Abandon du projet T4 : quel plan de vol pour l’aéroport de Roissy ?

Abandon du projet T4 : quel plan de vol pour l’aéroport de Roissy ?

Le gouvernement a annoncé l’abandon d’un nouveau terminal T4 de l’aéroport de Roissy. Un projet qui n’était plus en accord avec les enjeux climatiques et la baisse du trafic aérien depuis la crise du covid-19. Au Sénat, on s’interroge sur les pistes d’évolution de l’aéroport.
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Le quinquennat d’Emmanuel Macron aura sonné le glas de deux grands projets aéroportuaires. Après l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en 2018, le gouvernement annonce officiellement l’abandon du projet de construction d’un quatrième terminal de l’aéroport international de Roissy-Charles de Gaulle.

Dans le quotidien Le Monde, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili indique que l’Etat, actionnaire majoritaire du groupe ADP (Aéroports de Paris), a demandé l’abandon du projet, charge à ADP « de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de l’environnement ».

Après trois ans de retard, les travaux devaient commencer cette année. Le chantier dont le coût était estimé entre 7 et 9 milliards d’euros, devait aboutir à la construction d’un quatrième terminal en 2037 et ainsi faire passer les capacités d’accueil du premier aéroport d’Europe, de 40 millions de passagers par an à 120 millions.

Mais la crise du covid est passée par là, faisant voler en éclat les perspectives de croissance du trafic aérien. « On ne peut pas faire comme si l’avant et l’après crise sanitaire rien ne changeait. Le transport aérien s’est effondré. Est-ce qu’on en tient compte ou on fait comme si de rien n’était ? » expliquait mercredi sur Public Sénat, l’ancien ministre de la Transition écologique, François de Rugy.

Le projet d’extension avait déjà pris du plomb dans l’aile en juillet 2020 lorsque l’Autorité environnementale avait constaté que « l’équation à résoudre » entre l’augmentation des vols, de la circulation routière et le respect des objectifs internationaux de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’était « pas décrite, ni posée de manière complète ».

« Maintenant, il faut poursuivre le combat », demande le sénateur PS du Val d’Oise, Rachid Temal

Dès janvier 2020, soixante-deux maires d’Ile-de-France avaient écrit au chef de l’Etat pour réclamer l’abandon du projet T4 de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle qui auraient entraîné, selon eux, « une dégradation des conditions de vie des populations les plus exposées et fragilisées ». « C’est une belle victoire et je me félicite que le gouvernement ait, cette fois-ci, entendu la demande. Mais maintenant, il faut poursuivre le combat » demande le sénateur PS du Val d’Oise, Rachid Temal. « Le projet qui était proposé avait un impact plus que négatif pour les habitants du secteur […] c’était comme si on ajoutait les trois terminaux d’Orly à ceux de Roissy » souligne-t-il. Au-delà de l’arrêt du projet, l’élu demande des « mesures nécessaires à la protection phonique et sanitaire de la population » par exemple la mise en place d’un couvre-feu des vols comme il en existe à Orly ou encore un meilleur accès par les transports publics des Val d’Oisiens à l’aéroport : « Un pôle d’emploi conséquent » pour les habitants. « Pour les habitants de l’est du département, l’aéroport est proche pour les nuisances mais très loin pour l’emploi » appuie-t-il.

« Une décision prise dans le secret des cabinets ministériels »

Philippe Dominati, sénateur apparenté LR de Paris, ne se prononce pas sur le bien-fondé de cette décision, faute d’éléments suffisants, mais dénonce une « méthode choquante ». « C’est un sujet très important qui engage de nombreux acteurs, les Franciliens, les acteurs économiques, les collectivités territoriales… Encore une fois, comme pour tout ce qui concerne ADP, la décision est prise dans le secret des cabinets ministériels, d’une manière régalienne, occulte et pas très saine ». En mars 2020, le gouvernement avait annoncé, à la surprise générale, la suspension de la privatisation du groupe ADP, la veille de la date limite pour rassembler les 4,7 millions de signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur le sujet. Une décision justifiée par l’effondrement du marché due à la menace du coronavirus sur l’économie.

L’annonce de l’arrêt du projet intervient au lendemain de la présentation en conseil des ministres du projet de loi climat. « Dans ce contexte […] le gouvernement considère qu’ADP a un rôle essentiel à jouer dans cette transition pour concilier le développement du trafic hors réseau domestique, la préservation de la connectivité de la France et le renforcement du hub parisien avec les objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien », insiste le communiqué du ministère de la Transition écologique.

« Ajouter 500 avions, qui vont créer des nuisances nocturnes, personne n’en veut », a salué Julien Bayou

« Il était temps d’arrêter pour le climat. C’est aussi une question de bon sens. Avec la crise sanitaire, il y a un effondrement du trafic aérien qui ne va pas reprendre tout de suite » […] « Ajouter 500 avions, qui vont créer des nuisances nocturnes, personne n’en veut », a salué Julien Bayou sur Public Sénat. Le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, attend néanmoins du gouvernement « des gestes positifs, comme la suppression des lignes intérieures quand vous avez une solution en train en 3 ou 4 heures ». Dans le projet de loi climat, le seuil fixé pour la suppression de lignes intérieures est de 2h30, avec une exception pour les correspondances.

« Mais ne coupons pas les ailes de l’aéronautique français »

Une analyse que tempère fortement Vincent Capo-Canellas, questeur centriste du Sénat et auteur d’un rapport sur la sûreté de l’aviation civile. « Le projet T4, ce n’était pas un projet d’extension de l’aéroport. C’est-à-dire qu’il ne contenait pas d’artificialisation des sols. C’était un projet de nouvelle aérogare qui avait pour but de répondre à une augmentation du trafic mais surtout de répondre au problème de l’accueil des passagers qui est un problème qui demeure. Nous sommes dans un contexte mondialisé de compétition entre aéroports. A un moment donné, le trafic va repartir et il faudra bien qu’on soit en capacité de le capter si on ne veut pas que les passagers se détournent vers Londres ou Francfort. Redéfinir un projet daté me paraît compréhensible. Il faut aider l’aérien à faire sa mue écologique. Mais ne coupons pas les ailes de l’aéronautique français. Ne gâchons pas nos atouts. Nous sommes l’un des seuls pays à pouvoir construire un avion de A à Z. Abandonner tout projet aéronautique et aéroportuaire serait dramatique pour l’emploi et le tourisme » alerte-t-il.

Dans son communiqué, le ministère de la Transition écologique trace un plan de vol à ADP pour le nouveau projet, qui devra prévoir « les nouvelles infrastructures nécessaires à l’avion décarboné, améliorer la performance environnementale des aérogares et renforcer l’intermodalité avion/train.

 

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