Passe sanitaire : les sénateurs dénoncent un texte adopté « un pistolet sur la tempe »

Passe sanitaire : les sénateurs dénoncent un texte adopté « un pistolet sur la tempe »

Adopté dimanche soir, le projet de loi sur le passe sanitaire doit maintenant être présenté au Conseil constitutionnel. En attendant, une partie des sénateurs et sénatrices ne décolèrent pas sur la manière dont ils ont travaillé sur ce projet de loi.
Public Sénat

Par Elodie Hervé

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Un texte adopté au pas de course. Une fois encore les sénateurs et sénatrices s’insurgent contre la manière dont l’exécutif a fait adopter un texte de loi. Cette fois-ci, ce sont les débats autour du projet de loi sur le passe sanitaire qu’ils dénoncent.

« Un mépris affiché de la part du gouvernement »

« Le plus simple serait que le président convoque le Parlement pour s’adresser aux deux chambres en même temps et leur demander de voter son texte », lâche Pierre Ouzoulias, sénateur communiste. « Cela fait des mois que le Parlement est méprisé, ajoute Eliane Assassi, communiste également. Entre le contenu du texte et la façon dont le gouvernement procède avec le Parlement, c’est clairement un mépris affiché de la part du gouvernement. »

Déposé le 19 juillet, le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire a été adopté six jours plus tard. Il étend les champs d’action du passe sanitaire et rend obligatoire la vaccination pour les soignants et soignantes. Un texte que le gouvernement voulait voir adopter au plus vite dans l’optique d’apporter une solution législative à une reprise du covid-19.

Seulement, côté parlementaire, cette façon de précipiter les débats ne passe pas. « C’est compliqué de travailler dans ces conditions, admet Marie Mercier du groupe Les Républicains. J’ai un peu eu la sensation que les débats faisaient fausse route, que l’on ne parlait que de liberté et que l’on oubliait de parler santé. »

« Macron prend des décisions seul »

Si les Parlementaires disent être habitués à cette façon de travailler du gouvernement actuel, ils y voient avant tout un désintérêt total pour leur fonction. Car depuis quatre ans, rares sont les textes qui ont été adoptés sans procédure accélérée, à l’exception notable du projet de loi bioéthique. « L’idée de Macron c’est de dire que pour être fort, il faut passer vite, ajoute Pierre Ouzoulias. Pour lui, les Parlementaires ne servent à rien, notamment au Sénat où on est vu comme archaïque, et donc comme sans intérêt. » Les ministres se sont succédé, les discussions n’étaient pas possibles et il fallait aller vite, résume le sénateur communiste. « On a vécu un lit de justice. Macron prend des décisions seul et nous on doit suivre. Ce n’est pas du travail parlementaire, il nous aurait fallu un mois pour étudier les enjeux de ce texte qui touche aux libertés fondamentales. Là, on a l’impression de légiférer avec un pistolet sur la tempe. Si l’on ne votait pas favorablement ce texte, le gouvernement nous aurait accusés de tuer les Français. »

Sylviane Noël, elle, fait partie du petit groupe de sénateurs et sénatrices LR qui ont voté contre ce texte qu’elle juge « liberticide ». Pour elle, la façon dont se sont déroulés les débats au Sénat n’ont pas permis de travailler correctement sur ce projet de loi. « C’était tout bonnement hallucinant. Par exemple, nous avons eu le texte remanié de l’Assemblée nationale vendredi matin, et le même jour à 20h30 nous devions avoir rendu nos amendements. »

Une garde à vue qui se prolonge

Elle décrit des heures de débat à n’en plus finir pour tenter de tenir le calendrier serré exigé par le gouvernement et cette sensation, là encore, de ne pas avoir le choix. « Ce n’est pas la première fois que le gouvernement nous fait le coup, on commence à avoir l’habitude. Mais cette fois-ci, j’avais un peu la sensation d’être en garde à vue. Une garde à vue qui se prolonge jusqu’à ce qu’on avoue un crime. Là, c’était jusqu’à ce que l’on cède sur ce texte. »

Du côté des sénatrices écologistes, Raymonde Poncet se désole aussi de la tenue des débats tout en reconnaissant que cela aurait pu être pire. « On est habitué à des procédures à la va vite mais là on a eu le texte quelques heures avant, explique Raymonde Poncet du groupe écologique. Et encore au Sénat, ça s’est relativement bien passé [comparé à l’Assemblée nationale] »

Dans les jours qui viennent, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le fond du texte. « J’ai confiance en eux pour mettre un stop à cette loi qui porte atteinte à nos libertés fondamentales », ajoute Sylviane Noël.  Mais là encore, la saisine n’a pas été faite correctement. La socialiste Patrick Kanner parle de débats « déplorables » où le recours pour le Conseil constitutionnel a, là aussi, été rédigé de façon précipité, en une nuit.

Dans la même thématique

French PM gathers the government for a seminar on work
10min

Politique

Réforme de l’assurance chômage : « Depuis 2017, les partenaires sociaux se sont fait balader et avec Gabriel Attal, ça sera la même chose »

La nouvelle réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement passe mal chez les sénateurs. « On a dévoyé la gouvernance de l’assurance chômage », dénonce la sénatrice LR Frédérique Puissat, qui défend le rôle des syndicats et du patronat. « Attaché » aussi au paritarisme, le centriste Olivier Henno, « comprend » en revanche l’idée de réduire la durée des indemnisations. Quant à la socialiste Monique Lubin, elle se dit « atterrée » que le gouvernement relaye « cette espèce de légende selon laquelle les gens profiteraient du chômage ».

Le

Passe sanitaire : les sénateurs dénoncent un texte adopté « un pistolet sur la tempe »
2min

Politique

Départ du proviseur du lycée Maurice-Ravel : « Dans un monde normal, celle qui aurait dû partir, c’est l’élève », dénonce Bruno Retailleau

Menacé de mort après une altercation avec une élève à qui il avait demandé de retirer son voile, le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel a quitté ses fonctions. Une situation inacceptable pour le président des Républicains au Sénat, qui demande à la ministre de l’Éducation nationale d’« appliquer la loi jusqu’au bout ».

Le