Benalla : face aux attaques de l’exécutif, le Sénat resserre les rangs

Benalla : face aux attaques de l’exécutif, le Sénat resserre les rangs

Suite à la décision du Sénat sur l’affaire Benalla, le président LREM de l’Assemblée, Richard Ferrand, a décidé de faire un déplacement sans Gérard Larcher. La majorité sénatoriale fait corps. Bruno Retailleau dénonce une attaque du « niveau d’une cour de récréation ». Hervé Marseille appelle à « se mettre à la hauteur du débat ».
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Après les vives tensions la semaine dernière entre l’exécutif et le Sénat, on pensait voir arriver une désescalade. Mais Richard Ferrand a remis une pièce dans la machine. Le président LREM de l’Assemblée nationale a annoncé ce mercredi matin sur Europe 1 vouloir se rendre seul à une conférence prévue vendredi avec Gérard Larcher, à Créteil, dans le Val-de-Marne. De nouveau la conséquence de la décision du bureau du Sénat de transmettre au parquet les cas de trois proches d’Emmanuel Macron, suite à la commission d’enquête sur l’affaire Benalla. Vendredi dernier, Richard Ferrand avait déjà boycotté un déplacement prévu à Lille avec son homologue du Sénat. Le même jour, Emmanuel Macron pointait « une démarche politique ».

« Il faut bien marquer le coup lorsqu'on a le sentiment profond qu'une procédure démocratique est utilisée à des fins politiciennes. On ne peut pas faire semblant d'être dans une coopération joyeuse lorsqu'il y a un coup de canif dans la confiance qui est mis. Mais il ne faut pas parler de guerre », a expliqué le président de l'Assemblée. Une décision qui semble avoir déjà été prise la semaine dernière. « Je lui ai téléphoné (à Gérard Larcher) et je lui ai dit écoutez président voilà, vous irez à Lille tout seul et moi j'irai à Créteil tout seul », raconte le député.

« Niveau d’une cour de récréation »

Face à cette nouvelle sortie de Richard Ferrand, la majorité sénatoriale fait corps. Interrogé par publicsenat.fr ce mercredi, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, invité de l’Association des journalistes parlementaires, a dénoncé des propos « du niveau d’une cour de récréation »… Il pointe un « dérèglement institutionnel » qui « fait qu’on a un alignement total entre l’exécutif et l’Assemblée nationale » (voir la vidéo). Attaque similaire ce matin de Christian Jacob, patron des députés LR, qui a regretté sur Public Sénat une « dérive institutionnelle ».

Sur Twitter, le vice-président LR du Sénat, Philippe Dallier, a laconiquement remis à sa place le président de l’Assemblée d’un « quelle bêtise… »

« Nananananère » raille un autre sénateur de la majorité sénatoriale, qui s’étonne :

« Ce n’est pas au niveau, c’est puéril. Il faut que ça s’arrête. Normalement, ça dure deux jours et on passe à autre chose ».

Hervé Marseille, président du groupe Union centriste du Sénat, regrette aussi l’attitude du député du Finistère. Ses mots sont certes plus mesurés, mais on comprend que cette gue-guerre n’est pas de son goût. « Je laisse à Richard Ferrand le soin et la responsabilité de ses décisions. Maintenant il faut se mettre à la hauteur et au niveau du débat. Il y a des préoccupations fortes sur le pouvoir d’achat, la fracture territoriale, la santé. C’est ce que les Français attendent de nous. Pas de savoir si le président du Sénat et de l’Assemblée vont aller ensemble à des manifestations » réagit auprès de publicsenat.fr Hervé Marseille. Il ajoute : « Je pense que le président de l’Assemblée nationale serait bien inspiré de veiller à ce que le travail partenarial avec le Sénat permette d’apporter des solutions ».

Retailleau : « Aucun problème pour que le pacte majoritaire au Sénat puisse vivre »

Hervé Marseille avait de son côté milité de tout son poids contre la transmission au parquet des proches d’Emmanuel Macron, quand Bruno Retailleau poussait en sens inverse. De quoi faire des étincelles et mettre à mal la majorité sénatoriale, composée des LR et des centristes ? La question peut légitimement se poser. Mais les intéressés assurent faire la part des choses aujourd’hui. Et les attaques répétées de l’exécutif et de la majorité présidentielle semblent au contraire ressouder les sénateurs, s’il y en avait besoin.

« Je n’ai aucun doute » assure ce mercredi Bruno Retailleau, après avoir eu des contacts avec Hervé Marseille. Le sénateur a aussi eu « une réunion avec Gérard Larcher hier ». Résultat, le président du groupe LR ne voit « aucun problème pour se retrouver, pour discuter et pour que notre pacte majoritaire puisse vivre. (…) Il n’y a aucun souci. Et je ne l’ai jamais pensé. On a toujours discuté amicalement pendant cette crise-là ». Il fallait bien réaffirmer ce pacte après l’épisode du bureau.

Chacun joue son rôle

Le sénateur de Vendée balaye aussi l’idée, relayée par certains, d’un président de la Haute assemblée mis au pied du mur. « Philippe Bas a pris en otage le bureau et le président du Sénat », avec le soutien de Bruno Retailleau, affirmait pourtant un sénateur de la majorité, la semaine dernière. « Il n’y aurait pas eu d’écrasante majorité au bureau (voir notre article sur le détail des votes, ndlr), s’il y avait eu un coup politique » assure aujourd’hui Bruno Retailleau.

Quant à ses relations avec Gérard Larcher, il écarte d’éventuelles dissensions suite à l’épisode du bureau. « Il y des liens qui ne sont pas seulement politiques entre nous. Ça permet de tout se dire » dit-il. Bruno Retailleau ajoute : « Gérard Larcher est président d’une institution. Le Sénat ne peut être la chambre du refus, d’une opposition pavlovienne. Et moi, je suis président du groupe. Et Philippe Bas, président de commission des lois, voulait dire le droit. Il y a trois fonctions différentes. Trois personnes qui n’ont pas le même tempérament ». Autrement dit, chacun joue son rôle et sa partition. On pense à la phrase de Laurent Fabius. L’ancien premier ministre avait dit, au sujet de ses relations avec François Mitterrand, « lui c’est lui. Et moi c’est moi ».

« Il ne faut pas surinterpréter tout ça »

La majorité sénatoriale va aujourd’hui de l’avant. Si la tension subsiste encore entre le Sénat et l’exécutif, tous s’accordent à dire qu’elle devrait redescendre. Vendredi dernier, le ton était d’ailleurs à un certain apaisement du côté de Gérard Larcher. « On se retrouvera » avec Richard Ferrand, avait-il assuré à Public Sénat dans le TGV qui l’amenait dans la capitale des Hauts de France.

Même son de cloche du côté du ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau. « On passe à autre chose. On est un peu grand » a-t-il lâché mardi à publicsenat.fr, en marge des questions d’actualité. Le jour de la décision du bureau, ce membre du Modem était d’ailleurs moins offensif et rappelait son attachement au « bicamérisme ».

« Il ne faut pas surinterpréter tout ça. Il faut qu’on arrive à dépasser tout ça et revenir à l’essentiel » conseille Hervé Marseille. Les bonnes relations qui existent à la base entre Gérard Larcher et Richard Ferrand devraient faciliter les choses. « Les deux s’apprécient et s’entendent bien. Ils parlent la même langue. Il y a un échange assez fluide. Les deux sont du terroir » assure un sénateur centriste. « Revenons au calme » ajoute de son côté Bruno Retailleau, « je pense que dans quelques jours, ce sera un mauvais souvenir ». Au moment où les discussions vont reprendre sur la réforme constitutionnelle, l’avenir dira s’il laisse des traces.

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