Bruno Le Maire veut éviter la formation des « entreprises zombies »

Bruno Le Maire veut éviter la formation des « entreprises zombies »

Auditionné au Sénat, le ministre de l’Economie a été interrogé sur l’évolution des mécanismes d’urgence pour les entreprises en difficulté, et sur le risque de défaillances à venir, une fois l’arrêt du soutien de la puissance publique.
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L’audition de Bruno Le Maire ne devait pas seulement éclairer les sénateurs sur les actions conjoncturelles du gouvernement, mais aussi sur sa stratégie de long terme, plus structurelle. Mais ce sont bien les interrogations des sénateurs sur les mesures d’urgence et de soutien qui ont mobilisé l’essentiel des échanges avec le ministre de l’Economie, en début de soirée, ce 2 février.

Dans un environnement totalement incertain pour de nombreuses entreprises, avec le maintien à un haut niveau de la circulation du coronavirus, les perspectives de rebond de l’économie s’éloignent, et le soutien de l’Etat se prolonge. « Jusqu’où va le quoiqu’il en coûte ? », a résumé la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR). « Nous avons fait un choix stratégique qui est de préserver les entreprises et de préserver les compétences et les salaires », a répété Bruno Le Maire, indiquant que les dispositifs s’adaptaient dans leurs modalités. Selon lui, « l’Etat a été au rendez-vous dans sa réponse économique à la crise ».

« Nous exploiterons toutes les marges de flexibilité »

Le ministre a justement rappelé que le gouvernement se saisira des assouplissements autorisés par la Commission européenne. Il sera possible d’étaler le remboursement des prêts garantis par l’Etat, ou de prendre en charge les charges fixes d’entreprises de grande taille dans les secteurs les plus touchés, « au cas par cas ». « Nous exploiterons toutes les marges de flexibilité », a promis Bruno Le Maire. Le déplafonnement de cette prise en charge pourrait passer de trois à dix millions d’euros. Les stations de montagne sont concernées, avec la menace d’une saison blanche. Bruno Le Maire envisage aussi d’utiliser ce déplafonnement pour les « grands magasins parisiens », dont le poids des loyers est très important. Depuis le 31 janvier, les magasins de plus de 20 000 mètres carrés ont dû descendre leurs rideaux de fer.

Pour les très petites et moyennes entreprises (TPE-PME), le succès du Fonds de solidarité ne s’est malheureusement pas essoufflé. A ce jour, Bercy compte 680 000 demandes à ce jour, avec un niveau moyen perçu qui a plus que doublé : de 2400 à 5400 euros. Le sénateur Claude Malhuret, le président du groupe Les Indépendants - République et Territoires, a d’ailleurs souligné que la « forte baisse » du nombre de défaillances d’entreprises, l’an dernier, tenait du « paradoxe », dans une année où le PIB s’est effondré de 8,3 %. Son interrogation était la suivante : combien se relèveront, vraiment, une fois la crise sanitaire passée ?

En 2020, le nombre de faillites était au plus bas depuis trente ans : 35 000, contre 50 000 en 2019. L’enjeu qui se présente devant le gouvernement serait la multiplication d’entreprises, qui ne survivraient que sous perfusion. « L’objectif maintenant, c’est effectivement d’éviter qu’il y ait des entreprises zombies qui soient créées au moment de la sortie de crise », a répondu Bruno Le Maire, prêt à empêcher le plus grand nombre de faillites possibles.

Les prêts participatifs ne nourriront pas la « zombification »

Afin de renforcer les fonds des entreprises, avec un impact le plus limité possible sur leurs bilans, le gouvernement s’apprête à introduire des prêts participatifs, garantis par l’Etat, probablement d’une durée de huit ans. Ces bouteilles d’oxygène apportées à certaines entreprises ne se feront pas de façon aveugle, a indiqué le ministre. « Le fait que les prêts participatifs seront sélectionnés par les agences bancaires au niveau des territoires nous prémunit à mon sens, contre le risque de zombification. Ce n’est pas l’Etat qui va accorder les prêts participatifs. » Bruno Le Maire se réserve néanmoins la possibilité de garder « deux ou trois cordes de rappel » pour des entreprises, « nécessaires » à soutenir, mais qui n’auraient pas pu obtenir les prêts.

Le sénateur LR Laurent Duplomb a évoqué le cas d’entreprises, sommées par certains établissements bancaires, de reprendre le rythme de remboursement de leurs échéances de prêts. « Nous avons demandé d’étudier au cas par cas, une possibilité de délai supplémentaire pour les entreprises qui en auraient besoin. Ils se sont engagés à le faire », a répondu Bruno Le Maire, rappelant l’existence du Médiateur du crédit, en cas de problème.

Bruno Le Maire prudent sur la conversion des prêts garantis par l’Etat en subventions

Sur la conversion de prêts garantis par l’Etat (PGE) en subventions, le gouvernement se fait plus prudent, en revanche. La semaine dernière, devant une autre commission sénatoriale, celle des finances, Bruno Le Maire, avait expliqué que cette proposition pouvait être portée devant la Commission européenne, pour aider des entreprises « au cas par cas ». Ce mardi, le ministre semblait nettement moins emballé. « Je rappelle que ces prêts sont, comme leur nom l’indique, garantis par l’Etat, donc quand il y a un défaut sur le prêt, c’est l’Etat, donc le contribuable qui paye. Donc ça ne peut être qu’une solution de tout dernier recours, dans les situations vraiment critiques ».

Interrogé à deux reprises sur la situation dramatique des commerces à plusieurs activités dans les zones rurales (bar, restaurant, épicerie), notamment par l’écologiste Joël Labbé, Bruno Le Maire s’est dit prêt à « faire preuve de souplesse » dans l’interprétation des textes. En effet, la prise en charge se déclenche si la part de l’activité fermée représente plus de 50 % du chiffre d’affaires. Le ministre a ainsi indiqué qu’un seuil à 46 % pouvait être « regardé ».

De manière générale, Bruno Le Maire a estimé que le Fonds de solidarité avait désormais une couverture large. « Il peut y avoir des failles dans le dispositif, nous les complétons. »

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