Vaccins : « AstraZeneca ne peut pas délocaliser une partie des doses qui nous sont promises », prévient Yannick Jadot

Vaccins : « AstraZeneca ne peut pas délocaliser une partie des doses qui nous sont promises », prévient Yannick Jadot

Transparence dans les contrats passés avec les laboratoires pour obtenir des vaccins, récupération des brevets par la puissance publique pour amplifier la production des doses, ou lutte contre le dumping climatique des industriels qui exportent leurs produits en Europe, invité de l’émission ici l’Europe, Yannick Jadot revient sur la politique vaccinale en Europe et dessine les mécanismes pour une transition écologique mondiale.
Public Sénat

Par Nils Buchsbaum et Pierre Bonte-Joseph

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Il est le chef de file des eurodéputés écologistes français, et peaufine au fil des semaines son profil de candidat à l’élection présidentielle de 2022. Pour Ici l’Europe, Yannick Jadot revient sur la pandémie et la stratégie européenne de vaccination. Voici ses principales déclarations.

L’Union européenne semble incapable de maîtriser l’épidémie, alors que les Britanniques s’en sortent mieux ça vous étonne ?

« L’Union européenne, quand elle s’est saisie de la vaccination, a eu une très bonne initiative qui était l’idée de regrouper les capacités des différents États membres en matière d’achat, de négociation et d’achat des vaccins […] La difficulté que nous avons eu au sein de l’Union Européenne est que les personnes qui ont géré les négociations avec les laboratoires n’étaient pas les bonnes personnes. Il aurait fallu plutôt le commissaire Breton qui d’ailleurs est maintenant dans le jeu. Il connaît les firmes, il connaît les situations de crise et les aborde d’un point de vue industriel. Il aurait fallu quelqu’un de beaucoup plus dynamique, beaucoup moins frileux à la fois pour négocier avec les laboratoires… finalement la question du prix (ndlr des vaccins) quand on voit le coût de cette pandémie, est assez anecdotique, mais surtout il faut taper du poing sur la table pour avoir des quantités massives. »

Allez-vous poursuivre la Commission européenne pour manque de transparence dans les contrats passés avec les laboratoires ?

« Nous avons engagé ce bras de fer avec la Commission. Pour dire que les citoyens européens méritent la transparence sur ces contrats (ndlr : avec les laboratoires). Nous sommes dans le processus d’échanges de lettres avec la Commission, pour s’assurer que la Commission ne joue pas le jeu de la transparence. Nous irons devant la Cour de Justice pour imposer à la Commission son devoir de transparence ».

« AstraZeneca a promis des doses, on a payé AstraZeneca. AstraZeneca ne peut pas délocaliser une partie des doses qui nous sont promises. »

« Je crois que pour l’Union Européenne il faut imposer la licence obligatoire, c’est dans le droit français, le droit européen, le droit international. C’est-à-dire qu’on récupère les brevets, on compense les laboratoires, mais on récupère les brevets pour massifier la production. En situation de crise sociale, de crise sanitaire, de crise économique, de détresse psychologique majeure dans l’ensemble du monde on se laisse ballotter par l’agenda des laboratoires, qui veulent évidemment récompenser leurs recherches, mais l’Europe va dépenser 20 milliards d’euros ou plus dans la vaccination, pareil pour les Etats-Unis.

Est-ce qu’on ne peut pas aujourd’hui mettre les équipes de Pfizer, de Moderna, d’AstraZeneca et d’autres, autour de la table pour nous faire les meilleurs vaccins, les vaccins, qui y compris répondront aux variants qui sont déjà là ou qui vont arriver. Et qu’on dise, on met le paquet sur les capacités de production pour massifier la vaccination chez nous et dans le reste du monde. Parce que si on ne vaccine pas le reste du monde chez nous, tout pourra être percuté par de nouveaux variants. […] On se fait ballotter, manipuler par les laboratoires et notamment AstraZeneca qui nous avait promis beaucoup de doses. On a beaucoup investi sur AstraZeneca, 350 millions d’euros pour leur permettre de produire et on sait qu’AstraZeneca a très largement favorisé la Grande Bretagne, a réduit la fourniture de doses à l’Union Européenne malgré les engagements, et potentiellement exporterait sur d’autres pays. Il faut avoir un rapport de force équilibré avec les labos. AstraZeneca a promis des doses, on a payé, AstraZeneca ne peut pas délocaliser une partie des doses qui nous sont promises. »

« Ceux qui exportent en Europe doivent être soumis aux mêmes ambitions climatiques que les entreprises européennes. »

Vous allez proposer un mécanisme de taxations des émissions de carbone sur les produits importés en Europe, au Parlement européen quelle est l’ambition de ce texte ?

« Si on doit décarboner notre économie, et on a des objectifs qui vont être de -55 % - 60 % d’ici 2030, il ne faut pas que la conséquence soit la désindustrialisation. C’est-à-dire que des entreprises qui considèrent que parce qu’elles sont soumises à une politique climatique ambitieuse, vont délocaliser dans des pays qui n’auraient pas la même ambition climatique. Donc l’objectif de cet outil essentiel, c’est de faire un sas à l’entrée du marché européen. Que ceux qui exportent en Europe soient soumis aux mêmes ambitions climatiques que les entreprises européennes. L’idée c’est qu’il n’y ait pas de dumping climatique. Et les revenus devraient être affectés justement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la solidarité avec les pays dans le monde qui sont les plus touchés par le dérèglement climatique et qui sont souvent les moins responsables.

 

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