Paris 2024 : « Croire que Jupiter pilote la politique du sport de haut niveau est absurde », d’après Jean-Raymond Hugonet
À l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi un plan d’investissement dans les équipements sportifs. Dans un contexte de grogne des athlètes olympiques suite à certaines déclarations du chef de l’Etat, ces annonces régleront difficilement la situation. Au Sénat, les spécialistes du dossier ne sont pas convaincus non plus.

Paris 2024 : « Croire que Jupiter pilote la politique du sport de haut niveau est absurde », d’après Jean-Raymond Hugonet

À l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi un plan d’investissement dans les équipements sportifs. Dans un contexte de grogne des athlètes olympiques suite à certaines déclarations du chef de l’Etat, ces annonces régleront difficilement la situation. Au Sénat, les spécialistes du dossier ne sont pas convaincus non plus.
Louis Mollier-Sabet

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Journée sportive pour Emmanuel Macron, qui était en déplacement en Seine-Saint-Denis ce jeudi. La visite d’un city-stade et d’un village olympique, lui a donné l’occasion de détailler son plan d’investissement triennal de 250 millions d’euros – dont la moitié devrait être investie en 2022 – dans 5000 équipements sportifs répartis dans toute la France. Le plan d’investissement se concentre sur des petites infrastructures (terrains multisports, dojos, terrains de basket ou encore skate parks) et sera piloté par l’Agence nationale du sport, qui devrait cibler les collectivités en déficit d’équipement comme Marseille ou la Seine-Saint-Denis.

Les sénateurs seront « vigilants » dans la mise en œuvre du plan

Des annonces « saluées » par Michel Savin, sénateur LR et président du groupe d’études « pratiques sportives et grands événements sportifs » : « Cela correspond à 50 équipements par départements, c’est un bon signal. » Le sénateur de l’Isère reste tout de même prudent : « On attendait un peu plus, parce qu’on a beaucoup d’équipements dans un état qui mériterait une rénovation voire une reconstruction. » Surtout, Michel Savin entend rester « vigilant » lors de l’examen du budget pour vérifier que les 100 millions d’euros promis dès l’année prochaine aillent bien financer le sport français et ne restent pas « lettre morte » : « Le Président a fait plusieurs annonces qui sont restées lettre morte comme la professionnalisation de l’encadrement ou la réforme du droit à l’image. Il ne faudrait pas refaire un Pass Sport, qui est trop complexe et dont seuls 25 millions sur les 100 annoncés ont été engagés à ce jour. »

Son collègue de la majorité sénatoriale, Jean-Raymond Hugonet, se montre plus sévère à l’égard du « saupoudrage budgétaire » que dénonce la droite depuis la rentrée [voir notre article sur la carte du sérieux budgétaire jouée par LR face à Macron] : « Ce n’est pas le seul Président de la République à faire ça, mais agiter les millions en parlant de territoires et de ruralité… Ce budget en trompe-l’œil ne trompe personne. »

Objectif de médailles fixé par Emmanuel Macron : « Irréel, grotesque et absurde »

Avec ce plan, le Président de la République entend « mettre le sport au cœur de la nation » à 1000 jours d’accueillir les Jeux Olympiques à Paris. Mais, dans le monde de l’olympisme français, comme au Sénat, le discours présidentiel est loin de faire l’unanimité. Face aux résultats décevants en termes de médailles à Tokyo, le Président de la République avait notamment demandé aux médaillés olympiques de « faire beaucoup plus » lors de la réception à l’Elysée des médaillés olympiques, en fixant l’objectif de figurer dans le « top 5 » du tableau des médailles. Pour les sénateurs, le Président a outrepassé son rôle : « C’est irréel que le Président de la République fixe un objectif de médailles. Il y a un ministère, un comité olympique, des fédérations pour ça, c’est une déclaration malvenue », se désole le président du groupe d’études « pratiques sportives et grands événements sportifs. » Jean-Raymond Hugonet rejoint là-dessus son collègue de la majorité sénatoriale : « Qu’un président de la République fixe un objectif en termes de médaille, c’est grotesque. Que le Président reçoive les athlètes olympiques ou qu’il aille faire des photos à Clairefontaine, c’est normal, mais croire que Jupiter pilote la politique du sport de haut niveau, c’est absurde. »

Une olympiade ne se prépare pas en trois ans.

Ainsi, Michel Savin reste dubitatif sur « le coup d’accélérateur » sur les performances des sportifs de haut niveau promis par le chef de l’Etat : « Une olympiade ne se prépare pas sur trois ans, c’est un accompagnement sportif, mais aussi médical, psychologique et alimentaire, voire de la scolarité pour les plus jeunes. » À cet égard, Claude Onesta, ancien entraîneur de l’équipe de France de handball et double champion olympique avec « les Experts », s’est vu confier la tête de la cellule haute performance de l’Agence nationale du sport (ANS). Il a mis en place un dispositif visant à encadrer plus fortement les athlètes qui ont le plus de chances de médailles. Les athlètes de haut niveau français ont été divisés en trois catégories (A, B et C) pour les accompagner selon une « logique de résultat. »

Pour Michel Savin, il est difficile de penser que ce dispositif pourra véritablement augmenter les chances de médailles françaises en 2024 : « On ne peut pas flécher les médaillables il faut voir plus loin. Certaines médailles sont des surprises, tous ceux qui participent doivent être accompagnés. » Devant les craintes que certains athlètes jugés moins « médaillables » soient délaissés, le sénateur de l’Isère a interrogé l’ANS, qui lui a « confirmé que ce dispositif était un complément, qui ne se fait au détriment de personne. »

« L’Etat n’a pas à s’occuper de la performance des athlètes de haut niveau »

En fait, tous ces débats paraissent un peu vains pour Jean-Raymond Hugonet. Le sénateur de l’Essonne défend une vision plus régalienne de l’Etat et ne voit pas vraiment le rôle que l’Etat aurait à jouer dans le « pilotage » du sport de haut niveau français, une tache qu’il verrait plutôt dans les mains d’une « task force dédiée. » Ainsi, « dans un contexte budgétaire tendu, l’Etat n’a pas à s’occuper de la performance des athlètes de haut niveau. »

Pour le sport de haut niveau, l’Etat n’a pas les moyens à mettre, il faut que cela vienne du privé si l’on veut rivaliser. » En tant que membre de la majorité sénatoriale, apôtre du sérieux budgétaire et pourfendeuse de la « carte bancaire du gouvernement devenue folle », Jean-Raymond Hugonet prône la cohérence : « Je ne vais pas vous dire que l’Etat doit se recentrer sur le régalien, puis vous dire qu’il doit s’occuper de la très haute performance des sportifs. »

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