Que propose Bruno Retailleau pour relancer l’économie ?

Que propose Bruno Retailleau pour relancer l’économie ?

Le président du groupe LR du Sénat présente « 100 propositions pour un nouveau départ », contributions des sénateurs LR à la relance. Mais avec des relocalisations, une fiscalité « bleue, blanc, rouge », une « préférence européenne et française », une Europe qui « protège » avec « une frontière verte » et 37 heures par semaine, ce plan porte la marque de Bruno Retailleau.
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Face à la plus grave crise économique depuis 1945, l’heure est aux plans de relance. Emmanuel Macron, bien sûr, prépare le sien. Et chacun y va aussi de ses propositions. Le PS, Europe Ecologie-Les Verts, les LR au début du mois et maintenant, les sénateurs LR. Un plan que Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR du Sénat, veut complémentaire à celui de son parti. Si les présidents de commissions de la Haute assemblée y ont participé, ce plan porte bien l’empreinte du sénateur de Vendée. « On a fait un travail de synthèse, mais bien sûr qu’il y a ma marque, évidemment » reconnaît Bruno Retailleau, qui a répondu à publicsenat.fr.

Sur la décentralisation, « on peut trouver des terrains d’entente au-delà des clivages »

Plutôt que le mot « relance », « qui est connoté relance de la demande, alors que c’est aussi un choc d’offre », le président du groupe LR préfère présenter ce plan comme « 100 propositions pour un nouveau départ ».

« Ce document s’inscrit comme une contribution du groupe LR au courrier d’Emmanuel Macron, qui a demandé au Président du Sénat des propositions. Ce dernier va le faire sur la décentralisation et la déconcentration, car il y avait un gros travail déjà lancé. Sur ce sujet, c’est la mission du Sénat et c’est un thème où on peut trouver des terrains d’entente au-delà des clivages » croit Bruno Retailleau.

Plan « à disposition du Président et du gouvernement »

« Très critique sur la gestion de la crise », il pointe « le confinement le plus rude, un état de droit très largement contraint », et « malgré ça, des résultats en matière de mortalité malheureusement pas bons » et « l’une des récessions les plus violentes au monde ». Si bien que le sénateur LR estime que « la France est à la croisée des chemins. Ou on prend les bonnes décisions ou c’est le déclin ».

Ce plan, « à disposition du Président et du gouvernement pour relever la France », se présente comme « un triptyque : nouvelle prospérité, nouvelle solidarité et nouvelle souveraineté ». Il se concentre surtout sur les questions économiques et sociales et laisse de côté les sujets immigration et sécurité.

« Il ne suffit pas de se balader et de parler pour faire un plan de relocalisation »

Bruno Retailleau défend un thème du moment : la relocalisation de la production. Emmanuel Macron aussi. Le chef de l’Etat a appelé ce mardi, lors d’un déplacement chez Sanofi, à relocaliser une partie de la production de médicaments. « Il ne suffit pas de se balader et de parler pour faire un plan de relocalisation » réagit le patron des sénateurs LR.

« La relocalisation, ce sont des mesures très concrètes » tranche-t-il. Il propose « que dans l’espace européen, on établisse une liste de médicaments d’intérêt sanitaire stratégique afin de les relocaliser. Et quand on aura deux médicaments, l’un produit en France ou en Europe, l’autre à l’étranger, la Sécurité sociale ne remboursera que le médicament produit en France ou en Europe ». C’est ce que Bruno Retailleau appelle « la préférence européenne ou française ». Même logique « pour les appels d’offres des hôpitaux ». Le plan prévoit aussi un « Buy european act », pour assurer aux entreprises européennes une part des marchés publics.

« Pas de relocalisation sans reconquête de la compétitivité »

Alors que chacun veut occuper cet espace politique du produire français, il attaque le Président sur ce terrain : « Comment voir Emmanuel Macron maintenir notre souveraineté, alors qu’il abandonne des pans de l’industrie, comme Alstom ou les chantiers navals STX ? » « Relocaliser, pour nous, c’est le glaive et le bouclier » lance le sénateur.

« Le glaive, c’est la fiscalité "bleue, blanc, rouge". C’est-à-dire un dégrèvement d’impôt pour une entreprise de 50% à 100%, si c’est un secteur stratégique, en cas d’investissements en France » lance presque fièrement le sénateur de Vendée. Mais, ajoute-t-il, « pas de relocalisation sans reconquête de la compétitivité : c’est la baisse C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) et la suppression des charges au-delà de 1,6 fois le Smic ». « Le bouclier, c’est un fonds souverain, et une méthode de contrôle des investissements étrangers dans nos entreprises stratégiques » face aux « prédations étrangères ».

« Travailler un peu plus mais être mieux payé »

Une compétitivité qui relancera, dans l’idéal, la croissance, qui « est la quantité de travail qu’on peut mettre sur la table ». C’est là qu’il en vient à l’idée de garantir l’équivalent d’un 13e mois pour les salariés modestes. Comment ? En travaillant plus… pour gagner plus. « Travailler un peu plus mais être mieux payé, d’où le 13e mois » dit-il.

Concrètement, Bruno Retailleau y parvient « en augmentant à 1700 heures de travail dans une année –  car l’annualisation du temps de travail, c’est mieux que sur une semaine de 35 heures. Ça correspond à une centaine d’heures en plus. Ce qui fait à peu près 37 heures en moyenne par semaine ». Toucher aux 35 heures est un sujet pour le moins sensible dans le pays. Le patron des sénateurs LR veut néanmoins l’aborder. Il imagine « laisser la main à l’entreprise ou à la branche pour avoir des accords ». Mais « dans la fonction publique, il faudra l’imposer » prévient le sénateur LR, qui risquerait ici de faire face à l’opposition des fonctionnaires.

L’augmentation du temps de travail, sujet évoqué dimanche dernier par Emmanuel Macron, apporterait au niveau du Smic « 730 euros » par an. Elle serait couplée à « une défiscalisation et une désocialisation totale des heures supplémentaires, ce qui donne un gain de 440 euros, avec aussi un maintien de la prime d’activité ». Il y ajoute « en plus une plus forte participation en fusionnant la participation et l’intéressement pour les entreprises de moins de 500 salariés. Au total, on arrive à 1.250 euros. Ce qui fait un treizième mois au Smic » détaille le responsable LR. Reste que l’intéressement est dépendant de l’activité économique.

« Taxer les pays qui ne respectent pas l’accord de Paris sur le climat »

Pour mettre en place ce plan, encore faut-il être en adéquation avec l’Europe. C’est pourquoi Bruno Retailleau entend revoir « le logiciel européen ». Objectif hautement difficile à atteindre. « Je demande un sommet des chefs d’Etat exceptionnel, qui permette de changer le principe de la concurrence et du libre-échange » lance-t-il. On est loin des propos plus libéraux qu’on pouvait entendre en 2017 d’un François Fillon, dont il était l’un des plus proches collaborateurs. Bruno Retailleau aurait-il changé ? « Je n’ai pas voté le Traité de Lisbonne, ni le Traité de Maastricht ou le Traité constitutionnel européen. Ça a toujours été présent » répond-il. Il ajoute :

Il faut libérer en France, mais pour le faire, il faut se protéger à l’extérieur.

Pour Bruno Retailleau, cela veut dire qu’« on ne peut plus signer des traités qui livrent nos agriculteurs à la concurrence déloyale qui foule aux pieds les principes écologiques ». Il entend ainsi s’opposer à la conclusion définitive de l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR, comme à la mise en œuvre du CETA. Il défend aussi « une frontière verte : taxer les pays qui ne respectent pas l’accord de Paris sur le climat ».

Bruno Retailleau dénonce « les conséquences de la politique européenne d’un libre échange débridé »

Autrement dit, on comprend qu’il vante les mérites du protectionnisme à l’échelle européenne. « Je n’aime pas le mot "protectionnisme". Je prône le retour d’une protection » préfère Bruno Retailleau, qui pense aussi en termes de communication politique.

« L’un des enjeux majeurs de l’Europe a été de se laisser piller. On a laissé partir nos emplois car on a eu une concurrence déloyale. L’union douanière est la zone la moins protégée au monde, au moment où on assiste à un réarmement commercial du monde » continue-t-il, avant d’ajouter : « L’Europe, comme la France, n’ont pas vocation d’être les idiots utiles du village global ».

Souveraineté, patriotisme économique… Bruno Retailleau n’est-il pas en train de retrouver encore davantage ses racines idéologiques villiersistes – il a longtemps été le bras droit de Philippe de Villiers – avec une dose de « made in France » d’Arnaud Montebourg ? « Je n’ai jamais quitté ces convictions » assure-t-il encore. « J’ai vu les conséquences de cette politique européenne d’un libre échange débridé. J’ai vu les industries de main-d’œuvre délocaliser massivement. L’Europe a défavorisé l’activité économique au profit de la consommation. Il est temps de rééquilibrer ». Là aussi, on ne reconnaît pas la musique à laquelle une bonne partie de la droite nous a habitués depuis des années. Ce que Bruno Retailleau reconnaît : « Dans ma famille politique, tout ce que disait l’Europe était une source de credo religieux ».

« L’écologie est une valeur de la conservation de la planète »

Ce plan des sénateurs LR parle d’écologie aussi, mais une « écologie du bon sens ». C’est l’écologie version droite. Là aussi, une nouveauté pour Bruno Retailleau, qu’on a peu entendu sur ce terrain. « J’ai fait un plan déchets en Vendée » corrige l’ancien président du département. Selon Bruno Retailleau, la droite ne doit plus avoir de pudeur sur le sujet. « Beaucoup d’exécutifs de droite on fait des choses concrètes en matière d’écologie. Mais on ne les a pas conceptualisées, car la droite a intégré l’idée fausse que l’écologie était de gauche » dit-il. Il ajoute :

La malédiction de l’écologie française est d’avoir été prise en otage par le gauchisme.

Défendant le nucléaire comme moyen de lutter contre les gaz à effet de serre, un marqueur de l’écologie de droite, le président du groupe LR affirme que « l’écologie est une valeur de la conservation de la planète. Elle a d’abord commencé à droite mais la gauche se l’est appropriée ». Lier conservatisme et écologie, un syncrétisme qui fera débat chez certains. Mais l’idée semble faite sur mesure pour Bruno Retailleau.

« Je plaide pour que la droite soit à la fois dans le mouvement, la réforme et conserve les choses qui sont bonnes. L’échec du progressisme doit nous convaincre que ce qui est nouveau n’est pas nécessairement mieux que ce qui ne l’est pas » soutient le président du groupe LR du Sénat. Bruno Retailleau, dont on connaît les ambitions pour 2022, tente de mêler les approches, avec un libéralisme conservateur aux accents protectionnistes. On verra si la recette est appréciée.

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