Barbara Pompili défend : un « budget de combat », jugé insuffisant par les sénateurs

Barbara Pompili défend : un « budget de combat », jugé insuffisant par les sénateurs

Auditionnée par la Commission de l’Aménagement du Territoire et du Développement durable dans le cadre du projet de loi de finances de 2021, la ministre de la Transition écologique, qui annonçait pourtant « un budget qui donne les moyens », s’est vu reprocher des moyens financiers inadaptés par les sénateurs.
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Par Elise Le Berre

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Face à la Commission de l’Aménagement du Territoire et du Développement durable, Barbara Pompili a défendu « un budget bâti pour élever la France et faire entrer le pays dans un nouveau siècle », mais surtout un budget « profondément écologique », qui doit permettre d’atteindre la neutralité carbone, de protéger la biodiversité, préparer les territoires aux changements climatiques et les rendre résilients. Vaste programme, face auquel les sénateurs se sont montrés plutôt sceptiques au vu du budget alloué.

Des objectifs ambitieux, mais des moyens financiers inadaptés

Manque de ressources, moyens humains insuffisants : la ministre de la Transition écologique a dû faire face aux contradictions que présente ce budget, au regard des ambitions qu’il porte. Pour les sénateurs, ce projet de loi de finances n’avance aucun moyen. Ils ont fustigé, à cet égard, la nouvelle stratégie des aires protégées, et pointé le manque de moyens de cette dernière, tout comme le flou entourant son financement.

À titre d’exemple, la perte des équivalents temps plein, qui s’élèvent à dix pour Natura 2000, et à quarante pour les agences de l’eau, qui voient également leurs moyens diminuer et éprouvent une « vraie difficulté à financer les plans d’action », a été citée. Accusant une baisse constante des moyens humains depuis 2018, les sénateurs sont catégoriques : « Pas de politique de l’écologie sans service public de l’environnement ».

Barbara Pompili a avancé la nécessité d’identifier les priorités sur lesquelles maximiser l’effort : certes, les effectifs sont en baisse, mais les opérateurs ont de nouvelles missions (à l’instar de la création du parc national des forêts) qui demandent une réorganisation. Consciente d’apporter une réponse insatisfaisante, la ministre a mis en avant le défi représenté par cette recentralisation des tâches. L’augmentation du budget, porté à 13 millions d’euros pour les aires protégées et les parcs nationaux, a été soulignée, tout comme l’arrivée de renforts ponctuels.

Enfin, même le Haut Conseil pour le climat, saisi par le Président du Sénat Gérard Larcher qui l’interrogeait sur l’impact environnemental de la 5G, semble manquer de moyens, et a affirmé ne pas pouvoir répondre favorablement à la demande de la Chambre haute. Dès lors, comment l’instance peut-elle jouer son rôle, si on ne lui en accorde pas les moyens ? La ministre a reconnu un « magnifique outil », dont les moyens ne lui permettent tout simplement pas d’accéder à toutes les demandes, ni de produire tous les rapports.

La nécessaire réforme du régime des catastrophes naturelles

 

Opacité du fonds Barnier, difficulté d’indemnisation des sinistrés, maisons construites sur des sols argileux… les questions des sénateurs ont très souvent porté sur la nécessité de réformer le régime des catastrophes naturelles, alors que le Sénat a adopté à l’unanimité, le 15 janvier, la proposition de loi qui va en ce sens.

Là encore, la question des moyens financiers s’est rapidement posée, tout particulièrement pour les sénateurs des Alpes-Maritimes qui ont fait face aux conséquences de la tempête Alex. Certes, un soutien massif a été annoncé par le gouvernement pour reconstruire les vallées sinistrées, mais les sénateurs se sont interrogés : la fréquence de ce type d’événement étant amenée à augmenter avec le réchauffement climatique, la réforme du régime des catastrophes naturelles doit bâtir une politique sur le long terme, en particulier sur les inondations.

Plus d’un mois après le passage de la tempête, la situation demeure critique et l’accès à l’eau potable, aux carburants ou encore à la téléphonie ne sont toujours pas entièrement rétablis. Certaines collectivités ne disposent pas de moyens importants, a fortiori dans le contexte de crise actuelle que vit le pays. Quels moyens humains et matériels l’État va-t-il maintenir ? « Ce n’est pas d’un million mais d’un milliard dont les Alpes-Maritimes ont besoin », argue le sénateur du département.

À ces interrogations, la ministre a tenu à rassurer les sénateurs, en rappelant que l’État s’était engagé aux côtés des territoires, notamment avec le fonds Barnier, et que l’état de catastrophe naturelle impliquait les assureurs. Elle a aussi affirmé que l’urbanisme devait dorénavant prendre en compte les effets du réchauffement climatique : à cet effet, la technique du « building back better », testée justement dans les Alpes maritimes, et qui doit œuvrer à une reconstruction prenant en compte des mesures de prévention afin d’éviter de subir les mêmes dégâts, a également été mise en avant. Mais cette reconstruction « résiliente » a suscité des inquiétudes des sénateurs concernant les frais que cela pouvait impliquer, particulièrement concernant les spécificités propres aux territoires, comme la montagne.

Le cas houleux des contrats photovoltaïques

Mais c’est principalement la question de la renégociation des contrats photovoltaïques qui a retenu toute l’attention des sénateurs, lesquels sont revenus sur le sujet à maintes reprises. L’effet de la mesure pour les agriculteurs, qui continuent de rembourser les prêts auprès des banques, a été mis en avant par les représentants de la Chambre haute,, qui dénoncent « un coup de poignard pour tous ceux qui ont investi sur la parole de l’État » et un « mauvais coup porté à la confiance » envers le pays. La ministre a eu beau réaffirmer qu’il ne s’agissait pas d’une remise en cause des contrats, que seule une très petite partie des contrats était concernée, à savoir les plus importants - ce qui écarte donc la quasi-totalité du monde agricole -, et ceux qui sont sur rentables, les sénateurs sont revenus sur le sujet tout au long de l’audition.

photovoltaïques : "concernant les agriculteurs, ce sera du cas par cas" assure Barbara Pompili
01:37

Aux craintes des sénateurs qui s’inquiétaient du sort des exploitations agricoles, Barbara Pompili a insisté sur le fait que des discussions avec la filière avaient abouti à des mesures de sauvegarde, et qu’en cas de menace de l’équilibre économique du contrat, des examens au cas par cas auraient lieu.

Mais la ministre s’est opposée à toute possibilité de dérogation accordée aux seuls agriculteurs, pour la simple et bonne raison que cela poserait la question de l’égalité devant la loi.

Et pour appuyer une dernière fois ses arguments, elle a rappelé que 2 milliards d’euros par an payés par le contribuable constituaient bien un motif d’intérêt général, soutenu par l’avis favorable du Conseil d’État, lequel a par ailleurs rappelé que les rémunérations étaient excessives et pouvaient donc être révisées. Enfin, ces contrats, qui n’ont pas été validés par la Commission européenne au titre des aides d’État, sont illégaux.

Soulager l’asphyxie des métropoles

Enfin, les sénateurs ont pointé du doigt la condamnation de la France, en octobre dernier, par la Cour de justice de l’Union européenne, qui lui reproche d’avoir dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote. Est-ce que, conformément à ce qu’avait ordonné le Conseil d’État, des mesures visant à réduire la pollution de l’air ont-elles été prises ?

Barbara Pompili: "Sur la pollution de l'air, vous l'avez dit, nous avons été condamnés"
01:31

À cette question, la ministre de la Transition écologique a dû botter en touche : malgré la création de ZFE (Zone à Faibles Émissions métropolitaines), il semble difficile de parvenir à baisser les émissions et de répondre aux normes. Malgré tout, Barbara Pompili a voulu mettre en avant les moyens donnés par le budget afin de mieux contrôler la qualité de l’air, ainsi que la volonté des territoires à s’engager encore au-delà des demandes de l’État.

Enfin, les sénateurs ont rappelé que la Convention citoyenne sur le climat prévoyait des pistes pour réduire le nombre de poids lourds, dont la réduction de la taxation sur le transport maritime de marchandises afin de rendre ce dernier plus attractif. La ministre a confirmé le soutien, dans le plan de relance, des infrastructures ferroviaires et fluviales.

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