En pleine surproduction de masques en tissus « Made in France », l’État distribue 650 000 masques fabriqués au Vietnam
Tandis que les entreprises textiles françaises traversent une crise de surproduction, l’État a distribué en Mayenne 650 000 masques en tissu fabriqués au Vietnam.

En pleine surproduction de masques en tissus « Made in France », l’État distribue 650 000 masques fabriqués au Vietnam

Tandis que les entreprises textiles françaises traversent une crise de surproduction, l’État a distribué en Mayenne 650 000 masques en tissu fabriqués au Vietnam.
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

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Relocalisera ou relocalisera pas ? Alors même que l’exécutif avait sollicité les usines de textile pour produire massivement des masques dits « grand public », la préfecture de la Mayenne a distribué ces dernières semaines un lot de 650 000 masques fabriqués au Vietnam.

Le président du département, Olivier Richefou, n’y comprend plus rien : « Le gouvernement appelle à relocaliser les activités essentielles, et là sur le sujet emblématique des masques pour tout le monde, on recommence à utiliser des produits fabriqués à l’étranger. »

À la mi-juillet, la Mayenne se trouve en première ligne. La découverte d’un cluster au début du mois met les services de santé en alerte : le taux de positivité dépasse bientôt les 50 cas pour 100 000 habitants. Le département passe en zone rouge et fait alors figure de paria. Les réservations dans l’hôtellerie s’écroulent : 20 à 30 % d’annulation en quelques jours.

C’est alors que la préfecture décide de fournir à chaque habitant du département deux masques en tissu. Entre le 22 et 24 juillet, 650 000 lots sont répartis entre les communes, chargées de les livrer à leurs administrés.

Des masques Vietnamiens… dans un département qui en produit localement

Mais Olivier Richefou a comme un doute : « Lorsque j’ai vu les masques, ils ne m’ont pas semblé qualitativement extraordinaires donc j’ai posé la question au préfet. C’est lui qui m’a informé qu’ils ont été fabriqués au Vietnam. » Un comble pour l’élu qui s’est mobilisé dès la fin mars pour commander près de 300 000 masques à des entreprises françaises, afin d’équiper les Mayennais.

Le département a alors la chance de pouvoir compter sur l’expertise d’une firme locale, TDV Industries, qui fournit l’armée et de grandes entreprises du bâtiment en vêtements de protection. « Elle a eu très tôt un tissu qui a été validé par les autorités sanitaires et militaires », raconte Olivier Richefou. Il s’adresse donc à une autre entreprise, Femilux, spécialisée dans la confection et située à moins de dix kilomètres de la Mayenne, dans la Sarthe voisine.

Le 8 mai, à la veille du déconfinement, les Mayennais reçoivent un masque 100 % made in France. Entre temps, c’est un véritable écosystème qui s’est créé dans l’Ouest de la France. « On avait atteint une capacité de production de 100 000 masques par jour », explique Paul Martin-Lalande, le gérant de Femilux.

Une cinquantaine d’embauches en plein confinement

L’entreprise a même investi 250 000 euros de matériels pour industrialiser sa ligne de production et ainsi faire baisser le prix des masques. « Si on avait continué, on aurait pu créer une dizaine d’emplois », assure le patron.

Mais, à la mi-mai, le marché se retourne brutalement : « Il a fallu tout arrêter en deux jours. On s’est retrouvé avec 150 000 masques sur les bras, du tissu, des accessoires, etc. », détaille-t-il. « Si l’État avait pris le relais, nous et d’autres entreprises françaises auraient pu fournir un à deux masques par Français. On aurait préservé un savoir-faire. C’est vraiment dommage… » Sur la cinquantaine de personnels employée en CDD, seule une poignée a été placée en formation dans l’attente d’une reprise d’activité.

« C’est choquant », s’agace Élisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne (LR). « On ne peut pas parler de relocalisation et juste après distribuer des masques made in Vietnam. »

« On n’a pas l’info »

Contactée, la préfecture de Mayenne renvoie vers la place Beauvau : « Ce n’est pas nous qui avons commandé ces masques… » Proviennent-ils d’un stock que l’État tente d’écouler ? Ou d’un nouvel arrivage ? « On n’a pas l’info », répond la préfecture. A-t-elle cherché à en savoir plus ? « Nous n’avons pas de réponse à vous fournir là-dessus. »

Le ministère de l’Intérieur, non plus, n’a pas donné suite à nos sollicitations. La sénatrice de Mayenne, Élisabeth Doineau, s’interroge : « Soit c’est une nouvelle commande et c’est incompréhensible, alors même que nos entreprises textiles sont en surproduction. Soit l’État a des stocks et je ne comprends toujours pas. Pourquoi ne les a-t-il pas distribués plus tôt ? C’est maintenant que les Français ont besoin de masques. »

Quant aux masques chirurgicaux et FFP2, à destination des soignants, les stocks de l’État reviennent doucement à la normale. Au 17 août 2020, ils atteignent « près de 585 millions de masques dont 419 millions de masques CHIR et 166 millions de masques FFP2 », selon le ministère de la Santé. Mais, là encore, la France reste dépendante de l'étranger, en l'occurrence de la Chine. Un « pont logistique » a même été établi entre les deux pays. Seize navires chinois ont amarré dans les ports français. Trois nouveaux porte-conteneurs sont attendus cette semaine : deux au Havre et un à Dunkerque.

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