Budget 2021 : « Le redressement sera long », prévient Bruno Le Maire

Budget 2021 : « Le redressement sera long », prévient Bruno Le Maire

Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance était auditionné au Sénat sur le projet de loi de finances 2021, et sur le volet relance de ce dernier. Les sénateurs de la commission des finances l’ont interrogé sur l’efficacité attendue des mesures de relance.
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Une inquiétude continue de monter à la commission des finances du Sénat. Le plan de relance sera-t-il efficace ? Ses effets vont-ils se matérialiser rapidement sur le terrain ? Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, et Olivier Dussopt, chargé des Comptes publics, étaient auditionnés ce 30 septembre, dans la foulée de la présentation du nouveau projet de loi de finances. Un exercice inédit cette année, dans un contexte de grande incertitude économique liée à la crise sanitaire, et de plongeon du PIB, attendu par le gouvernement à 10 % pour 2020. En plus de hausses conséquentes pour de nombreux ministères (Éducation, Justice ou encore Défense) le budget 2021 s’accompagne surtout du plan de relance, qui va cibler les secteurs d’avenir, l’industrie ou encore la transition écologique via la rénovation énergétique notamment.

Tablant sur un rebond du PIB de 8% l’an prochain, le gouvernement espère une inflexion de la pente inquiétante prise par la trajectoire des finances publiques. En 2020, le déficit public devrait se creuser à 10,2% du PIB, et la dette à 117,5% du PIB. Le gouvernement espère finir l’année 2021 avec un déficit à 6,7 et une dette à 116,5%. « Nous savons que c’est un objectif atteignable », a affirmé Olivier Dussopt.

Des mesures pas suffisamment ciblées, selon le rapporteur général du budget

Malgré l’extrême prudence du gouvernement pour les données 2020, cet « optimisme » pour 2021 a été accueilli avec scepticisme par certains sénateurs. « Le redressement sera long », a insisté Bruno Le Maire, visant un retour en 2022 au niveau d’activité de 2019, ce qui sera « déjà un très beau défi ». Le ministre a déclaré que la France pouvait « sortir plus forte de cette crise », grâce au plan de relance. « Je sais qu’aujourd’hui les vents sont mauvais et que les Français doutent », a-t-il ajouté.

Le plan de relance de 100 milliards d’euros disposera d’une mission spécifique dans le budget, mais il irriguera également l’ensemble des postes de dépense. Pour faciliter les relocalisations d’activité stratégique, Bercy défend une contrepartie : une diminution de dix milliards d’euros des impôts de production au 1er janvier 2021, tendance qui se poursuivra dans la même ampleur l’année suivante. Le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur Albéric de Montgolfier (LR) a exprimé quelques doutes, considérant qu’un plan de relance efficace devait, selon lui, être à la fois temporaire, ciblé et dégainé au bon moment. « Est-ce qu’il n’aurait pas fallu à cet instant, compte tenu de la difficulté de certains secteurs, plutôt avoir des annulations de charges ou des mesures plus ciblées, subventionner l’investissement et réserver la baisse des impôts non ciblés à une situation meilleure », a demandé le sénateur de l’Eure-et-Loir.

« La priorité absolue, c’est l’emploi »

Bruno Le Maire a « revendiqué ce choix ». « Je veux assurer aux entreprises françaises une équité de concurrence. Je ne veux pas qu’ils courent le 100 mètres industriel avec le boulet aux pieds des impôts de production », a-t-il répondu, affirmant que les impôts de production étaient sept fois plus élevés qu’en Allemagne. Même si ce calcul fait débat. Il a ajouté que ces mesures de soutien seraient « ciblées » sur l’industrie et les PME. Le sénateur LR Jérôme Bascher a regretté l’absence de réformes structurelles dans le budget 2021. Il craint des « effets d’aubaine pure » pour certains projets qui se « seraient faits naturellement », sans plan de relance.

Au président de la commission (PS), Vincent Éblé, qui a noté que le plan était trop « déséquilibré » en faveur des entreprises au détriment des mesures de soutien aux Français les plus précaires, le ministre a répliqué en soulignant que le choc économique sur les ménages avait été « amorti très largement » grâce au chômage partiel, par exemple. « Ce sont les entreprises qui vont créer de l’emploi. La priorité absolue, c’est l’emploi », a fait savoir Bruno Le Maire.

Interrogé par le sénateur communiste Pascal Savoldelli sur l’efficacité du plan sur le soutien aux entreprises, Bruno Le Maire a répondu qu’il ne fallait pas se focaliser sur leur niveau d’investissement, encore « satisfaisant ». « Les marges sont évidemment dégradées. C’est bien pour ça que la baisse des impôts de production, la baisse de l’impôt sur les sociétés, le milliard d’euros consacrés à la relocalisation, doivent permettre de restaurer les marges des entreprises et c’est absolument impératif. »

Les sénateurs ont également rebondi sur les avertissements de Pierre Moscovici, auditionné la veille. Le président du Haut Conseil des finances publiques avait expliqué qu’une « petite difficulté » n’était pas à exclure dans la mise en œuvre du plan de relance au niveau local. En clair : n’y a-t-il pas le risque d’un enlisement ? Après avoir rappelé que certains fonds seraient gérés de manière déconcentrée par les préfets et les collectivités territoriales, Olivier Dussopt a assuré que l’implication de la Direction générale des finances publiques n’était plus à démontrer, après sa « grande réactivité » au printemps dans le versement du fonds de solidarité aux indépendants, artisans et commerçants.

« Beaucoup de PME ont rencontré des obstacles dans la formalisation des dossiers », reconnaît Bruno Le Maire

La sénatrice (Union centriste) Sylvie Vermeillet a, elle, fait part de ses craintes sur « la rapidité d’exécution » du plan, alors qu’une part importante du Sénat s’alarme du retard pris depuis l’été. « Je crains que bien qu’il y ait 100 milliards d’euros, on ne bute sur l’instruction par les services de l’État et que les entreprises soient découragées. »

« La bonne exécution, c’est une exécution rapide », a approuvé Bruno Le Maire, qui « vise » 42 milliards d’euros dépensés à la fin 2021 (soit la moitié du plan), dont 10 milliards d’ici la fin de l’année 2020. « Il faut que le maximum d’argent soit décaissé dans les meilleurs délais », a-t-il encouragé. Les deux ministres ont rappelé que des mesures votées dans le cadre du troisième budget rectificatif de l’année 2020, en juillet, offraient déjà des marges de manœuvre, notamment pour l’embauche des jeunes. Et que les appels à projet pour la rénovation énergétique de bâtiments publics ou la relocalisation industrielle étaient déjà connus du gouvernement. « Nous avons eu 375 projets déposés dans le secteur automobile, l’aéronautique, le médicament, les territoires d’industrie », a comptabilité Bruno Le Maire.

Le ministre de la Relance a assuré les sénateurs qu’il avait « pris bonne note » des critiques formulées sur les appels à projet industriels, au sujet desquels le Medef critiquait les « règles trop compliquées ». « Beaucoup de PME ont rencontré des obstacles dans la formalisation des dossiers et c’est inacceptable. On doit simplifier le dossier », a promis le ministre.

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