Sous l’aile de l’État, Air France

Sous l’aile de l’État, Air France

Air France, fleuron national du secteur aérien, connaît depuis plusieurs années des difficultés face d'un côté à la concurrence du low cost, et de l'autre à celle des luxueuses compagnies du Golfe. Obligé de s'adapter à ces bouleversements du secteur aérien, elle connait aussi un climat social interne tendu. Dans ce contexte, la compagnie française tente de composer avec son principal actionnaire qu’est l’Etat et qui pourtant ne détient plus que 17.06% du capital. La tutelle étatique est-elle une alliée stratégique ou un frein à toute émancipation ? Retour sur le bien fondé de la présence de l’État dans la compagnie.
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Aujourd’hui, malgré la privatisation de l’entreprise qu'a induit la fusion Air France-KLM, l’Etat reste néanmoins le principal actionnaire de la compagnie. Souvenons-nous : en 1999, l’Etat privatise partiellement l’entreprise avec l’aval de l’Union européenne. Alors, si tout porte à croire que l’État continue de diriger Air France comme par le passé, ce dernier ne pèse que partiellement dans la compagnie. Malgré l’ambigüité persistante quant à l’implication des pouvoirs publics, le gouvernement continue de prendre part à des opérations et à certains conflits. Lors de l’épisode de « la chemise déchirée » en 2015, les deux figures de l’exécutif avaient pris part au conflit qui opposait les membres de la direction d’Air France et les salariés. Manuel Valls, alors Premier ministre, avait emprunté à la figure de l’arbitre pour qualifier de « voyous » les responsables des violences commises à l’égard des dirigeants de l’entreprise. Mais alors, pourquoi l’État ne se retire t-il pas définitivement du capital d’Air France alors même que, comme le souligne l’ancien PDG, Alexandre de Juniac :

« La nécessité de sa présence ne s’impose en aucune manière. Dans la plupart des pays européens, l’Etat n’est plus au capital ».

D’autant que le contrôle de l’État déstabilise la gestion quotidienne de l’entreprise. Les injonctions contradictoires compliquent d’autant plus le déploiement d’Air France que « cela entretient une forme de schizophrène dans l’entreprise », affirme Vincent Capo-Canellas, sénateur et président du groupe d’études Aviation civile.  Autrement dit, l’État a deux casquettes : il est à la fois le défenseur de ses intérêts propres et l’actionnaire de référence. Cela explique que des décisions soient parfois prises au détriment d’Air France. C’est pourquoi certains prônent l’émancipation d’Air France. Pour Dominique Riquet, vice-président de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen :

« L’Etat est le plus mauvais opérateur économique que l’on connaisse. D’abord parce que [les stratégies] change[nt] au gré des alternances politiques ; […] Puis parce que l’État n’a plus les moyens juridiques de soutenir [la compagnie] et qu’il n’est même plus un opérateur direct des négociations sur les accords aériens. Donc, l’État a progressivement été marginalisé tout en étant toujours le responsable médiatique vers lequel, en dernier ressort, les personnels se tournent […] Probablement qu’à terme, l’État se retirera des enjeux économiques ».

A Christophe Pillet, Secrétaire général adjoint du Personnel Navigant commerciaux d’Air France, de tempérer :

« L’État ne peut pas subventionner mais en revanche, il peut moins taxer Air France […] Il y a des arbitrages économiques à faire mais souvent, Air France en pâtit ».

Egalement actionnaire d’Aéroports de Paris et du groupe Airbus,  l’État agit parfois au détriment d’Air France, notamment négociant avec les compagnies du Golfe l'achat d'avions en échange de places pour atterrir à l’aéroport de Roissy ou encore, en validant l’augmentation des droits aéroportuaires qui coûtent cher à Air France. Autrement dit, il s’agit moins pour Air France de s’affranchir dans l’immédiat du giron étatique, mais plutôt que le gouvernement allège la pression qui pèse sur le transport aérien hexagonal.

Air France-KLM : un pavillon français

Mais l’enjeu le plus pressant pour Air France est-il la question de sa protection par l’État ? Si Vincent Capo-Canellas perçoit que  « L’État est présent mais n’aide pas réellement. Peut-être que si l’État était moins présent, il aiderait plus ». Le sénateur plaide donc pour la sortie de l'État du capital. Nénanmoins, la présence étatique reste un atout pour les deux acteurs. D’une part, la compagnie est un outil de souveraineté. Le sénateur s’accorde à penser que :

« L’État a un intérêt à ce que sa compagnie nationale, sur le marché domestique, soit la plus forte possible. Evidemment, c’est un sujet de souveraineté. [Le but étant que] la France rayonne en assurant sa présence dans le monde entier et [en cela], la flotte aérienne est un moyen d’influence politique ».

D’autre part, la sortie définitive du capital pourrait fragiliser un groupe déjà vulnérable qui compte sur l’État depuis plusieurs décennies pour réguler le ciel national. Les salariés restent attachés à l’État qui constitue un moyen de pression non négligeable. De la même façon, les pilotes en appellent régulièrement au gouvernement pour les soutenir.
Toujours est-il que l’effacement progressif de l’État pourrait se faire dans les années à venir, une fois l’entreprise redressée.

 

Et si l’oiseau Air France prenait son envol ? C’est l’espoir qu’entretient Vincent Capo-Canellas : « Il faut gérer la société Air France comme une société indépendante ».

 

Retrouvez l’émission Un Monde en Docs consacrée à l'entreprise Air France le samedi 13 mai à 22h sur Public Sénat. 
 

 

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