Le « mâle-être » des femmes en politique

Le « mâle-être » des femmes en politique

Le monde va-t-il finir aux mains des femmes ? C’est ce que pourraient porter à croire les noms d’Angela Merkel, de Theresa May, d’Hillary Clinton ou de Christine Lagarde. Pourtant, le chemin menant à la parité n’est pas jonché de roses et le phénomène de sous-féminisation persiste dans l’arène politique. En France, la femme politique reste encore bien souvent considérée comme le troisième homme et ce malgré la législation. La femme politique est-elle condamnée au rôle de potiche ? Les invités de Nora Hamadi nous livrent une analyse aiguisée sur les « filles du rasoir ».
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Les oubliées du pouvoir

Si depuis la loi de 1945 accordant le droit de vote aux femmes, la France n’a cessé de lutter en faveur de la parité alors que l’égalité semble déjà acquise dans un certain nombre de pays. En effet, les institutions françaises briment les femmes qui parviennent rarement à briguer les postes à hautes responsabilités. Mais qu’en est-il à l’étranger ? Pour Chantal Jouanno, sénatrice UDI-UC de Paris et présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, la différence réside dans le système électoral lui-même qui « pousse à ce genre de relations ». La politique est pensée par et pour les hommes. Eloignées de la figure de l’homme providentiel à l’image de De Gaulle, les femmes sont bien souvent réduites à leur statut de mère. C'est d'ailleurs ce qu'affirme Frédérique Matonti, politiste et professeure à Paris 1 Panthéon-Sorbonne:

« Il y a des ministères ou des délégations dans une municipalité qu’on va donner plus spécifiquement aux femmes et dont elles vont s’emparer quasi « naturellement ». On leur affecte assez volontiers les dossiers qui relèvent du domaine du « care ». Et elles-mêmes choisissent ces dossiers. Cela s’inscrit souvent dans la prolongation de leur activité professionnelle car c’est ce qu’elles savent faire […] Il y a une forme d’autocensure chez les femmes ». 

Les figurantes de la République

Le cas de Cécile Duflot reste exemplaire alors même que, raillée pour sa robe, elle a essuyé de nombreuses attaques peu fleuries de la part de députés. En effet, les femmes en politique restent souvent des proies faciles. Pour Frédérique Matonti, le portrait de ces femmes souligne à outrance les stéréotypes. « Quand on fait un portrait d’elles, on va parler de leur physique, on va mentionner le fait qu’elles ont des enfants ou non, on va éventuellement parler de leur compagnon, de leur père. Bref, il y a une manière de parler des femmes en politique ». Mais pour Chantal Jouanno, qui a eu « une éducation où [elle] a fait du karaté et donc qui était dans milieu masculin où il n’y a jamais eu de problème », le sexisme est particulièrement l’apanage du monde politique et particulièrement au moment des élections. 

 

Un monde en docs - Frédérique Matonti : "On a beaucoup plus entendu de discours stéréotypés dans les 10/15 dernières années"
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Néanmoins, notons que « femme au pouvoir » n’est pas un oxymore. En quoi la France se distingue-t-elle alors des autres démocraties occidentales ? Angela Merkel peut-elle se féliciter d’être une femme ? C’est ce que suppose Frédéric Lemaître: « elle n’a jamais joué de sa féminité mais elle en a profité. Dans ce pays qui est quand même très conservateur […] elle a fait un parcours fulgurant ». Cet ancien correspondant du Monde en Allemagne précise que « les Allemands n’élisent pas leur Président de la République et le chancelier(ère) est issu du Bundestag […] et dans la conception de la démocratie de Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, il est le patron ». En effet, le privilège de nommer la chancelière lui revient.

La « sous-mission » des femmes en politique 

L’argument de la « soumission enchantée » peut-elle alors servir la parité ? Ce terme employé par le sociologue Pierre Bourdieu évoque autant le difficile accès des femmes aux postes à hautes responsabilités que le caractère féminin comme argument non électoral. Pour Chantal Jouanno, « jouer la différence en politique serait une erreur puisque c’est le contraire d’un discours égalitaire. Cela voudrait dire que si l’on met en avant les différences naturelles homme-femme, on cautionne beaucoup de discours qui vont vraiment à l’encontre du principe d’égalité. C’est plutôt dans l’ « asexuation » de la politique qu’il faut établir un nouveau registre ». Si ce fantasme est encore utopique, jamais les mots de la révolutionnaire Olympe de Gouges n’ont été si actuels : « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». 

Alors, à quand une femme Présidente ?

 

Retrouvez l’émission Un Monde en Docs consacrée à la place des femmes en politique le samedi 4 mars à 22 heures et le dimanche 5 mars à 9 heures.

 

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