intervention d’équipes mobiles de soins palliatifs dans les EPHAD, et un accès facilité au Midazolam (médicament permettant une sédation profonde et continue) », explique Anabelle Veques. La directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA) ne se dit pas inquiète pour le moment. Mais pour les malades maintenus à leur domicile,  la question de l’accès à ces soins palliatifs reste entière.


« Pour les familles, c’est important de connaître la cause du décès »
 

Lorsque ces malades présentant des symptômes du coronavirus décèdent chez eux ou en EPHAD, l’association Coronavictimes réclame des tests post-mortem. Le référé adressé au Conseil d’État demande au gouvernement de les systématiser afin d’établir la cause du décès. « Parce que c’est important pour les familles de savoir de quoi la personne est morte. Et parce que ça préserve leurs droits si elles veulent agir en justice par la suite » explique Michel Parigot. Sur toutes ces demandes, le Conseil d’État devrait se prononcer d’ici la fin de la semaine.

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