Assassinat de Samuel Paty : que faut-il retenir de l’audition au Sénat de Jean-Michel Blanquer et de Gérald Darmanin ?

Assassinat de Samuel Paty : que faut-il retenir de l’audition au Sénat de Jean-Michel Blanquer et de Gérald Darmanin ?

Les sénateurs auditionnaient ce jeudi à 11h30 le ministre de l’Éducation et le ministre de l’Intérieur pour faire la lumière sur l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine. Chronologie des faits, laïcité, haine en ligne, lutte contre le terrorisme : tous les temps forts de cette audition.
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Moins d’une semaine après la décapitation du professeur Samuel Paty par un jeune Russe tchétchène de 18 ans, les sénateurs ont auditionné deux membres du gouvernement pour faire la lumière sur les circonstances ayant conduit à cet assassinat terroriste. Les parlementaires de la commission des lois et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication ont entendu le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer.

 

13h25. Darmanin : « On ne pourra pas garantir qu’il n’y aura plus d’attentat dans les jours et semaines et mois qui viennent »

Malgré les actions des services de police, le ministre de l’Intérieur a souligné que d’autres attentats risquent, à nouveau, d’avoir lieu dans les temps à venir. Une mise en garde déjà faite, après les attentats de 2015.

Le risque est d’autant plus fort que la menace est toujours présente. « Les faits de menace sont nombreux. Sur les services publics, sur les élus. Tout à l’heure, à Bron, un maire a été menacé de décapitation sur un panneau de sa ville. Des faits comme ça, il y en a malheureusement beaucoup » regrette Gérald Darmanin, qui précise qu’« ils touchent aussi les Musulmans de France. Une croix gammée a été retrouvée ce matin sur la tombe d’un soldat musulman. Des imams sont menacés également par d’autres séparatistes ». Le ministre évoque « des journalistes aussi » et « tous ceux qui représentent la France ».

Si bien que le risque est là. « Je ne peux pas tout dire. Mais les services de renseignement anticipent beaucoup et ont souvent de très bons résultats. Et il y aura des attentats que nous n’arrivons pas à déjouer » prévient le ministre de l’Intérieur, qui ajoute : « On ne pourra pas garantir qu’il n’y aura plus d’attentat dans les jours et semaines et mois qui viennent. Ce serait mentir que de dire qu’une société peut tout contrôler à 100 % ».

« Nous sommes en guerre, avec un ennemi particulièrement déterminé, avec qui nous ne pouvons pas discuter, avec qui il n’est pas possible de faire de paix. C’est une guerre d’un nouveau genre, il y a aura malheureusement d’autres faits comme ceux-ci. On l’espère le moins possible. Mais ce serait mentir que de dire que ces attentats ne pourraient arriver. La question c’est quand » conclut Gérald Darmanin.

 

13h08 : Jean-Michel Blanquer : « Sur le cyberharcèlement l’enjeu est énorme, et le défi considérable »

Interpellé par les sénateurs de la commission des Lois concernant l’assassinat de Samuel Paty, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer est revenu sur la proposition d’Olivier Paccaud de créer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner. « Nous sommes dans un moment de préparation de la loi dépendamment et indépendamment du crime qui vient d’être commis », a indiqué le ministre. « Nous sommes dans une situation d’ouverture sur les propositions qui peuvent être faites, dès lors que cela correspond à un impact concret réel. J’ai le sentiment que les outils juridiques que nous avons aujourd’hui nous permettent de faire face au problème que vous évoquez, mais je suis ouvert à une démonstration inverse, ça se regarde ça se discute. La question n’est pas de surabonder juridiquement mais de voir véritablement les effets juridiques que pourrait porter une telle idée. Sur le principe je n’y suis pas opposé », a affirmé Jean-Michel Blanquer.

Questionné également sur la situation des établissements hors contrats, le ministre de l’Éducation nationale a estimé qu’il fallait « aller beaucoup plus loin dans la fermeture de ces établissements ». Il a indiqué que la loi contre le séparatisme permettrait à l’État de se doter « des outils nécessaires » dans ce domaine. De même, s’agissant de l’implication des parents dans l’éducation morale et civique des élèves, Jean-Michel Blanquer a fait part de sa volonté de « ne pas dresser de cloison étanche, mais bien de mettre en place les bons canaux au travers l’éducation morale et civique en particulier ».

Revenant dans une réponse aux sénateurs sur le phénomène de cyberharcèlement, le ministre de l’Éducation a fait part de l’évolution des relations entre l’État et les plateformes permettant la diffusion de la haine en ligne. « Sur l’échelle nationale la situation doit évoluer, certaines plateformes sont réactives mais ce n’est pas assez fort, et sur le cyber harcèlement l’enjeu est tellement énorme et le défi tellement considérable qu’il faut maintenant aller plus loin, ce n’est pas normal qu’on puisse encore de manière aussi impunie harceler les enfants et les adolescents. Nous avons fait des progrès importants au cours des deux dernières années en matière de lutte contre le harcèlement à l’école, mais en matière de cyberharcèlement la vague est très forte et il faut donc certainement des dispositifs nouveaux pour lutter contre les contenus haineux et les phénomènes de harcèlement », a-t-il estimé.

12h40. Blanquer : « Il y a des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui conduisent à des dégâts sur les esprits »

Interrogé par le sénateur LR Jacques Grosperrin sur l’importance de l’apprentissage du français, et le niveau faible parfois constaté à l’entrée en 6e, Jean-Michel Blanquer y a vu « un enjeu républicain fondamental ».

« Le sujet de la langue française et sa faible maîtrise est à l’origine de tous les mots. Je ne peux que vous donner raison. (…) Tout commence par le langage, premier vecteur de non-violence, de subtilité, d’écoute » souligne le ministre de l’Éducation nationale, sans oublier « les mathématiques, pour l’esprit logique ». Il regrette cependant le manque de « soutien » de la part des milieux politiques, médiatiques ou culturels pour des mesures allant dans le sens d’un renforcement des fondamentaux, « c’est un signe de cet affaiblissement » du français.

Le sénateur PS David Assouline, ancien professeur d’histoire-géographie, a pour sa part demandé que l’éducation civique « soit au cœur » des programmes et de la formation des professeurs, et ne soit pas une variable d’ajustement, en rognant sur le temps dédié quand il faut terminer les programmes en fin d’année.

Jean-Michel Blanquer répond que, dans son projet de loi pour l’école, « l’éducation civique et morale » a déjà bénéficié d’un temps dédié pour ne plus se retrouver « dans un grand tout » avec l’histoire-géographie. Mais « ça ne va pas assez loin » a-t-il reconnu, « il faut sûrement que dans les temps qui viennent, ce soit un véritable objet en soi ».

Le ministre entend aussi « créer des chaires laïcité, valeurs de la République » à l’université « qui auront un impact sur nos étudiants ». Concernant le supérieur justement, Jean-Michel Blanquer a tenu des propos qui risquent de faire réagir. « Il y a des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui commentent des dégâts sur les esprits. Et cela conduit à certains problèmes, que vous êtes en train de constater » estime le ministre de l’Éducation nationale. « Ne soyons pas aveugles. Il y a, à l’université, des secteurs qui ont une conception très bizarre de la République. Il s’agit, non pas seulement de définir des heures et des moyens, mais de voir ce qui se passe, pour de vrai, dans les enseignements qui sont donnés. Il faut une matrice initiale, parfaite, impeccablement réglée » soutient Jean-Michel Blanquer.

12h30. Dissolution d’associations : Gérald Darmanin veut faire évoluer la loi

Au cours de l’audition, le ministre de l'Intérieur a dévoilé de nouvelles pistes pour faciliter la dissolution d'associations qui « luttent contre les valeurs de la République ». Ces pistes de travail pourraient enrichir le futur projet de loi de lutte contre les séparatismes. Le Conseil des ministres a notamment prononcé la dissolution du collectif pro-palestinien Cheikh Yassine, accusé d’être directement impliqué dans l’assassinat de Samuel Paty.

Gérald Darmanin souhaite que des associations puissent être dissoutes en cas d’atteinte à la dignité de la personne humaine, et que les pouvoirs publics puissent lutter contre les associations exerçant des « pressions physiques ou psychologiques ». Le ministre veut également que les structures associatives puissent être tenues pour responsables des propos tenus par leurs dirigeants ou les personnes invitées. Plutôt que d’aller jusqu’à la dissolution immédiate, il propose par ailleurs d’introduire la possibilité de suspendre temporairement une association, en attendant des excuses ou le renvoi des dirigeants, par exemple.

12h05. Gérald Darmanin dénonce un « attentat d’un nouveau genre »

« C’est un attentat d’un nouveau genre », affirme Gérald Darmanin. Ce jeudi, le ministre de l’Intérieur était auditionné, avec le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, par la commission des Lois du Sénat concernant l’assassinat de Samuel Paty, à Conflans-Sainte-Honorine, le 16 octobre. Revenant sur les faits, Gérald Darmanin a estimé, devant les membres de la Haute assemblée, que « pour la première fois, ce qui relève de l’islamisme politique est en lien direct avec un attentat terroriste », quand certains affirment « qu’il ne faut combattre l’islamisme politique que sur le plan de l’idéologie », le ministre de l’Intérieur établit un lien direct entre islamisme politique et attentat terroriste. « Des officines islamistes ont ici aidé des militants islamistes à diffuser une fatwa », a soutenu le ministre de l’Intérieur. « Pour nous, l’islamisme politique fait naître une ambiance, et parfois, arme idéologiquement des terroristes. C’est ce qui s’est passé. »

Gérald Darmanin est ensuite revenu sur le déroulement des événements qui ont conduit à l’assassinat de Samuel Paty, rappelant que l’assassin présumé n’avait « aucun lien » avec l’établissement scolaire de Conflans-Sainte-Honorine, et qu’il avait pu avoir accès aux informations qui lui ont été nécessaires pour perpétrer son crime grâce aux réseaux sociaux. « C’est la vidéo, mise en ligne par deux parents d’élèves et diffusée sur les réseaux sociaux, qui ont fait naître le lien entre l’agitation islamiste et l’attentat terroriste. Ce sont les vidéos et les messages en ligne qui ont armé le terroriste », a relaté Gérald Darmanin.

Revenant sur la nécessité de « changer le rapport que nous entretenons avec les réseaux sociaux », le ministre de l’Intérieur a estimé que l’État ne disposait pas d’un arsenal juridique suffisant pour lutter contre « cette pression communautaire que subissent les services publics ». « Nous n’avons pas les moyens juridiques de faire retirer ce genre de vidéos, qui délivrent des informations personnelles, et nous n’avons pas de qualification juridique, dans notre droit, de cette pression communautaire subie par les services publics », a regretté Gérald Darmanin, soutenant que le projet de loi contre le séparatisme devrait « combler ce vide juridique ».

« Nous avons également eu une polémique née sur la plateforme Pharos, qui est une plateforme de signalement des images ou d’un certain nombre de comptes relevés comme incitation à la haine, à la violence. Il y a 175 000 signalements depuis janvier. Il y a eu des signalements à Pharos faits de manière anonyme sur le compte du terroriste, mais il n’y a pas eu sur ces comptes à ce moment-là de choses contraires à la loi. Des comptes comme cela, il y en a des milliers pour ne pas dire plus. Faut-il améliorer Pharos même si nous n’avons rien à lui reprocher ? Très certainement » a admis Gérald Darmanin, citant notamment la circulation de la photographie de l’attentat sur les réseaux sociaux dans les minutes qui ont suivi le drame.

11h40. Samuel Paty « n’a en aucun cas été désavoué » par l’Éducation nationale, selon Jean-Michel Blanquer

Jean-Michel Blanquer a précisé la chronologie des faits dans le champ de l'Éducation nationale qui ont précédé l'assassinat du 16 octobre. Le ministre a souligné que l'enseignant avait bénéficié du « soutien de l’institution » face aux désaccords exprimés par les parents d'élèves et la plainte déposée par l'un d'entre eux, après ce cours où ont été présentées des caricatures de Mahomet. « Le professeur n’est aucun cas désavoué, il y a un soutien de l’institution », a insisté le ministre, précisant qu’il avait été « accompagné » et « suivi » par la principale du collège et l’inspection d’académie. Jean-Michel Blanquer a livré la teneur de l'échange qui a opposé l'enseignant aux parents d'élèves :

« M. Paty, d’après tous les éléments qu’on a, est d’ailleurs entré en discussion avec les parents d’élèves d’une manière calme, tranquille, de part et d’autre. Et le problème a été, d’une certaine façon, résolu, par la discussion. Qui a peut-être amené M. Paty à dire qu’il en était désolé, comme ça peut se passer dans une discussion, mais ce n’est pas, en aucun cas, l’institution, qui aurait dit que M. Paty aurait eu un tort. »

D’autres acteurs se sont ensuite « greffés » sur cette « première » affaire. Comme le père d’une élève absente, qui « a cherché à faire un scandale », accompagné du prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui. Lors de la venue de ces deux personnes, la principale ignorait l’identité de ce dernier, selon le ministre.

Le soutien de l'institution s'est poursuivi notamment le mardi 13 octobre, dans le dépôt de plainte de Samuel Paty pour diffamation à l’encontre d’un parent d’élève. « Il y a eu entente complète », selon lui. « Dans cette affaire il y aurait peut-être pu avoir une attitude pas de vague, ce n’est pas le cas ». Il a également fermement démenti les accusations selon lesquelles l'Éducation nationale s'apprêtait à sanctionner le professeur. C'est « totalement faux », a-t-il martelé.

Jusqu’à cette fin d’après-midi du vendredi 16 octobre, Jean-Michel Blanquer a précisé qu’il n’y avait eu « plus rien de spécialement notable, au titre de l’Éducation nationale ». « Nous ne pouvions pas imaginer un assassinat », a-t-il ajouté.

Après ce « crime immonde », selon ses mots, Jean-Michel Blanquer estime qu’il « y aura un avant et un après » dans l’Éducation nationale et dans le pays.

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