Alors que le déficit public de la France a dérapé à 5,5% du PIB en 2023, le président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille remet sur la table la piste de taxation des superprofits.
Budget 2022 : le Haut Conseil des finances publiques n’a reçu aucun élément sur les dépenses manquantes
Par Public Sénat
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Impossible pour le moment d’apposer son tampon sur le projet de loi de finances. Le Haut conseil des finances publiques (HCFP), chargé d’évaluer chaque année les prévisions macroéconomiques du gouvernement, n’a pas pu se prononcer complètement sur le budget 2022, dévoilé ce 22 septembre en Conseil des ministres. Auditionné devant la commission des finances du Sénat, le président du HCFP Pierre Moscovici n’a pu donner aucune appréciation du déficit public, attendu à 4,8 % du PIB l’an prochain. Et pour cause, le gouvernement n’a toujours pas intégré dans son projet de budget ni revenu d’engagement pour la jeunesse, ni le plan d’investissement.
Le Haut Conseil n’a même pas reçu des « fourchettes ». « Les éléments ne nous ont pas été communiqués, les arbitrages n’étaient pas rendus à l’époque », relate celui qui est par ailleurs premier président de la Cour des comptes. « Faute d’informations sur le chiffrage de ces mesures manquantes, le Haut Conseil ne peut pas, à ce stade, se prononcer sur le caractère plausible ou non du solde public », a-t-il précisé. Une nouvelle saisine sera nécessaire, une fois les éléments intégrés par le gouvernement. Ce budget encore incomplet « ne laisse pas d’étonner », a tenu à insister le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS), en guise d’introduction.
Si des trous sont constatés dans la colonne des dépenses, les prévisions de recettes sont elles aussi sous-estimées, de l’avis du Haut Conseil. Pierre Moscovici considère que le gouvernement a retenu des prévisions d’emploi « trop basses ». Le 8 septembre, l’Insee a notamment mis en évidence une augmentation de 380 000 emplois sur un an à la fin du premier semestre, un niveau bien supérieur aux prévisions gouvernementales. Or, ce sont les salaires, avec les cotisations sociales, qui constituent une part importante du financement de la dépense publique. « Les prévisions de masse salariale sont trop faibles pour 2021, et par ricochet pour 2022 », estime Pierre Moscovici.
Quant à la croissance, l’ancien ministre de l’Économie et des Finances a qualifié le taux de 6 %, retenu par le gouvernement pour 2021, « prudent », voire « un peu conservateur ». Il faut dire que le consensus des instituts de prévision oscille plutôt entre 6,2 et 6,3 %. En revanche, pour 2022, la croissance de 4 % est qualifiée de « plausible », par le président du HCFP.
« Ce sera plus difficile qu’auparavant de faire diminuer le poids de la dette dans le produit intérieur brut »
Repris sur le choix de ses mots prudents, Pierre Moscovici a considéré que les parlementaires pouvaient avoir « confiance » dans son analyse. « Je ne pense pas que l’avis que je présente aujourd’hui soit un avis timide », a-t-il assuré. De quoi faire bondir le sénateur LR Jérôme Bascher. « Je crois que si vous aviez dit ici que ce budget était insincère, eu égard aux dépenses qui arrivent, eu égard aux trop faibles prévisions de masse salariale et des recettes afférentes, on aurait eu sans doute plus confiance. »
S’agissant des éléments transmis effectivement par Bercy, Pierre Moscovici relève une baisse de 2 % des dépenses des administrations publiques, principalement sous l’effet de la baisse des dépenses de soutien et de relance. Mais le président du HCFP épingle la hausse des dépenses ordinaires, avec une hausse d’environ 12 milliards d’euros des missions relevant des ministères. Un tiers de cette progression est notamment la conséquence des lois de programmations votées ces dernières années (défense, recherche, justice ou encore aide publique au développement).
De manière globale, Pierre Moscovici continue de mettre en garde contre la dégradation à long terme des finances publiques de la France. « Le poids des dépenses publiques est supérieur de deux points (par rapport au PIB) à 2019 et la dette a augmenté de 17 points depuis 2019 », relève-t-il. la dette s’établirait en 2022 à 114 % du PIB. Alors devant la perspective d’une poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires mais aussi des perspectives de croissance, Pierre Moscovici redoute que le débat sur la dette « va nous poursuivre très longtemps ». « Ce sera plus difficile qu’auparavant de faire diminuer le poids de la dette dans le produit intérieur brut », a-t-il mis en garde.