Réforme des retraites : la question des inégalités femmes-hommes reste entière

Réforme des retraites : la question des inégalités femmes-hommes reste entière

Alors que le report de l’âge légal de départ à la retraite touchera plus fortement les femmes que les hommes, la question des dispositifs qui pourraient atténuer ces effets reste entière. La droite sénatoriale semble bien décidée à intégrer des politiques natalistes à la réforme des retraites, alors que le gouvernement remet ce « débat » au prochain budget de la Sécu.
Louis Mollier-Sabet

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« Le débat sur les femmes est extrêmement compliqué », concédait Olivier Dussopt sur notre antenne mercredi dernier. Et pour cause, c’est l’un des cailloux dans la chaussure du gouvernement depuis que l’exécutif a lancé la réforme des retraites, avec la revalorisation des petites pensions et le désormais fameux imbroglio autour de la retraite minimale à 1200 euros qui n’en est pas une. Le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, avait même reconnu dans notre émission Audition Publique, que la réforme des retraites du gouvernement allait « un peu pénaliser les femmes. »

Report de l’âge légal : les hommes partiront 5 mois plus tard, les femmes 9 mois

L’équation est dorénavant bien connue : les écarts de salaires entre les femmes et les hommes tout au long de leurs carrières font que, d’après la DREES, les pensions des femmes sont en moyenne 40 % inférieures à celles des hommes en 2022. Ce sont notamment leurs carrières hachées par les congés parentaux qui sont en cause : sur la génération 1950, 44 % des femmes ont liquidé leur pension avec une carrière incomplète, contre seulement 32 % des hommes. Un des dispositifs qui permet de compenser ces inégalités de carrière, c’est la possibilité pour les femmes de valider jusqu’à 8 trimestres par enfant dans le privé, quatre au titre de la maternité, et quatre au titre de l’éducation de l’enfant.

>> Lire aussi : Retraites : la réforme va-t-elle améliorer la situation des femmes ?

Grâce à ces trimestres, beaucoup de femmes liquident leur pension dès 62 ans, malgré une sortie du marché du travail en moyenne un peu plus tardive que les hommes. Un effet de seuil qui explique que, même avec la réforme Touraine et l’allongement progressif de la durée de cotisation à 43 annuités, ces femmes auraient pu continuer à partir à 62 ans à taux plein. Or, ceux qui partent autour de 62 ans seront les plus impactés par le report de deux ans de l’âge légal, qui touchera par conséquent plus les femmes, comme le confirme l’étude d’impact du gouvernement : pour la génération 1972, les hommes partiront en moyenne 5 mois plus tard, contre 9 mois pour les femmes.

Revalorisation des petites pensions, prise en compte des congés parentaux dans le dispositif carrières longues…

Alors que l’âge effectif de départ à la retraite des femmes devait rejoindre celui des hommes pour les générations nées au milieu des années 1970, la réforme actuelle devrait retarder cette convergence. Ainsi, malgré des pensions en moyenne plus faibles pour les femmes (81 % des pensions des hommes pour la génération 1972), les femmes supportent 60 % des économies générées par la réforme, selon un calcul de l’économiste Michaël Zemmour. Le compte Twitter « fipaddict », enseignant en finances publiques et auteur d’une note « Une autre réforme des retraites est possible », pour le Think Tank Terra Nova, précise tout de même que le temps passé à la retraite étant plus important pour les femmes compte tenu de leur espérance de vie plus importante, la réforme aurait un impact similaire sur les hommes et les femmes en termes de pension cumulée versée pendant l’ensemble de la retraite : – 0,7 % pour les femmes et – 0,9 % pour les hommes pour la génération 1972 par exemple.

Face à ces inégalités face à la retraite, qui reproduisent des inégalités salariales et d’accès au marché du travail tout au long de la vie active des femmes, le gouvernement met en avant la revalorisation des petites pensions, qui toucherait davantage les femmes, étant donné que celles-ci bénéficient en moyenne de pensions plus faibles. Ainsi les pensions moyennes des femmes devraient augmenter de 2,2 % avec la revalorisation des petites pensions, contre 0,9 % pour les hommes, pour la génération 1972. L’exécutif entend aussi rendre les congés parentaux éligibles au dispositif de carrières longues, qui permet de partir à taux plein avant l’âge légal si l’on a cotisé 4 ou 5 trimestres avant un certain âge. Les femmes pourraient ainsi plus facilement en bénéficier, en validant des trimestres grâce à un congé maternité.

« La France a besoin d’une grande politique nataliste »

Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, a aussi proposé dans le JDD ce dimanche de réduire l’âge légal à 63 ans pour les femmes ayant eu au moins trois enfants. « Les mères de famille subissent une injustice du système. Alors qu’elles contribuent à l’équilibre du régime grâce à leurs enfants, elles sont pénalisées par des carrières hachées. La France a besoin d’une grande politique nataliste », a expliqué le patron de la droite sénatoriale. Les Républicains du Sénat avaient déjà mis l’accent sur la politique nataliste, « l’angle mort de la réforme », pour la majorité sénatoriale, la proposition est donc maintenant sur la table.

Interrogé dans notre matinale sur les aménagements qui pourraient être introduits dans la réforme concernant la situation des femmes, Olivier Dussopt avait confié mercredi dernier vouloir « un vrai débat sur les droits familiaux », puisque le système actuel avait été pensé « à une époque différente », où les femmes avaient moins accès au marché du travail. Le ministre du Travail avait alors renvoyé ce débat sur « les droits familiaux » au budget de la Sécu 2024.

La majorité sénatoriale semble bien décidée à l’avoir dans le budget rectificatif de la Sécu pour 2023 qui sert de véhicule législatif à l’exécutif pour cette réforme des retraites, il devrait donc au moins avoir lieu au Sénat à partir du 2 mars, date à laquelle le texte commencera à être examiné par les sénatrices et les sénateurs. Reste à savoir si des éléments pourront être inclus dans les négociations entre le gouvernement et la majorité sénatoriale.

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