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Economies d’énergie : « On ne va pas réduire le nombre de trains et pénaliser le mode de transport le plus décarboné », s’insurge Philippe Tabarot (LR)

Alors que le gouvernement demande à la SNCF de faire des économies d’énergie dans le cadre de son « plan de sobriété », les sénateurs s’inquiètent d’éventuelles conséquences sur le ferroviaire. Alors que des scénarios de pénurie d’électricité se profilent pour cet hiver, peut-on se passer du mode de transport le plus décarboné ?
Louis Mollier-Sabet

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« J’ai cru à une plaisanterie. » En ce lundi matin, Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes, et spécialiste des questions ferroviaires au Sénat a du mal à comprendre. « C’est le nouveau délire gouvernemental », fulmine Olivier Jacquin, sénateur socialiste de la Meurthe-et-Moselle, lui aussi spécialiste des problématiques de transport. En cause, une demande du gouvernement à la SNCF, révélée par le Parisien, d’un plan de réduction du nombre de trains en circulation en cas de pénuries d’électricité cet hiver. Le gouvernement assure avoir simplement demandé à la SNCF de participer au plan de sobriété énergétique mis en place par le gouvernement pour l’hiver, au même titre que les entreprises consommatrices d’énergie. Et pour cause, la SNCF, c’est l’entreprise la plus gourmande en électricité de France, avec 1 à 2 % de la consommation annuelle. « Qu’on demande un plan de sobriété qui touche les compagnies de transport, je peux le comprendre, la SNCF est un consommateur d’électricité important », tempère ainsi Philippe Tabarot.

« Si le but c’est d’arrêter des trains pour mettre des bagnoles sur les routes, il ne faut pas avoir tout compris des enjeux »

« Mais demander spécifiquement des économies à la SNCF, c’est un très mauvais message : tout le monde reconnaît que le transport ferroviaire est le transport massifié le plus décarboné. On se bat depuis la pandémie pour inciter les Français à reprendre le train », regrette en revanche le rapporteur des crédits consacrés aux transports dans le budget. « C’est le signe d’une déconnexion très forte de ce gouvernement avec la transition écologique », abonde Olivier Jacquin. « Si le but c’est d’arrêter des trains pour mettre des bagnoles sur les routes, il ne faut pas avoir tout compris des enjeux. Ils incitent presque à relancer les vieilles ‘michelines’ [autorail léger inventé par Michelin dans les années 1930, ndlr] à gazole », déplore le sénateur socialiste. Au Sénat, la droite comme la gauche semblent craindre qu’un plan de transport trop restrictif pour l’hiver ne desserve la SNCF par rapport à d’autres modes de transports plus polluants. « On a un problème au niveau de l’énergie pour cet hiver, mais on a aussi un problème de décarbonation de nos transports, et pour le moment, on n’a rien trouvé de mieux que le train pour ça », explique Philippe Tabarot.Le gouvernement se veut rassurant : les économies d’énergie demandées se feront à circulation constante des trains. Pour cela, plusieurs options sont évoquées, comme des dispositifs d’écoconduite sur les lignes à grande vitesse, où un logiciel permet aux conducteurs d’économiser jusqu’à 10 % d’électricité consommée sur un trajet. Des dispositifs d’éco stationnement peuvent aussi permettre à la SNCF de réduire la facture, en éteignant les locomotives diesel stationnées, ou en abaissant les « pantographes » qui relient les trains aux caténaires électriques. Si ce genre de mesures ont fait leurs preuves, elles sont souvent déjà utilisées par la SNCF : dans ces conditions, comment encore réduire de 10 ou 20 % la consommation énergétique de l’entreprise ? En interne, certains s’interrogent sur une éventuelle réduction de la vitesse des trains pour passer la deuxième sur la sobriété, mais difficile – pour le moment – de savoir où la SNCF pourra trouver ces économies d’énergie.

« On ne va pas réduire le nombre de trains en pénalisant le mode de transport le plus décarboné »

Si le scénario du pire se produisait, avec, par exemple, un parc nucléaire qui reste partiellement à l’arrêt, la SNCF pourrait-elle en être réduite à réduire la voilure de sa flotte de TGV, d’Intercités et de TER ? Philippe Tabarot voit un scénario où cela pourrait être envisageable : « À la limite, si c’est lié à des mesures gouvernementales très fortes sur le télétravail, le plan de transport devra s’adapter à la baisse de la demande, comme pendant le covid. Le but n’est pas de faire circuler des trains à vide, mais on ne va pas réduire le nombre de trains alors que la demande est encore là, et faire circuler des trains bondés, tout en pénalisant le mode de transport le plus décarboné. » Cela voudrait dire que le gouvernement en vient à des mesures plus ou moins similaires aux différentes vagues de confinement que la France a connues en 2020 et 2021. « La réduction des mobilités avec le télétravail, c’est plutôt positif et ça fera baisser la facture d’électricité, mais à quel prix ? » rappelle Olivier Jacquin. Dans tous les cas, Philippe Tabarot exhorte le gouvernement « à jouer la transparence » : « Il y a un discours anxiogène : un coup, ils envisagent de réduire le nombre de trains, un coup, ils ne l’envisagent pas, tout comme sur le reste des sujets liés à la crise énergétique. Qu’ils disent les choses, même si elles sont compliquées à entendre. »Un déficit de transparence et de clarté, c’est déjà ce qu’avaient regretté les sénateurs à propos du « contrat de performance » qui lie SNCF Réseau à l’Etat, « contrat désastreux adopté en catimini au moment de la non-campagne où Emmanuel Macron prononçait son discours sur l’écologie à Marseille », rappelle Olivier Jacquin. Le sénateur socialiste a d’ailleurs déposé une proposition de loi proposant de réviser ce fameux contrat de performance, notamment pour faire disparaître la « règle d’or » introduite en 2018 qui « contraint les investissements de SNCF Réseau », qui ne peut plus légalement investir au-delà d’un certain niveau d’endettement. « Si on veut appliquer la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), il faut des investissements nécessaires qui ne sont pas permis par cette règle d’or », explique ainsi le sénateur socialiste. Olivier Jacquin a aussi déposé il y a quelques jours une proposition de loi faisant du train un produit de première nécessité, abaissant donc la TVA sur les billets à 5,5 %. Le sénateur socialiste entend bien « les décliner en amendements » lors de l’examen du budget à l’automne et compte sur le nouveau profil du ministre des Transports, Clément Beaune, un « vrai ministre puissant politiquement et connecté au niveau européen, qui affiche des ambitions assez fortes sur le ferroviaire », pour faire pencher les arbitrages. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat devrait aussi auditionner Jean-Pierre Farandou en début de semaine prochaine et interroger le PDG de la SNCF sur la stratégie du groupe pour passer un hiver compliqué.

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