Annonces de Castaner : « Les policiers ne vont plus interpeller, de peur d’être pénalement responsables »

Annonces de Castaner : « Les policiers ne vont plus interpeller, de peur d’être pénalement responsables »

Au moment où des manifestations contre le racisme et les violences policières, s’organisent partout en France, malgré les interdictions, l’exécutif annonce des changements dans les méthodes d’interventions, quitte à prendre le risque de braquer les forces de l’ordre sous tension depuis des années.
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« Il y a un camp pro-police, un camp anti-police. Et les deux s’alimentent ». C’est le constat désabusé fait par le sénateur LR François Grosdidier co-auteur d’un rapport sur le malaise des forces de sécurité intérieure. Depuis une dizaine de jours, la vague de manifestations américaines pour dénoncer les violences policières liées à un racisme structurel, qui ont fait suite au décès de George Floyd, ont trouvé un écho certain en France et dans le monde.

« Le schéma national du maintien de l’ordre » se fait toujours attendre

Depuis le début du quinquennat, les violences policières sont un sujet récurrent pour l’exécutif. Elles étaient néanmoins cantonnées à la doctrine du maintien de l’ordre, mise à mal à de nombreuses reprises lors des manifestations des gilets jaunes. Annoncé depuis un an, le nouveau « schéma national du maintien de l’ordre » se fait pourtant toujours attendre. Entre-temps, la nomination de Didier Lallement à la tête de la préfecture de police de Paris était plutôt un signe de dureté envoyé aux manifestants.

Il y a un an, Christophe Castaner n’acceptait pas l'expression « violences policières »

Mais dans le contexte d’émotion planétaire provoquée par la mort de Georges Floyd, le ministre de l’Intérieur n’a, cette fois, pas attendu pour annoncer des mesures destinées à améliorer la déontologie des méthodes d’interpellation des forces de l'ordre. Le cas récent du jeune Gabriel, grièvement blessé au visage lors d’une intervention policière, la mort d’un coursier après une clé d’étranglement pratiquée par des policiers lors d’un contrôle routier en début d’année, mais surtout les 23 000 personnes rassemblées la semaine dernière pour réclamer une énième fois « justice et vérité pour Adama Traoré » décédé en 2016 après une intervention musclée de la gendarmerie à Beaumont-sur-Oise, ont fait fléchir la position de l’exécutif sur le sujet des violences policières. Il y a un an, le ministre de l’Intérieur, indiquait même au JDD ne pas accepter « l'expression violences policières ».

En 2020, l’heure n’est plus au débat sémantique pour l’exécutif. En déplacement à Evry, Édouard Philippe a d’abord reconnu que l'émotion était « très grande, très légitime, très partagée » après la mort de George Floyd, avant de demander « respect et confiance » aux forces de l’ordre mais « également « un devoir d'exigence vis-à-vis d'elles ».

« Le risque juridique est trop grand »

En ce qui concerne les actes, Christophe Castaner a annoncé l’abandon « de la méthode de la prise par le cou dite de l’étranglement ». Une technique d’intervention enseignée jusqu’à présent dans les écoles de police ». « C’est la seule technique réglementaire qui nous permet d’avoir le dessus sur un individu plus puissant que nous. Elle va être remplacée par la généralisation du port du pistolet à impulsion électrique » annonce Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance. « C’est une arme qui a un effet dissuasif. Mais en attendant que cette arme soit disponible pour tous les collègues, que vont-ils faire ? Ils ne vont plus interpeller de peur d’être pénalement responsables en cas d’incident » explique-t-il. Un mot d’ordre qui est également remonté aux oreilles de François Grosdidier. « On ne peut pas remplacer une technique d’intervention sans avoir prévu son remplacement, dans le but de faire un coup de com’. Une communication de crise qui plus est. Le risque juridique est trop grand et les policiers ne vont plus interpeller et rester dans les voitures ».

Christophe Castaner a également indiqué la généralisation des cameras-piétons pour les policiers et gendarmes, une demande de longue date de François Grosdidier. « Nous ne voulons pas que cela se transforme en système de flicage. Elles devront être déclenchées à l’initiative du policier » prévient Fabien Vanhemelryck.

Édouard Philippe : « La France, la police nationale, la gendarmerie, ne sont pas racistes »

Les récentes révélations de Mediapart, Arte Radio et Streetpress de propos racistes tenus par des policiers sur des groupes WhatsApp et Facebook ont également poussé l’exécutif à réagir.

Pour mettre un terme à la comparaison avec la police américaine, Édouard Philippe a rappelé cet après-midi devant les députés, la première phrase de la déclaration des droits de l’Homme : « Les hommes naissent libres et égaux en droit. »

« La France, la police nationale, la gendarmerie, ne sont pas racistes. Mais chaque fois qu'un acte, un propos avéré est raciste, il est important que l'ensemble de notre pays réagisse », a-t-il insisté cet après-midi avant de conclure : « Respect, confiance, exigence, c'est la ligne qui doit prévaloir et c'est la ligne sur laquelle, toujours, je me battrai ».

La veille, Christophe Castaner avait annoncé « la suspension systématique » des fonctionnaires de police et gendarmerie » en cas de « soupçon avérée » de racisme. « Soupçon avéré, je ne sais pas ce que ça veut dire. Soit on n’a pas de preuves, soit on en a et dans ce cas, on agit » s’interroge Didier Marie, sénateur PS, membre de la commission des lois. « Christophe Castaner crée de fait une présomption de culpabilité pour les policiers. C’est une lâcheté sémantique et politique de la part du ministre de l’Intérieur, qui devrait défendre ses troupes ! » a tweeté le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

« Aujourd’hui, les policiers se sentent lâchés »

« Il n’y a pas plus de racisme chez les forces de l’ordre que dans les autres corps de métier. On ne choisit pas la délinquance. On contrôle et on interpelle quelle que soit la couleur. On sent un fléchissement de la part du gouvernement qui cède au diktat d’une certaine idéologie qui se diffuse dans les rues » assure secrétaire général du syndicat Alliance.

« La propension naturelle d’un ministre de l’Intérieur, c’est d’être solidaire avec les forces de l’ordre qu’il envoie tous les jours au casse-pipe. Aujourd’hui, les policiers se sentent lâchés » regrette François Grosdidier.

Interdite par la loi en raison de la crise sanitaire, la participation aux rassemblements prévus mardi en France pour saluer la mémoire de George Floyd et « combattre le racisme dans la police », ne sera pas sanctionnée, a annoncé le ministre de l’Intérieur. Après le « soupçon avéré » voici « l’interdiction autorisée » a ironisé Bruno Retailleau, sur Twitter.

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