Après le Conseil d’Etat, la Cnil enjoint les forces de l’ordre à cesser d’utiliser des drones

Après le Conseil d’Etat, la Cnil enjoint les forces de l’ordre à cesser d’utiliser des drones

Le gendarme des données personnelles indique avoir « rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur pour avoir procédé à des vols de drones équipés de caméras en dehors de tout cadre légal ». Pas une surprise pour les sénateurs de la commission des lois.
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Par Pierre Maurer

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Pour la deuxième fois en moins d’un mois, Beauvau se fait taper sur les doigts. Quelques semaines après des remontrances du Conseil d’Etat allant dans le même sens, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) indique dans un communiqué publié ce jeudi avoir enjoint les forces de police de cesser « sans délai » tout vol de drone équipé de caméras jusqu’à ce qu’un cadre normatif « autorisant un tel traitement de données personnelles ou jusqu’à ce qu’un système technique empêchant toute identification des personnes soit mis en œuvre ». « Ce n’est pas une découverte. En réalité, on savait déjà qu’il y avait un problème d’ancrage juridique », réagit le co-rapporteur du texte « Sécurité globale » au Sénat, Loïc Hervé (Union Centriste), par ailleurs membre de la Cnil depuis 2014. « C’est un problème auquel le projet de loi entend répondre », assure-t-il. Cette décision, il estime donc qu’elle tombe « à bon escient ». Vice-président de la commission des lois, Jérôme Durain accueille lui aussi cette décision « favorablement ». « Il y a bien un doute juridique. Tout ça est flou, y compris dans les réponses du ministre », tacle le sénateur socialiste.

La Quadrature du net, l’association de défense des libertés publiques, révélait fin octobre que « la police nationale et la gendarmerie utilisent de manière systématique les drones pour surveiller les manifestations ». Mediapart avait de son côté documenté cette utilisation. Lors d’un contrôle, la Cnil avait constaté que les personnes filmées étaient susceptibles d’être identifiées, ce qui, en vertu de la loi Informatique et Libertés, doit être prévu par un texte législatif ou réglementaire et nécessiter une étude d’impact.

A l’issue d’une procédure de contrôle initiée en mai 2020, la formation restreinte de la Cnil, a donc « rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur pour avoir procédé à des vols de drones équipés de caméras en dehors de tout cadre légal ».

L’Intérieur « prend acte »

Le ministère dirigé par Gérald Darmanin a fait savoir de son côté « prendre acte de la décision dont il respectera les termes » et souligne que l’article 22 du texte sur la « Sécurité globale », qui sera examiné par le Sénat, prévoit un tel dispositif. Ce texte envisage d’autoriser l’usage des drones lors de manifestations « lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public » et a fait l’objet de vives critiques.

Selon Loïc Hervé, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. « Je vais proposer une rédaction de l’article 22 qui respecte les libertés individuelles. C’est le rôle du Parlement de protéger les libertés publiques », affirme-t-il. Encore faut-il que députés et sénateurs se mettent d’accord sur la rédaction du texte au terme de la navette parlementaire. « Absolument pas » opposé à l’utilisation des drones, l’élu centriste rappelle leur utilité dans certaines circonstances. « Je viens d’un département de montagne, la Haute-Savoie. Par exemple, quand les sauveteurs cherchent quelqu’un en haute montagne, ils utilisent un drone. Ce dispositif permet de sauver des gens », explique-t-il.

A l’inverse, fin décembre, Jérôme Durain affichait lui sa préoccupation quant aux captations d’images sans consentement, parfois avec l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale. Le sénateur de Saône-et-Loire reste toujours en alerte sur le texte. « Je pense que l’examen de l’article 22 va permettre de remettre les compteurs à zéro. Plus globalement, il faudra faire du sujet des images un fil rouge », presse-t-il les deux rapporteurs du texte, Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse (Les Républicains). Et trouver un compromis entre les différentes sensibilités des groupes politiques présents au Sénat. Pour le moment, les auditions en vue de l’examen du texte se poursuivent. Pour la bataille des amendements, rendez-vous est donné en mars.

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