300 élus, dont 50 sénateurs, appellent à accélérer la conversion vers l’agriculture biologique
Une tribune, soutenue par des élus locaux et des parlementaires de plusieurs tendances, appelle à « démocratiser » les produits bio français en restauration collective. Un soutien plus massif de l’Etat est demandé, pour soutenir le rythme de conversation des exploitations agricoles.

300 élus, dont 50 sénateurs, appellent à accélérer la conversion vers l’agriculture biologique

Une tribune, soutenue par des élus locaux et des parlementaires de plusieurs tendances, appelle à « démocratiser » les produits bio français en restauration collective. Un soutien plus massif de l’Etat est demandé, pour soutenir le rythme de conversation des exploitations agricoles.
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Il n’y a plus de temps à perdre pour le bio. Alors que les Européens sont en train de renégocier le prochain cadre de la police agricole commune (PAC), et la France son « plan stratégique national », près de 300 élus locaux ou parlementaires interpellent l’Etat pour se donner les moyens de favoriser davantage le développement d’une agriculture plus écologique et biologique. « Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre encore dix ans dans la transition écologique agricole », demandent-ils dans une tribune promue par la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). Une cinquantaine de sénateurs ont apporté leur soutien à cet appel, dont le groupe écologiste, mais aussi une part importante du groupe socialiste. Mais l’éventail des soutiens ne se limite pas à la gauche. Le centriste Jean-François Longeot, le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, fait également partie des signataires au Sénat. « Le mot bio n’est plus un gros mot », commente Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste, satisfait de trouver des appuis au centre et à droite, sur cette thématique.

La part du bio dans l’alimentation des Français et dans la production nationale est certes en constante augmentation. La superficie de terres cultivées en bio a doublé en cinq ans. Selon les derniers chiffres de l’Agence bio, le bio représentant 8,5 % de la surface agricole en 2019. En 2018, le gouvernement s’était donné pour objectif 15 % de surface agricole française à l’horizon 2022. Pour rappel, la loi du 3 août 2009, née du Grenelle de l’environnement, prévoyait un objectif plus ambitieux encore, de 20 % de terres en bio en 2020.

Craintes sur le respect des objectifs pris en 2018

Or, vu la dynamique de conversions vers le bio constatée ces cinq dernières années, le pari pourrait une fois de plus être manqué. « Si on reste sur la dynamique actuelle de la PAC, en France on atteindra l’objectif de 15 % non en 2022, mais à l’horizon 2027 ou 2028 », a récemment mis en garde le président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique.

L’agriculture biologique n’a pas que des arguments environnementaux, elle est aussi gage d’une meilleure rémunération pour ses producteurs. En août 2020, une note d’analyse de France stratégie, organe de prospective rattaché à Matignon, concluait que l’agroécologie était bien rentable. « L’agriculture biologique apparaît en particulier comme la plus performante d’un point de vue économique et environnemental aujourd’hui », pouvait-on y lire. « On sait que c’est une bonne solution, et que les exploitants agricoles qui vont s’installer en bio vont être bien plus créateurs en emplois que l’agriculture traditionnelle. Mais les moyens et les orientations politiques ne suivent pas », regrette Guillaume Gontard.

Pour favoriser la demande, la France a notamment axé sa stratégie vers la restauration collective. La loi Egalim de 2018 avait inscrit l’objectif de 50 % de produits durables et de qualité (dont 20 % de bio) dans les cantines publiques, d’ici 2022. L’article 60 du projet de loi Climat et Résilience, adopté en première lecture le 17 avril à l’Assemblée nationale, prévoit d’étendre cette obligation à la restauration collective privée à compter de 2025. Le seuil de 20 % de bio dans les cantines, « c’est quand même peanuts », cingle le sénateur Gontard. « Plein de villes le font, on voit que ça avance très bien », ajoute-t-il, insistant sur l’exemple de Mouans-Sartoux, commune des Alpes-Maritimes qui a mis en place une cantine scolaire 100 % bio avec une régie agricole pour l’approvisionner.

Un soutien demandé pour les cantines des plus petites communes

La tribune, qui compte parmi ses soutiens un nombre important d’élus locaux, estime que des objectifs ambitieux sont tenables, comme 50 % de produits bio en restauration scolaire, avec « généralisation de la tarification sociale ». « Certains d’entre nous y sont déjà, d’autres auront besoin du soutien de l’Etat pour y parvenir », soutiennent-ils. Ils demandent que le gouvernement soutienne les « plus petites collectivités » dans le budget 2022, discuté cet automne, pour « le développement d’une alimentation bio pour tous les enfants ». Dans le budget 2021, le sénateur écologiste Joël Labbé avait regretté que l’agriculture biologique ne soit pas soutenue « à la hauteur des ambitions ». « En tant que collectivités nous disposons de nombreux outils pour avancer vers la transition écologique, mais nous avons besoin que l’Etat prenne sa place », insiste la tribune.

Pour aligner l’offre à cette demande, les signataires demandent de rehausser les moyens disponibles pour soutenir les aides à la conversion ou au maintien en agricole biologique. Selon la Fédération nationale d’agriculture biologique, il faudrait multiplier par cinq le budget issu de la part française de la PAC qui est fléchée vers le bio, c’est-à-dire passer de 200 millions à un milliard d’euros par an. « Dans la dernière PAC, il y a à peine 2 % qui étaient réellement affectés au bio. On voit bien que c’est loin d’être une priorité. Il faut que la nouvelle PAC, au contraire, change totalement de modèle », encourage le sénateur Guillaume Gontard.

Si la nouvelle PAC reposera notamment sur des « éco-régimes » (ou éco-programmes), un nouveau mécanisme de rémunération des agriculteurs visant à valoriser les pratiques préservant l’environnement, le détail des modalités au niveau national, après la définition du cadre européen, sera scruté de près. La FNAB réclame par ailleurs un plus grand transfert du premier pilier de la PAC (soutien du marché et des revenus) au second pilier (développement rural), pour soutenir les aides au bio. La question des aides au maintien, progressivement grignotées par les aides à conversion, risque aussi de se poser.

Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a, lui, renforcé les moyens du Fonds Avenir Bio, en y consacrant cinq millions d’euros supplémentaires par an, jusqu’en 2022. Il sert notamment à stimuler les conversions des exploitations vers l’agriculture biologique. Depuis février, 50 millions d’euros du plan de relance sont aussi accessibles pour soutenir les projets des cantines des écoles primaires dans les petites collectivités territoriales, qui veulent s’engager dans « une transition durable » et proposer plus de produits « locaux, bio ou de qualité ». Par ailleurs, le crédit d’impôt bio pour les agriculteurs certifiés, instauré en 2018, et augmenté depuis, a été prolongé pour 2021.

Au Sénat, le projet de loi Climat et Résilience sera le prochain rendez-vous pour aborder ce dossier. Le groupe écologiste voudrait « relever le niveau ». « Sur la question agricole, c’est plus que décevant », considère son président Guillaume Gontard.

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