Après les sénatoriales, la valse des présidents de commissions se prépare au Sénat

Après les sénatoriales, la valse des présidents de commissions se prépare au Sénat

Le règlement interne du groupe LR interdit de rester plus de 6 ans à une présidence de commission. Une règle qui touche directement plusieurs poids lourds de la Haute assemblée, à commencer par Philippe Bas, mais aussi Alain Milon et Albéric de Montgolfier. Mais certains évoquent un changement de règle voire une exception, quand d’autres ne veulent pas en entendre parler…
Public Sénat

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

A droite, c’est la lutte des places. Après les sénatoriales, c’est l’autre élection. Celle des postes à responsabilité à la Haute assemblée. Elle se joue en petit comité. Une discussion – et un vote – entre amis. Si le maintien de Gérard Larcher à la tête du Sénat ne fait aucun doute, tout comme la présidence du groupe LR à Bruno Retailleau, plusieurs postes sont ouverts. Y compris celui de Philippe Bas, le médiatique président LR de la commission des lois. Ce qui n’est pas sans poser problème. « Effectivement, il y a un vrai sujet et je ne sais pas comment ils vont en sortir. Bas aimerait y retourner. C’est un sujet hyper compliqué et hyper sensible » confie un sénateur qui connaît bien le groupe.

Comment expliquer le cas Philippe Bas ? Mis sous le feu des projecteurs par la commission d’enquête Benalla, l’ancien secrétaire général de l’Elysée est unanimement salué pour ses qualités. Le problème vient du règlement interne au groupe LR. Selon l’article 9, aliéna d, il n’est pas possible de rester à une présidence de commission plus de 6 ans. (voir l’extrait du règlement ci-dessous).

Règlement interne du groupe LR du Sénat

« Philippe Bas, c’est le meilleur »

Or Philippe Bas occupe le poste depuis 2014. Il ne peut théoriquement plus se présenter. Ce que regrettent déjà certains sénateurs. « Je considère que c’est une candidature incontestable et incontestée. Ce serait dommage qu’il ne puisse plus être président » souligne le sénateur du Nord, Marc-Philippe Daubresse, « après, il y a un règlement. Et Philippe Bas n’est pas du genre à transgresser le règlement ». Un président de commission des lois qui contourne la règle, ce serait original. Mais certains répondront qu’il y a la loi et l’esprit de la loi. Ou que le droit ne l’est pas toujours. Il a parfois des capacités de flexibilité, il peut être contorsionné.

« Si personne n’était candidat, et qu’il l’était de nouveau, je voterai pour lui sans aucun problème. C’est le meilleur » imagine Marc-Philippe Daubresse. Une piste évoquée par un autre sénateur : « Les gens pourraient estimer que Bas est un très bon président et n’ont pas envie de se présenter contre lui », ce qui assurerait sa réélection.

« On ne change pas un règlement huit jours avant une élection »

Mais ce ne serait pas si simple. Pourrait-on avoir une exception pour Philippe Bas ? « Ah non ! » répond aussi sec un sénateur LR. Cela nécessiterait en réalité une modification du règlement, « car de fait, il est inéligible. Le règlement pourrait être modifié » explique-t-on. C’est théoriquement parfaitement possible. Il faudrait une majorité du groupe pour le voter, mais… l’idée fait sérieusement grincer des dents chez les sénateurs et on ne semble pas prendre cette direction. Pas facile de changer les règles au dernier moment.

« Le faire à chaud, ça ne va pas être possible » estime ainsi un sénateur. Opinion partagée par la sénatrice LR Catherine Procaccia : « On ne change pas un règlement huit jours avant une élection » soutient la sénatrice du Val-de-Marne. Elle continue : « Je fais partie des sénateurs élus depuis pas mal de temps. C’est ma seizième année. En 2008, j’ai fait partie de ceux qui ont voulu un changement de règlement car on avait les mêmes qui étaient présidents de commission ou vice-présidents pendant 8 ou 10 ans. Ce n’est pas une fonction à vie. Et le renouvellement apporte toujours quelque chose » explique Catherine Procaccia, qui n’oublie pas que « ce règlement, on me l’a appliqué en 2014 ». Elle n’avait pas pu se présenter à la questure car elle venait d’être secrétaire du Sénat.

La jurisprudence Raffarin

Pas de jurisprudence Bas alors ? A voir. Car le sénateur de la Manche pourrait s’appuyer sur la jurisprudence Raffarin. « On avait fait une exception pour Jean-Pierre Raffarin il y a 6 ans en tant qu’ex-premier ministre. Il avait pu passer d’une vice-présidence du Sénat à la présidence de la commission des affaires étrangères » se rappelle Catherine Procaccia. Pour compliquer le tout, on évoque la tentation de Philippe Bas pour la présidence du Sénat. Pas maintenant, mais d’ici 3 ans.

Dans l’entourage de Philippe Bas, on se refuse à tout commentaire sur la question de la présidence de la commission des lois. Une chose est sûre : pour l’heure, aucun sénateur n’a fait acte de candidature auprès de ses collègues. Mais si Philippe Bas ne se présente pas, on cite comme potentiels candidats Muriel Jourda, qui était co-rapporteure de la commission d’enquête Benalla, ou François-Noël Buffet, candidat à sa réélection dans le Rhône et déjà vice-président de la commission. Pour départager les potentiels candidats, un vote interne à bulletin secret est prévu le lundi 5 octobre.

Quatre candidats, dont Philippe Dallier, pour être rapporteur du Budget

Ce qui n’arrange pas les affaires de Philippe Bas, c’est que les autres présidents de commissions acceptent le règlement. Albéric de Montgolfier, au poste de rapporteur général de la commission des finances, Alain Milon, à la commission des affaires sociales et Jean Bizet, à la tête de la commission des affaires européennes, sont tous trois concernés, étant en poste depuis 2014.

A la commission des finances, on se bouscule un peu au portillon pour le poste prestigieux de rapporteur général du budget. On compte pour l’heure quatre candidats : Philippe Dallier, jusqu’ici vice-président du Sénat, Christine Lavarde, Jean-François Husson et Jérôme Bascher.

Jean Bizet : « Le règlement s’applique à tout le monde »

Du côté des affaires sociales, « je respecterai le règlement » dit Alain Milon, qui ne cache pas avoir « des regrets. Mais j’ai voté le règlement, c’est la vie ». Il ne demandera pas sa révision. Pour le remplacer, deux candidats sont sur les rangs : René-Paul Savary, vice-président de la commission d’enquête sur le Covid et Catherine Deroche, qui en est la co-rapporteure. « Je suis candidat. Ça fait 10 ans que je suis à la commission, j’ai présidé mon département 14 ans et je suis de formation médicale. Je réunis un certain nombre de conditions » dit René-Paul Savary.

Aux affaires européennes, même topo. Jean Bizet n’y retourne pas, « pour la bonne raison que le règlement me l’interdit » dit-il, « et le règlement s’applique à tout le monde. J’y souscris avec sérieux, parce que la vie est ainsi faite et ça permet le renouvellement » dit l’autre sénateur LR de la Manche… Pour le remplacer, on parle de Jean-François Rapin et de Pascal Allizard. Regardez Jean Bizet (images de Fabien Recker) :

Jean Bizet : « Le règlement du groupe LR s’applique à tout le monde »
00:30

Une « foule » de candidats pour la questure

Les postes du bureau du Sénat, avec les vice-présidences, questeurs et secrétaires sont aussi en jeu, d’autant qu’ils sont limités à 3 ans, selon le règlement interne au groupe LR. Le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, est ainsi candidat à un poste de vice-président. Catherine Dumas pourrait aussi être tentée. « A la questure, il va y avoir foule » glisse un sénateur. On compte parmi les prétendants Catherine Procaccia, Alain Houpert, Charles Guené et Antoine Lefèvre.

Les questeurs gèrent notamment les finances du Sénat, les vice-présidents président à tour de rôle la séance et ont aussi des fonctions de représentation. Aux 7.209 euros bruts de l'indemnité parlementaire mensuelle du sénateur, s’ajoutent pour les postes à responsabilité des indemnités de fonction supplémentaires : 4.196 euros pour les questeurs, 2.061 euros pour les présidents de commission et les rapporteurs généraux, d'après les chiffres de 2017.

Le socialiste Claude Raynal pourrait remplacer Vincent Eblé pour la présidence de la commission des finances

A noter que du côté du groupe PS, Vincent Eblé devra aussi lâcher sa présidence de la commission des finances. La règle interne veut qu’on ne reste pas plus de trois ans au même poste, exception faite pour la présidence du groupe. « Je serai candidat à ma succession » nous annonce sans surprise Patrick Kanner, à la tête des sénateurs PS depuis 2017. Pour les autres postes, notamment les deux vice-présidences qui pourraient revenir au PS, les discussions sont en cours en interne. Quant à la présidence de la commission des finances, Claude Raynal est sur les rangs.

Du côté du groupe Union centriste, la règle est simple : il n’y a en a pas. Ou plus précisément, aucune limite de temps n’est prévue pour les postes. Catherine Morin Desailly, à la présidence de la commission de la culture et de l’éducation, Hervé Maurey à celle du développement durable, et le Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, pourraient à nouveau être candidats. Quant à Hervé Marseille, à la tête du groupe, il y retourne. « Je serai candidat à ma propre succession » annonce le sénateur UDI des Hauts-de-Seine. Si d’autres candidatures apparaissent pour les postes à responsabilité, c’est la semaine prochaine qu’elles se feront.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le