100 % présentiel à l’université : « Une annonce en trompe-l’œil », dénonce Mélanie Luce (Unef)

100 % présentiel à l’université : « Une annonce en trompe-l’œil », dénonce Mélanie Luce (Unef)

A l’approche de la rentrée universitaire, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a livré une interview au Parisien. Pas de quoi rassurer les syndicats et certains parlementaires qui pointent des zones de flou et des dispositifs insuffisants pour les étudiants précaires.
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Par Héléna Berkaoui

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« 100 % de présentiel », voilà le principe rappelé par la ministre de l’Enseignement supérieur en vue de la rentrée universitaire. Une bonne nouvelle, en apparence, pour les étudiants qui ont durement pâti des cours à distance instaurés en raison de la crise sanitaire.

Dans Le Parisien, mercredi 25 août, Frédérique Vidal précise le déroulé d’une rentrée qui reste sous la menace du variant Delta. Des annonces insuffisamment précises pour les syndicats et les parlementaires. Le volet social reste par ailleurs très en dessous des attentes.

100 % présentiel : « Les cours ne seront pas tous en présentiel »

Sur les cours en présentiel, la présidente de l’Unef, Mélanie Luce, rappelle qu’aucune obligation n’est prévue pour les établissements. « C’est une annonce en trompe-l’œil », cingle la syndicaliste. Du côté du syndicat des enseignants du supérieur, le constat est le même : « 100 % des étudiants auront du présentiel mais les cours ne seront pas tous en présentiel », précise la secrétaire générale du SNE Sup Fsu, Anne Roger.

« On a déjà des collègues qui ont organisé leur emploi du temps en partie en distanciel », assure Anne Roger. Derrière cette question, il y a aussi la crainte de voir les cours à distance s’installer durablement, explique-t-elle. Une crainte là aussi partagée par l’Unef. « On a des universités qui sont en train de faire des économies », assure Mélanie Luce. Elle préférerait que les classes soient dédoublées pour accueillir les étudiants plutôt que de recourir au distanciel qui défavorise les étudiants en difficulté.

Le président de la Fage, Paul Mayaux s’inquiète, lui, des conditions des prochains examens. La circulaire du ministère laisse le choix aux établissements d’organiser les partiels à distance ou en présentiel. Le nombre de questionnaires à choix multiple a par ailleurs augmenté, affirme-t-il. « Nous demandons que les examens tendent davantage vers l’expression des connaissances et des compétences acquises. »

Une circulaire publiée au milieu de l’été pour cadrer la rentrée

Il reste désormais aux chefs d’établissements de mettre en place le protocole sanitaire. Le ministère a publié une circulaire sur les mesures sanitaires le 5 août, « alors que tout était fermé », souffle Anne Roger. Comme la présidente de l’Unef, elle voit venir les gros titres sur les amphithéâtres plein à craquer et peine à imaginer comment il pourrait en être autrement vu le manque d’anticipation. Sur ce point, la ministre assure que ces images, qui ont choqué l’année passée, « ne concernent bien souvent que la rentrée de certaines premières années, dans des cursus prisés ».

Concernant les règles sanitaires, elles restent les mêmes quant au port du masque et aux gestes barrières mais la distanciation physique ne sera pas de mise. « Il n’y aura pas de jauge dans les amphis, afin d’exploiter la capacité maximale des salles », a également indiqué la ministre. L’aération des salles est recommandée mais il n’est pas prévu d’installer des détecteurs de CO2 pour prévenir la transmission du virus par aérosol.

Comme pour les lycées et les collèges, le passe sanitaire ne sera pas de mise à l’université sauf pour « les événements festifs » et autres activités sans lien avec le cursus. En cas de contamination, les étudiants vaccinés ne seront pas soumis à l’isolement. « Les cas positifs et les cas contacts sont, eux, isolés sept jours, tout en pouvant suivre de l’enseignement à distance », précise Frédérique Vidal. Des sites de vaccination seront présents sur « chaque campus principal », assure aussi la ministre.

80 % des 18-24 ans ont reçu une première dose de vaccin

Note positive : le taux de vaccination chez les 18-24 ans se révèle très satisfaisant. 80 % d’entre eux ont reçu une première dose et 63 % ont un schéma vaccinal complet. « Il faut rester attentif, il y a des disparités très fortes en fonction des régions », tempère toutefois le président de la commission de la Culture et de l’Éducation, Laurent Lafon (LR).

Le sénateur du Val-de-Marne s’interroge par ailleurs sur les modalités d’organisation de la vaccination notamment pour les établissements qui ne disposent pas de services de santé universitaire. Il juge qu’il subsiste encore trop de « flou et d’imprécisions ». Des questions que partage l’Unef : « Quel vaccin va être administré ? Est-ce qu’il y aura des plages horaires décalées pour ceux qui finissent tard les cours ? Est-ce que certains étudiants seront prioritaires ? »

Frédérique Vidal assure que pour les plus petits campus, « les étudiants pourront être envoyés dans un centre de proximité, avec des créneaux dédiés ».

« La politique du quoi qu’il en coûte s’est arrêtée aux portes des universités »

Autre aspect de cette rentrée universitaire : le niveau de vie des étudiants. La crise sanitaire a paupérisé un grand nombre d’étudiants, ces derniers ne pouvant plus recourir à des jobs à côté de leurs études. Au Sénat, la précarité étudiante a fait l’objet d’une mission d’information qui a conclu à la nécessité de réformes structurelles. La mise à plat du système de bourses figure au premier rang de leurs propositions. Des propositions consensuelles y compris sur les bancs de la droite, majoritaire au Sénat.

En janvier 2020, le président de la République avait annoncé vouloir réformer les bourses sur critères sociaux. Depuis, plus rien. Une revalorisation des bourses de 1 % pour la rentrée a cependant été annoncée. « Une augmentation qui couvre à peine l’inflation », soulignait le syndicat étudiant, L’alternative. « La politique du quoi qu’il en coûte s’est arrêtée aux portes des universités », peste Pierre Ouzoulias face à ces mesures jugées insuffisantes.

Pour le sénateur LR, Laurent Lafon, « le gouvernement mise sur un retour à la normale avec la reprise des petits boulots pour les étudiants ». Le sujet est, selon lui, reporté tout comme celui de la construction de logements étudiants qui dans certaines zones tendues représentent un coût écrasant.

« Le gouvernement n’a pas pris la mesure de la précarité étudiante », estime Mélanie Luce de l’Unef. Une annonce appuie particulièrement ce constat : la suppression des repas à 1 euro pour les non boursiers. « Cela représente quand même 276 euros en moyenne par an ! »

Alors que 2,8 millions d’étudiants s’apprêtent à faire leur rentrée, les associations syndicales attendent toujours un geste de la ministre de l’Enseignement supérieur.

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