Aménagement du cumul des mandats : Castex ouvre la porte, les députés devraient la refermer

Aménagement du cumul des mandats : Castex ouvre la porte, les députés devraient la refermer

La question d’un assouplissement de la règle du non-cumul des mandats tiraille l’exécutif depuis deux ans. Il y a quelques jours, le Sénat a adopté une proposition de loi en ce sens. Et à l’approche de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, Jean Castex s’est montré favorable à « un aménagement ». Selon nos informations, le texte devrait pourtant être rejeté par les députés le mois prochain.
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Les législatives de 2022 verront-elles le retour dans l’hémicycle de députés-maires ? C’est ce que souhaite la majorité sénatoriale de la droite et du centre qui a adopté une proposition de loi en ce sens le 12 octobre dernier. Le texte porté par le président du groupe centriste, Hervé Marseille assouplit la loi de 2014 qui interdit le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale. La proposition de loi sénatoriale revient partiellement sur cette interdiction en autorisant le cumul d’un mandat d’exécutif local dans une ville de moins de 10 000 habitants avec un mandat de parlementaire.

>> Lire notre article: Le Sénat vote pour le retour du cumul des mandats

Une mesure de « bon sens » pour Jean Castex

Inscrite dans la niche parlementaire des députés centristes, la proposition de loi sera examinée à l’Assemblée nationale le 26 novembre prochain. Et les propos de Jean Castex, ce week-end, ont donné de l’espoir à la majorité sénatoriale. « On voit bien que maire d’une grande ville, président de département ce sont des fonctions à part entière. Mais quand il s’agit de communes de taille modeste, je pense que ce serait fort utile pour l’exercice des mandats nationaux d’avoir les pieds sur terre, ce contact permanent avec la réalité. Il ne faudrait pas qu’il y ait d’un côté les élus locaux, de l’autre les élus nationaux. Donc je le verrais plus comme un aménagement que comme une remise en cause du principe. C’est du bon sens » a-t-il déclaré, lors d’un déplacement dans sa ville de Prades, dans les Pyrénées Orientales.

« Notre idée fait son chemin au sein de l’exécutif »

« Il n’est pas le premier. Le président de la République, mais aussi le ministre des Relations avec le Parlement, se sont déjà exprimés pour dire qu’il y avait un vrai sujet », constate sobrement Hervé Marseille.

« Ça montre que notre idée fait son chemin au sein de l’exécutif. Nous voulons que cette règle du non-cumul soit plus souple afin de favoriser l’ancrage territorial et ça le gouvernement y est attentif », se félicite Stéphane Le Rudulier, rapporteur LR du texte avant d’ajouter. « Il va être intéressant de voir qu’elle va être la position de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Peut-être vont-ils faire leur autocritique. Exercer un mandat de parlementaire n’est pas un métier comme un autre, que l’on peut quitter au bout de trois ans parce qu’on est déçu ».

Mais ce souhait ne devrait pas être exaucé. « Je sors de l’Elysée et je peux vous dire que ce sera non. Le Premier ministre s’exprimait à titre personnel. Ce n’est pas la position de l’exécutif et les trois groupes de la majorité voteront contre, donc c’est plié », nous confie un responsable de la majorité présidentielle.

Pour mémoire, devant les sénateurs, il y a quelques jours, la ministre de la Ville, Nadia Hai, avait donné un avis défavorable à cette proposition de loi, jugeant que le cumul des mandats n’était pas « une bonne réponse aux besoins exprimés par nos concitoyens », avait-elle fait valoir, s’attirant des huées dans les travées.

>> Lire notre article: Hervé Marseille (UC) veut revenir sur le non-cumul des mandats

La déconnexion des élus pointée du doigt lors de la crise des gilets jaunes

Ce n’est pourtant pas la première fois que l’exécutif esquisse l’idée d’une révision de la loi de 2014. En pleine crise des gilets jaunes, certains élus LR avaient pointé du doigt cette règle du non-cumul, principale cause de « la déconnexion » des nouveaux parlementaires de la majorité, selon eux. « Faut-il permettre de ré-avoir des mandats locaux, du moins dans certaines proportions, sans être dans des exécutifs de premier plan, peut-être ? » avait concédé Emmanuel Macron, lors du lancement du grand débat national dans l’Eure, début 2019. Deux mois plus tard, le bilan de la consultation était sans appel. 64 % des 1,5 million de participants au grand débat considéraient que le non-cumul des mandats était une bonne chose.

« Cette mesure n’est pas une attente des citoyens »

Le sénateur socialiste, Éric Kerrouche, a du mal à comprendre « ce pas de deux entre le gouvernement et la droite sénatoriale ». « Le gouvernement s’est opposé au texte devant le Sénat et Jean Castex nous explique qu’on ne l’a pas bien compris. Cette mesure n’est pas une attente des citoyens. L’exercice d’un mandat d’exécutif local prend du temps et rend difficile son exercice simultané avec un mandat parlementaire pris au sérieux. Les débats au Sénat ont porté sur la question du seuil de 10 000 habitants en dessous duquel le cumul pourrait être autorisé. Si on ne trouve pas le bon seuil, c’est que ce n’est pas une bonne mesure », estime-t-il.

Le texte avait été adopté au Sénat par une majorité relative (pour 197, contre 119). Sur les bancs de la gauche, on avait aussi rappelé que la législation actuelle n’empêche pas le cumul d’un mandat parlementaire avec celui d’un conseiller au niveau local. François Patriat, président du groupe RDPI-LREM, avait lui aussi voté contre. « La question du seuil posait problème. Pour moi, un seuil de 3000 habitants serait plus adapté. Mais légiférer sur un assouplissement de l’interdiction du cumul est un mauvais signal envoyé à l’opinion publique. En plus, on pointe du doigt les parlementaires, mais au niveau local, vous pouvez être maire, président d’une communauté de communes, conseiller départemental et conseiller régional et personne ne vous dit rien », fait-il remarquer évoquant la question du cumul horizontal au niveau local.

La question du seuil en débat

« Nous ne sommes pas arc-boutés sur le seuil de 10 000 habitants. Il faut simplement que le seuil ne soit pas arbitraire et corresponde au code général des collectivités territoriales. Le président Marseille et moi-même avons pensé que le seuil de 10 000 habitants permettait d’ouvrir au personnel politique rural la possibilité d’avoir un mandat national », rappelle Stéphane Le Rudulier. Dans l’hypothèse où le texte était voté par les députés avec un seuil différent, il devrait repartir en seconde lecture au Sénat car une loi organique doit être adoptée en termes identiques. « S’il y a une volonté de la part du gouvernement, je suis certain que nous trouverons le temps d’adopter ce texte avant la fin de la législature pour qu’il soit applicable dès les législatives de 2022 », veut croire, le rapporteur LR.

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