Au Sénat, Bruno Le Maire insiste sur la nécessité de rétablir les finances publiques d’ici 2027

Au Sénat, Bruno Le Maire insiste sur la nécessité de rétablir les finances publiques d’ici 2027

Auditionné devant la commission des finances ce 1er février, le ministre de l’Economie a vanté le bilan fiscal et budgétaire du quinquennat, tout en se projetant au-delà de 2022. Selon lui, la réforme des retraites « doit être une priorité absolue pour le rétablissement de nos finances publiques ».
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C’était sans doute la dernière audition du quinquennat pour Bruno Le Maire devant la commission des finances du Sénat. Le ministre de l’Economie et des Finances était attendu ce 1er février pour présenter les résultats de l’exercice 2021 du budget, mais il a profité de l’occasion pour exposer sa vision de la politique économique et budgétaire pour les prochaines années. A 68 jours de l’élection présidentielle, des questions parfois incisives ont animé la séance.

Deux ans après le début de la pandémie, Bruno Le Maire ne boude pas son plaisir de vanter les bons chiffres de la reprise économique. Révisée à 7 % pour 2021, la croissance française surpasse nettement les précédentes estimations. En novembre, Bercy tablait encore sur 6,25 %, et même seulement 5 % en juin. Après la mise sous cloche de l’économie française lors des confinements de 2020 qui a fait plonger le PIB de 8 %, le ministre refuse d’y voir un simple rattrapage. « Le rebond n’a rien de mécanique », assure-t-il. Selon lui, sans les mesures d’accompagnement massives de chômage partiel et du fonds de solidarité, ni le plan de relance mis sur les rails dès l’automne 2020, la croissance ne serait pas repartie aussi fort. « C’est le meilleur résultat des grands pays de la zone euro », insiste-t-il.

L’aide aux ménages face à la flambée des prix de l’énergie sera poursuivie « autant que ce sera nécessaire »

La croissance à 7 % se ressent dans les comptes publics. Le déficit, que l’on attendait à 205 milliards d’euros, reflue finalement à 171 milliards d’euros. En pourcentage du PIB, il passe donc de 8,2 à 7. L’Etat a eu moins recours aux aides d’urgence et a enregistré des recettes fiscales plus importantes, pour un montant de 20 milliards d’euros. « Nous avons été extrêmement clairs, il n’y a pas de cagnotte. L’intégralité de ces 20 milliards sera consacrée à la réduction du déficit public et de la dette », martèle le ministre.

Bruno Le Maire se montre cependant préoccupé par l’inflation, notamment sur les prix de l’énergie. Et les tensions géopolitiques « ne laissent pas envisager une baisse dans les mois qui viennent », redoute-t-il. Assumant les interventions pour soulager la facture d’énergie des ménages, il indique que le gouvernement est prêt à prolonger ces mesures, pour contenir ces prix, « tant que ce sera nécessaire ».

Promesse d’honorer un déficit à 3 % en… 2027

Très vite, le ministre s’est détourné des sujets budgétaires de 2021 et 2022 pour se projeter au-delà. Comme « grandes orientations nécessaires pour consolider la situation économique », il préconise d’aller « plus loin dans la baisse des impôts de production », pour favoriser la réindustrialisation du pays. Il se donne pour objectif, ambitieux, de rétablir la balance commerciale « d’ici dix ans ». Et surtout, de rétablir les finances publiques, à travers la croissance et des réformes. « Il faut des réformes de structure. Nous avons commencé par la réforme de l’assurance chômage. Il me semble indispensable de poursuivre avec la réforme des retraites, qui doit être une priorité absolue pour le rétablissement de nos finances publiques. » Enjambant l’échéance électorale de 2022, il assure que l’objectif d’un déficit sous la barre des 3 % du PIB, engagement européen, « sera tenu ».

La réforme des retraites serait presque un refrain dans la bouche du ministre. Le sénateur centriste Jean-Marie Mizzon s’étonne. « A chaque fois, il s’arrête sur le même exemple : celui de la réforme des retraites. A quelles autres réformes pense-t-il ? Je ne donnerai pas cher d’un gouvernement qui envisagerait la réforme des retraites avec pour seul objectif de faire des économies. » Bruno Le Maire conteste toute logique uniquement économique, sans pour autant citer d’autres pistes de réformes. « Il s’agit aussi de simplifier, d’avoir un système plus juste, pour ceux qui ont démarré tôt dans la vie active. »

« Je suis parfois étonné » : Bruno Le Maire règle ses comptes avec la droite, qui accuse l’exécutif de « cramer la caisse »

Jean-François Husson (LR), rapporteur général de la commission des finances, apprécie peu que le gouvernement s’attribue la performance de la croissance, dont il relativise l’ampleur. « On se réjouit d’avoir une croissance qui est repartie à un bon niveau. Je ne vais pas rentrer dans la polémique, je pense qu’elle n’efface pas tout. Mais je veux rappeler aussi que c’est un choix collectif, qui est allé au-delà du seul exécutif », rappelle le sénateur de Meurthe-et-Moselle. Réponse assez sèche du ministre en direction de la droite, qui dénonce depuis l’automne le dérapage budgétaire. « Je suis parfois un peu étonné que les mêmes qui ont voté les crédits de relance ou de soutien, sur les prêts garantis par l’Etat, le Fonds de solidarité, l’activité partielle, qui — très souvent d’ailleurs, pour ne pas dire tous — ont demandé un réabondement de ces crédits, en disant ça n’est pas suffisant, il faut faire plus, viennent ensuite nous reprocher d’avoir cramé la caisse. Il y a une petite contradiction dans les termes. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui reviennent encore dans mon bureau réclamer pour leur circonscription ou un certain nombre d’entreprises, des aides supplémentaires. » Ambiance.

D’autres ajoutent leurs voix circonspectes. « Je n’ai pas entendu grand-chose sur la diminution de la dépense », relève la sénatrice LR Christine Lavarde. « Les dépenses de base ont augmenté au cours du quinquennat. Comment atteindre l’objectif des 3 % ? » Bruno Le Maire assure que le mouvement est « exigeant mais possible ». « Il faut dégager cinq à six milliards d’euros par an, c’est + 0,7 % en volume par an, c’est ce qu’on a fait entre 2017 et 2019. »

Puisqu’il est question du pacte de stabilité européen, le ministre est justement questionné sur l’avenir des traités européens, en matière de règles budgétaires. « La priorité doit aller à l’investissement », défend Bruno Le Maire, alors que s’ouvre le deuxième mois de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Le discours de plusieurs pays s’avère « encourageant » sur ce sujet. « Mesurez bien la révolution mentale qui s’est opérée. » Il goûte aussi aux positions de l’Italien Paolo Gentiloni, le commissaire européen aux affaires économiques, selon lequel il peut y avoir des trajectoires différentes en fonction des Etats. La proposition est jugée « pertinente ».

A gauche, on n’épargne pas le ministre non plus. « C’est toujours difficile à entendre que l’on dise que l’on a fait 50 milliards de baisses d’impôts. Cette baisse d’impôt cumulée ne se trouve pas dans la dette ? Baisser les impôts et payer cette baisse avec de la dette, ça me paraît discutable », épingle le président de la commission, le socialiste Claude Raynal. Chez les communistes, Pascal Savoldelli, peu satisfait du geste fiscal fait en direction des entreprises, dénonce un « bilan erroné, enjolivé » du gouvernement. Bruno Le Maire se défend une nouvelle fois. « Les résultats sont là, je considère que la stratégie que nous avons choisie est la bonne pour le pays […] En baissant les impôts, vous créez la croissance dont nous avons besoin pour le désendettement. »

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