Assurance chômage : le Sénat supprime les allocations en cas de refus répétés de CDI à l’issue d’un CDD

Assurance chômage : le Sénat supprime les allocations en cas de refus répétés de CDI à l’issue d’un CDD

En séance, le Sénat a confirmé l’une des principales modifications introduites en commission des affaires sociales sur le projet de loi de mesures d’urgence pour le plein-emploi. Il a durci les conditions d’accès à l’allocation de retour à l’emploi en cas de refus répété d’un « emploi stable ».
Guillaume Jacquot

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Le débat a été tendu entre la droite et la gauche de l’hémicycle du Sénat ce 25 octobre sur les conditions de l’accès à l’assurance chômage, lors de l’examen du projet de loi de « mesures d’urgence » pour le plein-emploi. La chambre haute, dominée par une majorité de droite et du centre, a voté en faveur d’un article ajouté la semaine dernière lors du travail en commission des affaires sociales.

Celui-ci restreint les droits au chômage en cas de refus répété d’un emploi stable. Un demandeur d’emploi qui aurait refusé, au cours des douze derniers mois, trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, pour un même emploi à rémunération équivalente, ne pourra pas avoir droit au versement de l’allocation d’assurance chômage. Le cas des personnes employées en CDI au cours de la même période ne serait toutefois pas concerné.

Un amendement, fermant l’assurance chômage dès le premier refus de CDI, rejeté in extremis

L’hémicycle a failli durcir cet article en adoptant un amendement des sénateurs LR, porté par Laurent Duplomb et Bruno Retailleau, privant un salarié de l’allocation dès le premier refus d’un CDI à l’issue d’un CDD dans des conditions similaires. « Le sens de l’histoire, quand on fait un CDD, et que quand derrière est proposé un CDI, c’est plutôt un avantage qu’un inconvénient », s’est exclamé Laurent Duplomb. La sénatrice Jocelyne Guidez, de l’Union centriste, a déclaré que son groupe ne soutiendrait pas cette mesure. Elle a été rejetée sur le fil : elle a reçu autant de voix pour, que de voix contre, selon le décompte annoncé par le président de séance Alain Richard (Renaissance). Une égalité ne permet pas l’adoption.

La gauche a bataillé contre l’article fermant le bénéfice de l’assurance chômage après trois refus de CDI en un an. « Cet article ne fait prolonger la politique du soupçon permanent envers les demandeurs d’emploi allergiques au travail, addicts aux prestations », a ironisé Raymonde Poncet Monge. « J’aimerais savoir sur quelles statistiques vous vous basez », a ajouté la socialiste Monique Lubin, inquiète que l’article ne pénalise les gens refusant de s’engager de manière indéfinie dans des emplois qui ne leur conviendraient pas. Pour la communiste Laurence Cohen, cet article constitue un « dispositif particulièrement régressif de la majorité sénatoriale ».

La rapporteure (LR) Frédérique Puissat a surtout justifié cette disposition par le Code du travail, selon lequel le bénéfice de l’assurance chômage est ouvert aux travailleurs dont la « privation d’emploi est involontaire ». « On ne peut pas faire des choix de vie qui sont payés par les systèmes assurantiels », a-t-elle argumenté.

Craintes de « l’usine à gaz » au gouvernement et chez les marcheurs

Le gouvernement s’est opposé à la mesure défendue par la majorité sénatoriale. « Il n’y a pas de raison de sanctionner » ce type de salarié « s’il refuse de continuer ou de prolonger, dès qu’il a lui-même tenu l’intégralité des engagements pris initialement », a objecté Olivier Dussopt. Le ministre du Travail a exposé en outre des difficultés pratiques, évoquant une « procédure extrêmement lourde pour les entreprises et pour Pôle Emploi, en termes de déclarations ». « On est en train de mettre en place une usine à gaz pour les employeurs », a renchéri le sénateur Martin Lévrier (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, groupe de la majorité sénatoriale).

L’argument n’a pas fait vaciller la majorité sénatoriale. « À un moment donné, quand on a des ambitions, de la volonté, le côté un peu opérationnel, c’est du détail. À nous de le résoudre », a répliqué la rapporteure Frédérique Puissat. Selon le texte du Sénat, l’employeur doit notifier la proposition de CDI par écrit au salarié et la transmettre à Pôle emploi. D’après le rapport sénatorial, « cette transmission pourrait être réalisée de manière dématérialisée via l’attestation de fin de contrat de manière à ne pas créer de charge administrative trop lourde pour les entreprises ».

Les intérimaires qui refuseraient un CDI sur leur poste privés d’allocation-chômage

L’hémicycle a adopté un amendement d’Emmanuel Capus (Les Indépendants) pour « sécuriser le dispositif », valable uniquement en cas de proposition d’un CDI à rémunération équivalente. L’amendement précise que cette notion doit s’entendre à durée de travail équivalente. En estimant qu’une telle proposition avait du sens, le gouvernement n’exclut pas le scénario dans lequel la privation d’indemnisation pour refus de CDI survivrait aux débats à l’Assemblée nationale. « Si dans le cas de la navette parlementaire, ces dispositions devaient être maintenues, la précision apportée par Emmanuel Capus peut être utile », a reconnu Olivier Dussopt.

Après cet article, le Sénat a ensuite adopté un autre amendement du groupe LR. Il exclut du bénéfice de l’allocation-chômage, les intérimaires qui n’accepteraient pas un CDI qu’une entreprise leur proposerait sur le poste qu’ils occupent.

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