Budget 2023 : le Sénat et le gouvernement refusent de revaloriser les APL

Budget 2023 : le Sénat et le gouvernement refusent de revaloriser les APL

Lors des débats sur le budget 2023, la gauche a tenté de convaincre le gouvernement et la majorité sénatoriale d’accepter un nouveau « coup de pouce » aux APL, revalorisées de 3,5 % par l’exécutif cet été. Cette hausse ne suffit plus à compenser l’augmentation des prix de l’énergie, d’après la gauche sénatoriale. Le gouvernement a jugé le dispositif inadapté.
Louis Mollier-Sabet

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En juillet dernier, le gouvernement avait mis en place un « bouclier loyer » dans sa loi Pouvoir d’achat. Le but était de contenir la hausse des loyers à 3,5 % sur an, tout en revalorisant les allocations logement du même montant, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2022. Depuis, une véritable « crise du logement » identifiée plusieurs acteurs du secteur et portée à l’attention du ministre Olivier Klein par Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, est venue fragiliser cette revalorisation inférieure aux 6 % d’inflation finalement prévus sur l’année.

« La hausse des prix de l’énergie finalement constatée est largement supérieure à 3,5 % »

D’autant plus que, comme l’a rappelé le sénateur écologiste Daniel Breuiller, « la hausse des prix de l’énergie finalement constatée est largement supérieure à 3,5 % », et que les charges de locataires augmenteront donc proportionnellement plus que la revalorisation du gouvernement. Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice Gauche Républicaine et Socialiste et spécialiste du logement, a tenu à cet égard à rappeler à ses collègues que les APL étaient composées d’un « volet charges » et d’un « volet loyer. » D’après elle, il faut donc prendre en compte l’évolution des charges – et en particulier du chauffage – pour « que les aides soient adaptées à l’évolution réelle des loyers des locataires. »

Ainsi les groupes écologistes, communistes et socialistes ont tous proposé une revalorisation des APL lors de l’examen de la partie du budget consacrée à la fiscalité sur le logement. Le problème étant justement que les parlementaires ne peuvent pas déposer d’amendement dans n’importe quelles conditions, et que la gauche a donc dû passer par la fiscalité pour revaloriser les aides au logement. « Je dois avouer que c’est un artifice pour échapper à l’article 40 », a débuté Daniel Breuiller en présentant un « amendement d’appel » pour « attirer l’attention du gouvernement » sur le problème.

« Rien qu’avec la ‘contemporanéité’ des APL, le gouvernement a gagné 1,5 milliard d’euros sur le dos de locataires hypermodestes »

En effet, l’article 40 de la Constitution fixe des règles de « recevabilité financière » des amendements des parlementaires, qui ne peuvent pas « diminuer les ressources publiques » ou « créer ou aggraver une charge publique. » En l’occurrence, les sénatrices et sénateurs de gauche proposaient un crédit d’impôt de 15 euros par mois pour les bénéficiaires des APL, ce qui est bien « une diminution des ressources publiques. » Dans ce cas, la subtilité repose sur la possibilité de « gager » une diminution des ressources publiques – ce qui n’est pas possible pour de nouvelles dépenses – en la compensant par de nouvelles recettes.

En l’occurrence, la gauche sénatoriale avait misé sur les taxes sur le tabac, tout en « appelant » le gouvernement à plutôt directement revaloriser le « forfait charge » des APL de 25 %. Une mesure qui coûterait environ 1 milliard d’euros. « Rien qu’avec la ‘contemporanéité’ des APL, le gouvernement a gagné 1,5 milliard d’euros sur le dos de locataires hypermodestes », a rappelé Marie-Noëlle Lienemann. « C’est une mesure de justice et d’accompagnement du pouvoir d’achat », a-t-elle ajouté, visiblement sans convaincre Gabriel Attal.

« Votre Président préféré a reconnu une erreur sur la baisse des APL »

Le ministre chargé des Comptes publics a refusé le dispositif proposé, non pas « parce que le gouvernement ne se préoccuperait pas des bénéficiaires des APL », mais plutôt pour la raison invoquée par Daniel Breuiller lui-même : la proposition n’était qu’un « artifice lié à l’article 40 » pour « attirer l’attention » du gouvernement. « Ce n’est pas la solution la plus adaptée, si l’enjeu est de venir en soutien à des personnes vulnérables : un crédit d’impôt, vous le percevez un an après », a ainsi expliqué Gabriel Attal.

« Je m’attendais à un peu de sagesse de votre part. Votre Président préféré a reconnu une erreur sur la baisse des APL, donc je me disais que ce soir, dans un moment de liesse… un petit geste… Ce qui est demandé par cet amendement est sérieux et responsable. C’est une revalorisation de 15 euros. Pour toucher les APL il ne faut pas avoir grand-chose, je dis ça sans amertume par rapport aux débats qu’on a eus sur les jets, les yachts… nous demandons juste un geste de justice sociale », lui a rétorqué le sénateur communiste Pascal Savoldelli.

Gabriel Attal a énuméré, en guise de réponse, les dispositifs déjà mis en place par le gouvernement depuis le début de la crise énergétique et des tensions inflationnistes que toucheront les bénéficiaires des APL, comme la « revalorisation anticipée » des APL de 3,5 %, la prime exceptionnelle de rentrée ou le chèque énergie exceptionnel de 100 à 200 euros, qui devrait tomber « à la fin de l’année. »

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