Après les européennes, les socialistes veulent rassembler la « gauche confettis »

Après les européennes, les socialistes veulent rassembler la « gauche confettis »

Alors que le PS convoque un grand conseil national extraordinaire, de nombreux sénateurs socialistes pointent le piège de la division entre les listes de la gauche et appellent à l’union.
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La déroute historique – et inattendue – des Républicains aux européennes (8,5 %) relèguerait presque au second plan les 6,2 % arrachés par la liste commune du Parti socialiste et de Place publique (PS-PP), avec le concours du Parti radical de gauche (PRG) et de Nouvelle Donne. Nombreux sont les élus du PS à avoir poussé un « ouf » de soulagement dimanche soir, car le dépassement de la barre des 5 %, synonyme d’élus au Parlement européen, n’était pas assuré. Le pire a été évité pour celle qui a longtemps été la principale formation à gauche, mais le score reste à peu de chose près au même niveau qu’à la présidentielle (6,4 %). « Nous sommes soulagés », souffle Patrick Kanner, le président du groupe socialiste et républicain au Sénat. « Mais à 6 %, on n’est pas encore un parti de gouvernement. On est encore une forme de groupuscule ».

Rapidement après l’annonce des estimations dimanche soir, les membres du groupe sénatorial ont leurs calculatrices. Agrégées les unes avec les autres, les listes de gauche (Europe Écologie-Les Verts, PS-PP, Générations et Parti communiste), dépassent 27 % des suffrages dans ce scrutin des européennes. Plus de 33 % avec la France insoumise, peu encline aux alliances d’appareils.

L’addition, brute, a quelque chose d’artificiel. Illusoire, peut-être même. Cela n’a pas empêché les socialistes d’espérer avec leurs projections. « Si la gauche démocratique, européenne, sociale et écologiste, s’était unie, elle aurait été l’événement de la soirée », s’est exclamé par exemple David Assouline. « On voit bien que si nous avions été rassemblés, nous aurions pu jouer quasiment la première place », se met à imaginer ce matin, le sénateur Jérôme Durain. « Les listes de gauche proposaient des choses à peu près comparables, la gauche a été trop bête pour ne pas savoir se réunir. »

« Mettre un terme à l’éparpillement »

À coups de communiqués, de réactions dans la presse quotidienne régionale, de nombreux socialistes sont unanimes : la division est mortifère. Et appellent à l’union des gauches, comme un mantra. « Notre responsabilité désormais : mettre un terme à l’éparpillement et construire un nouveau rassemblement de la gauche », demande la sénatrice de Paris Marie-Pierre de la Gontrie. « Sans l’union, point de salut. La réunion de toutes ces forces, c’est l’avenir de la gauche », résume Jérôme Durain. Le parti réunit d’ailleurs ce mardi soir dans son nouveau siège d’Ivry-sur-Seine un conseil national extraordinaire, pour aborder la suite. La reconstruction, mais aussi les prochaines échéances. Les municipales, dans moins d’un an, arriveront vite. À Paris, l’une des élections à forts enjeux, le « rassemblement » sera la clé, s’attend le sénateur Rémi Féraud.

Jérôme Durain : "Si nous avions été rassemblés, nous aurions pu jouer la première place"
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Jérôme Durain : « Si nous avions été rassemblés, nous aurions pu jouer la première place » (images : Flora Sauvage)

Parmi les stratégies qui devraient être abordées ce soir, nous dit-on, le conseil national devrait notamment pousser pour un approfondissement des liens entre le PS, et ses trois camarades, Place publique, PRG et Nouvelle Donne. Il faudra évidemment aller au-delà de ces partis, pour peser beaucoup plus lourd. « L’électorat de gauche ne demande qu’à se rassembler », martèle ainsi Olivier Faure ce matin sur notre antenne, mettant en garde contre « les egos démesurés ».

L’avertissement de Patrick Kanner à Yannick Jadot

Le discours victorieux de Yannick Jadot, après les 13,5 % de la liste Europe Écologie-Les Verts, a de quoi doucher certaines espérances. « On ne va pas se mettre autour d'une table entre les anciens partis du XXe siècle pour faire des accords. Ça, c'est la vieille politique », a mis au point la tête de liste écologiste, peu emballé par la perspective d’un retour de la gauche plurielle. Comme en 1997. Loin d’être anecdotique, ce changement de stratégie se retrouve dans le vocabulaire. Le mot « gauche » n’a pas été prononcé une seule fois dans son discours prononcé au QG dimanche soir.

Cela n’empêche pas certains écologistes, comme le sénateur Guillaume Gontard, de rappeler l’évidence : « nous n’y arriverons pas sans rassembler toutes les forces de gauche, écologistes et humanistes ». La tête de liste du Parti communiste, Ian Brossat, ne ferme pas non plus la porte, après son échec (2,5 %). « N’oublions jamais que nous n’avons aucun adversaire à gauche. Conservons la bienveillance qui fut la nôtre, cette envie sincère de tendre la main, de réussir le rassemblement demain. »

Union de la gauche : "Nous avons une responsabilité historique", déclare Patrick Kanner
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« Nous avons une responsabilité historique », déclare Patrick Kanner (images : Flora Sauvage)

Lucide, Patrick Kanner reconnaît que le PS n’a plus les moyens d’imposer ses vues comme par le passé. « C’est vrai que quand on est à 6% c’est compliqué de dire aux autres qui ont fait deux fois plus que vous : venez avec nous ! » Mais dans cette « gauche confettis » comme il l’appelle désormais, la responsabilité sera « collective ». L’ancien ministre des Sports précise que « la première condition est que le PS balaye devant sa porte ».

L’avertissement vaut aussi pour Yannick Jadot. « Je peux comprendre leur enthousiasme. Par contre, j’estime que la majorité de ceux qui ont voté pour M. Jadot sont des gens de gauche. Qu’il le veuille ou non, donc il doit prendre sa part dans la reconstruction politique, sauf à laisser le mano à mano permanent entre la nouvelle droite – c’est La République en marche aujourd’hui – et l’extrême droite », craint Patrick Kanner. Selon lui, la « responsabilité est historique » et demande de « dépasser les calculs internes et les ambitions de partis ».

Patrick Kanner : « M. Jadot doit prendre sa part dans la reconstruction politique »
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Patrick Kanner : « M. Jadot doit prendre sa part dans la reconstruction politique » (images : Flora Sauvage)

« Une erreur de commencer par les alliances électorales »

D’autres conseillent aux écologistes d’éviter tout triomphalisme. « Il faut leur tirer notre chapeau, mais il faut aussi garder la tête froide », estime Jérôme Durain. « Tout cela va et vient, surtout sur des élections européennes. Tout seul, même à 13 %, on ne peut pas nourrir de grands espoirs », rappelle-t-il. On se souvient que malgré les bons scores obtenus par EELV aux européennes de 2009 (16,3 %), l’essai n’a pas été transformé à la présidentielle, ni aux législatives. Il est vrai que le mode scrutin leur était beaucoup moins favorable.

Rachid Temal : « Commencer par des alliances électorales, c'est ne pas répondre aux Français »
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Rachid Temal : « Commencer par des alliances électorales, c'est ne pas répondre aux Français » (images : Flora Sauvage)

Celui qui avait géré l’après présidentielle, en assurant l’intérim à la tête du parti, n’approuve pas ces considérations sur les alliances et le « mécano ». « Chacun, et Olivier [Faure] le premier, essaye de bien faire. Mais ce n’est pas ça le débat aujourd’hui », s’inquiète le sénateur Rachid Temal. « C’est une erreur de commencer par les alliances électorales. Ce n’est pas répondre au message des Français. L’espoir ne passe pas par des fusions ou des coordinations de partis. Il faut y aller en profondeur, d’abord retravailler sur le fond […] sinon nous irons de déconvenues en déconvenues », alerte-t-il.

Pour l’ancien coordinateur national du PS, la réunion du conseil national, ce soir, doit « être le début de quelque chose ». Le mois de mai 2019 ressemble furieusement au mois de mai 2017 pour les socialistes.

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