Application des lois : « Un recours accru » aux ordonnances, dénonce le Sénat
Dans son rapport annuel, le Sénat souligne un taux d’application des lois en baisse, un délai moyen de prise des décrets d’application en légère hausse et un « recours accru » aux ordonnances qui se poursuit.

Application des lois : « Un recours accru » aux ordonnances, dénonce le Sénat

Dans son rapport annuel, le Sénat souligne un taux d’application des lois en baisse, un délai moyen de prise des décrets d’application en légère hausse et un « recours accru » aux ordonnances qui se poursuit.
Public Sénat

Par Laure-Anne Elkabbach

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La délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, a publié son rapport annuel d’application des lois pour l’année 2018-2019. Ce bilan porte « sur les lois adoptées entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019 ».

Lors d’un entretien à publicsenat.fr, la présidente de cette délégation du Bureau, Valérie Létard qui a dirigé le rapport, a expliqué l’importance de ce travail de contrôle : « Le bilan de l’application des lois c’est un temps fort de l’action du contrôle du gouvernement par le Parlement - et donc par le Sénat en l’occurrence - qui permet de s’assurer que les textes d’application sont pris en temps et en heure et respecte la volonté du législateur ».

La vice-présidente du Sénat a précisé que la crise sanitaire avait rendu ce travail d’évaluation de contrôle « particulièrement difficile » cette année.

Plus de propositions de loi que les années précédentes

« Hors conventions internationales », 49 lois ont été votées en 2018-2019, soit 8 de plus que la session précédente. 31 (hors loi des finances et loi de financement de la sécurité sociale) ont été examinées en procédure accélérée.

Une raison de satisfaction pour le Sénat : « Près de la moitié des lois votées » durant cette session sont des propositions de loi (textes initiés par le Parlement et dans le cas présent, par le Sénat). Ce qui montre une augmentation par rapport aux années précédentes.

En juin 2019, une résolution a modifié le règlement du Sénat et lui a permis de renforcer les capacités de contrôle de l’application et de l’évaluation des lois. Le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi s’est ainsi vu confier la responsabilité du suivi de son application. Le rapport explique qu’il est encore trop tôt pour en tirer les conséquences. « L’an prochain, on aura véritablement la capacité de mesurer le rôle d’aiguillon supplémentaire que pourront avoir les commissions avec des rapporteurs qui suivent en temps réel » estime Valérie Létard.

Un taux d’application des lois en légère baisse

Pour la période 2018-2019, le taux d’application des lois, selon les calculs du Sénat, est de 72%, soit 6 points de moins que l’année précédente.

660 mesures réglementaires sur les 918 prévues, ont été prises. Toutefois, il faut prendre en compte dans cette baisse, le fait qu’il y a eu une hausse des mesures d’application prévues.

Ce qui agace le Sénat, c’est que le taux global d’application des lois « ne prend en compte que le nombre de décrets et non leur importance respective ». Et qu’il y a de grandes différences selon les textes et les commissions. Et le rapport de donner comme exemple la commission des Lois qui a connu cette année un taux d’application de 49% sur « les lois de son ressort » quand la commission des Finances constate pour elle, un taux de 88%.

Le délai moyen de prise des décrets d’application, en légère hausse

Alors qu’il se situait à la baisse depuis deux ans, le délai moyen de publication des textes d’application est en légère hausse.

 « Les mesures réglementaires ont été publiées cinq mois et 12 jours après la promulgation de la loi », en moyenne (4 mois et 17 jours en 2019). Pour les propositions de lois, le délai s’élève à 5 mois et 27 jours.

Malgré cette légère hausse, l’exécutif a respecté, dans ces cas-là, son engagement de prendre des mesures réglementaires dans un délai de 6 mois suivant la publication de la loi (comme le prévoit la circulaire du 29 février 2008).

Une nouvelle fois, les sénateurs relèvent que la procédure accélérée est beaucoup utilisée (elle concerne deux tiers des lois votées durant cette session) mais que derrière, l’exécutif ne suit pas suffisamment sur les délais de mise en application des textes.

« On nous demande la procédure accélérée mais on voit bien que par ailleurs ça permet de faire plus de textes mais avec des délais pour sortir les textes réglementaires, qui sont plus longs » réagit Valérie Létard.

Un nombre de rapports du gouvernement remis au Parlement, trop faible

Le Sénat regrette cette année encore que le gouvernement lui remette aussi peu de rapports. En baisse par rapport à l’année précédente, le taux de remise des rapports ne représente que 12% pour l’année 2018-2019 contre 35% l’année précédente.

La haute assemblée dénonce également « un recours accru » aux ordonnances de la part de l’exécutif. Un fonctionnement récurrent. Depuis 2012 (et à l’exception de l’année 2018) leur nombre ne cesse d’augmenter : « Sur la période 2012-2018, le nombre d’ordonnances publiées dépasse celui des lois adoptées selon la procédure ordinaire ».

59 ordonnances ont été prises en 2019. Et ce n’est pas près de changer. Lors de la crise sanitaire de 2020, une cinquantaine d’ordonnances ont été prises. Le Sénat se veut vigilant sur toutes ces questions sachant qu’une décision a été rendue le 28 mai dernier par le Conseil constitutionnel qui confère aux ordonnances une valeur législative.

Ce rapport d’application des lois est débattu en séance mardi 23 juin en fin de journée.

 

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