Bioéthique : le Sénat donne son feu vert à la PMA pour toutes en commission

Bioéthique : le Sénat donne son feu vert à la PMA pour toutes en commission

Le Sénat, à majorité de droite, commence l’examen en commission du texte sur la bioéthique. Les amendements de suppression de la PMA pour toutes, dont celui de Bruno Retailleau, ont été rejetés. Un vote qui devra encore être confirmé en séance.
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En plein débat sur la réforme des retraites, le Sénat se saisit d’un autre texte important pour le gouvernement : le projet de loi bioéthique. Déjà adopté par les députés, les sénateurs ont commencé ce mardi après-midi en commission l’examen de ce texte qui porte la mesure symbolique de la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes. En d’autres temps, pas si lointains, ce type de sujet sociétal aurait pu créer de grands débats enflammés. On se souvient du Pacs et du mariage pour tous. C’est aujourd’hui dans un climat beaucoup plus serein que le Sénat, à majorité de droite, se penche sur la question. Signe de cet apaisement : seulement 267 amendements ont été déposés.

Groupe LR divisé sur la PMA pour toutes

La majorité sénatoriale LR-UDI n’en est pas moins divisée sur le sujet phare de la PMA pour les couples de lesbiennes et les femmes seules. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, s’était dit « assez ouvert » à la PMA, quand Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR, est farouchement contre. Il craint que la PMA amène à terme à la légalisation de la GPA (gestation pour autrui), que n’autorise pas le texte.

Bruno Retailleau a déposé, avec la sénatrice LR Muriel Jourda, co-rapporteure sur le texte, un amendement de suppression de l’article 1 sur la PMA, tout comme le sénateur LREM Michel Amiel. Ils ont tous été rejetés ce mardi, par 18 voix contre et 14 voix pour, selon plusieurs membres de la commission.

Un amendement de repli de Muriel Jourda a été adopté. Il autorise la PMA pour toutes avec cette modification : « Contrairement au projet de loi qui supprime la référence à tout critère médical, il ne change pas, toutefois, le droit existant pour les couples ayant aujourd'hui accès à l'assistance médicale à la procréation, en maintenant le critère d'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou la non-transmission d'une maladie d'une particulière gravité » précise l’amendement.

Bruno Retailleau veut aussi consolider l’interdiction en France de la GPA, en limitant la transcription à l'état civil des actes de naissance établis à l'étranger. Il s'oppose également à la possibilité d'une autoconservation de gamètes pour les femmes sans raison médicale.

Trois rapporteurs du texte sur quatre pour la PMA

Ce vote en commission devra encore être confirmé en séance. Et la liberté de vote prévaudra dans l’hémicycle, qui sera partagé. Le président de la commission des affaires sociales et de la commission spéciale créée pour le texte, le sénateur LR Alain Milon, est lui un défenseur de longue date de la PMA. Il est même pour la GPA. « Je suis serein. Je pense que mes idées vont gagner. On verra » confie à publicsenat.fr le sénateur LR du Vaucluse au sujet de la PMA, sans préjuger de l’issue des débats.

Reste que le groupe LR semble en majorité opposé à la PMA, avec une majorité contre (voir notre article). En mai 2018, une tribune contre la PMA, écrite par le président LR de la commission des lois, Philippe Bas, donnait une idée du rapport de force. Cosignée par 119 sénateurs, on y comptait 108 LR sur les 144 du groupe. Mais les choses ont depuis pu évoluer sur ce texte pour lequel trois des quatre rapporteurs sont favorables à la PMA : Corinne Imbert (rattachée LR et membre du Comité consultatif national d’éthique), Olivier Henno (UDI, groupe Union centriste) et Bernard Jomier (apparenté PS).

« On ne peut pas être à côté de ces aspirations sociétales, au risque d’apparaître un peu passéiste »

« Je pense que ça peut passer car je vois beaucoup de mes collègues centristes, mais aussi LR, qui évoluent sur le sujet. Je pense qu’il peut y avoir une majorité, peut-être courte, en faveur du texte » selon Olivier Henno, sénateur du Nord. Le rapporteur explique avoir lui-même « beaucoup évolué » sur le sujet. « Je suis plutôt dans le rang des convertis, plutôt Saint-Paul que Saint-Pierre, car je pense que la question fondamentale, le plus important, c’est qu’un enfant soit aimé et désiré ». Olivier Henno ajoute :

Je ne peux pas dire que ça ne bouleverse pas mes schémas initiaux, mes convictions chrétiennes et démocrates-chrétiennes. Mais il faut aussi évoluer avec son temps (Olivier Henno, corapporteur)

Selon le centriste, qui « respecte » les autres points de vue, « il y a quand même une aspiration de la société à intégrer ces évolutions. On ne peut pas être à côté de ces aspirations sociétales, au risque d’apparaître un peu passéiste ».

D’autres amendements proposent d’aller plus loin. La sénatrice PCF Laurence Cohen souhaite ainsi ouvrir la PMA pour toutes les personnes, « qu’elles soient inscrites ou non comme femmes à l’état civil ». La communiste défend aussi la PMA post-mortem, en cas de décès de l’un des membres du couple, mesure rejetée à l’Assemblée.

Cellules souches : « Ce qui relevait de la science-fiction il y a 7 ans est parfois possible aujourd’hui »

Si les projecteurs se fixent sur la PMA, le projet de loi porte aussi sur la réforme de la filiation et de l'accès aux origines. Il aborde d’autres sujets complexes comme l'autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Sur ces sujets, le rapporteur Olivier Henno défend « l’encadrement par l’éthique à la française, à la différence des Anglo-Saxons, plus individualisée. Nous, on encadre la recherche, on améliore la vie sans la bouleverser, mais sur un socle de valeurs humaines ».

Olivier Henno illustre concrètement les perspectives qu’ouvrent par exemple les cellules souches. « Dans 5 ou 10 ans, on va vivre la fin de ce qu’on appelle l’orthopédie froide. Aujourd’hui, quand votre genou ou votre hanche sont usés, vous mettez une prothèse. Ça sera fini. On va vous injecter vos propres cellules souches qui seront programmées pour régénérer votre organe. C’est bouleversant » lâche le sénateur du Nord, « marqué par l’audition de la directrice de l’agence de biomédecine. Elle a dit que ce qui relevait de la science-fiction il y a 7 ans, est parfois possible aujourd’hui ».

Médecine et big data

Le sénateur UDI du Nord a déposé plusieurs amendements, notamment sur la question de la médecine et du big data, pour « consacrer le principe selon lequel aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique », selon le texte de l’amendement. Olivier Henno entend aussi « permettre, à titre expérimental, que les médecins puissent prescrire un test génétique, même sans antécédent familial, sur quatre maladies : la mucoviscidose, l’amyotrophie spinale infantile, la drépanocytose et la bêta-thalassémie » détaille le sénateur. Amendement aussi pour autoriser les tests génétiques sur ces mêmes maladies sur des prélèvements réalisés, en cas de décès ultérieurs de la personne.

Olivier Henno propose aussi « d’autoriser les tests génétiques à objectif généalogique pour savoir qui sont vos parents, vos grands-parents, pour remonter sur plusieurs générations et voir si vos origines sont plutôt latines ou d’Europe du nord par exemple. On peut remonter jusqu’à 7-8 générations. Ça se fait déjà beaucoup. C’est la passion de la généalogie. Ces tests sont interdits en France mais quasi nulle part ailleurs dans le monde » plaide le centriste.

Abaissement du don de sang à 17 ans

Bernard Jomier a lui déposé des amendements sur le statut de donneur d’organe et l’extension du don croisé d’organes, l’abaissement du don de sang à 17 ans ou encore la définition d’un référentiel consensuel pour les enfants intersexes. L’examen du texte en commission devrait se terminer ce mercredi. Le texte arrivera en séance à partir du 21 janvier pour deux semaines.

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