Le revenu universel : obligation ou aberration ?

Le revenu universel : obligation ou aberration ?

A droite comme à gauche, en France, présidentielle oblige, en Alaska ou encore en Inde, l’idée du revenu universel se fait de plus en plus présente dans les débats. Alléchant sur le papier, ce projet de revenu pour tous suscite néanmoins bien des controverses : alors que le marché de l'emploi produit de plus en plus de chômage de masse, doit-on distinguer le travail et le revenu ? Peut-on décorréler travail et salaire ? Difficile d’établir un bilan alors que peu d’Etats se décident à l’expérimenter. La Finlande tente depuis peu ce système à contre-pied de la Suisse qui l’a récemment refusé par référendum. Débat entre trois eurodéputés qui s’interrogent au-delà de leurs appartenances partisanes…
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Depuis le 1er janvier, 2 000 finlandais tirés au sort se voient verser chaque mois la somme de 560 euros. L’objectif de ce principe attrayant est simple : l’Etat verse à ses citoyens un revenu d’existence, en complément d’un salaire, ou pour surseoir à l’absence de revenu. Alors que le taux de chômage de la zone euro a atteint les 10%, et que le sous-emploi se multiplie, l’allocation universelle peut-elle relancer la compétitivité nationale ? Ce projet en vogue doit-il remplacer les différentes prestations sociales ? Philippe Juvin n’est en tout cas pas de cet avis. Pour ce député français membre du PPE et des Républicains, « que les richesses soient redistribuées cela va de soi et les prestations sociales servent à ça. Nous, nous pensons que l’idée du revenu universel pose des problèmes structurants dans l’organisation de la société. Au-delà du coût absolument ahurissant, […] la valeur travail va être affectée […] Ce qu’il faut faire c’est s’assurer que les Français, quand ils connaissent des accidents de la vie importants liés en particulier au marché du travail, soient aidés, secourus et engagés à reprendre le travail. Mais cette idée de verser de l’argent comme ça nous apparaît totalement folle car elle est déstructurante ».

Pourtant, cet « ovni social et fiscal », qualifié aussi de « revenu d’existence », a séduit Guillaume Balas, député socialiste, qui reste convaincu que le développement du numérique et de la robotique va dans un futur proche réduire au chômage une part importante des salariés. En bref, Guillaume Balas prévoit une « désintermédiation massive » qui selon lui se traduira  « d’une part, par du chômage dans certains pays […] et d’en d’autres pays, par du sous-emploi […]  Donc, la socialisation des revenus du travail a commencé, il va falloir l’accentuer ».

Néanmoins, ce proche de Benoît Hamon, tient à clarifier la mise en place de cette initiative : « quand vous avez une entreprise qui investit dans des robots et qui maintient sa masse salariale ou son nombre d’employés, ça, c’est une aide à la production et évidemment qu’il ne faut pas taxer [...] En revanche, quand il va y avoir remplacement, […] l’entreprise va faire des économies par rapport aux cotisations sociales [….] On propose une taxe, pas sur le robot lui-même, mais sur la valeur ajoutée du robot. C’est une part pour compenser en partie ce qui va être la destruction de la ressource pour la sécurité sociale ».

Autrement dit, certains considèrent l’allocation universelle comme un rempart contre les « gouffres à inactivité » voire même comme un stimulateur à l’emploi. Pour autant, ce big bang économique semble aussi présenter des effets pervers dont le principal serait l’oisiveté comme le souligne le député du groupe ADLE, Jean-Marie Cavada :

« La  question que pose le débat est bonne, elle existe et on ne pourra pas y  échapper. Il y a une sorte de transformation des postes de travail et pendant le temps de transformation, il y a des gens qui vont tomber dans le trou et qui seront au chômage. […] Ce qu’il faut trouver c’est une sorte de sas pour accompagner, pour que les gens ne soient pas dans l’extrême pauvreté […] Je ne crois pas aux bienfaits d’une subvention qui  maintienne les gens dans leur cuisine. […] Le travail n’asservit pas, il libère !  Un homme ou une femme qui travaille c’est quelqu’un qui a une place dans la société ».

Philippe Juvin rejoint lui aussi l’idée selon laquelle « tout travail mérite salaire » :

« Un des soucis qu’on observe aujourd’hui c’est que parfois il n’est pas intéressant économiquement pour un certain nombre de nos concitoyens de reprendre un  travail parce que l’organisation du système de redistribution est telle que vous n’avez pas intérêt à travailler. Et donc ce que nous ne voulons pas avec le revenu universel, c’est tomber dans un système où en fait il n’est plus intéressant, il n’est plus justifié de se mettre au travail parce qu’on y a pas intérêt ».

 

Alors quel avenir pour le revenu universel que la Fondation Jean-Jaurès qualifie déjà d’« utopie la plus réaliste » ? Génération d’assistés ? Instauration d’une « flat tax » qui reviendrait à la mise en place d’un impôt proportionnel? Renforcement des droits sociaux ? Qui en sortira vaincus et victorieux ?

 

Retrouvez Europe Hebdo ce jeudi 16 mars à 18h30 et vendredi 17 mars à 7 heures.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le