Budget 2023 : les principales mesures de la version adoptée par le Sénat

Budget 2023 : les principales mesures de la version adoptée par le Sénat

Alors que le Sénat vient de voter le budget 2023, Public Sénat vous propose un bilan des mesures votées ou rejetées par la chambre haute, pour comprendre où se situent les enjeux de la négociation de mardi avec l’Assemblée nationale.
Louis Mollier-Sabet

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Le Sénat a voté finalement voté le budget 2023, qui devra donc être examiné en commission mixte paritaire ce mardi 6 décembre pour négocier les derniers points de désaccord entre députés et sénateurs. Retour sur les principales modifications du texte lors de l’examen au Sénat ces dernières semaines.

  • Rejet de la taxation des superprofits

C’est une question qui revient depuis les débats de cet été à propos du pouvoir d’achat. Lors du projet de loi de finances rectificative pour 2022, le Sénat, tout comme l’exécutif, avait déjà rejeté cette idée qui faisait pourtant des émules au MoDem à l’Assemblée et chez les centristes au Sénat.

Malgré une alliance de circonstance entre les centristes et la gauche, la mesure a une nouvelle fois été rejetée par le Sénat, alors que le gouvernement n’avait pas gardé l’amendement de Jean-François Mattei, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, dans le texte considéré comme adopté après l’usage du 49-3.

Dans ces circonstances, une éventuelle taxation des superprofits ne devrait pas figurer dans le budget 2023, en dehors du mécanisme européen de plafonnement des « rentes », transposé dans le budget par le gouvernement.

  • Rejet surprise de la suppression de la CVAE prévue par le gouvernement

Sur ce sujet en revanche, le Sénat n’a pas suivi l’exécutif, qui avait inscrit, à l’article 5 du projet de loi de finances, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt de production collecté par les collectivités locales.

La majorité sénatoriale est par principe favorable à la suppression d’impôts de production, et la mesure aurait donc dû en contenter plus d’un à la chambre haute. Mais le sujet des collectivités étant particulièrement clivant au Sénat, l’examen de cette mesure n’a pas été sans surprise.

La commission des Finances et son rapporteur LR Jean-François Husson, entendaient au départ simplement reporter la suppression de la CVAE d’un an, mais la majorité sénatoriale s’est retrouvée divisée et l’article 5 a finalement été rejeté. La CVAE a donc été maintenue dans la version du texte votée par le Sénat.

  • Débats mouvementés sur les transports

Contre l’avis du gouvernement, les sénatrices et les sénateurs ont voté un amendement de Philippe Tabarot (LR) réduisant la TVA sur les transports en commun à 5,5 % au lieu des 10 % actuels. Le but avancé était d’éviter une trop forte hausse des tarifs et de redonner des marges budgétaires aux collectivités pour qu’elles puissent investir afin de développer ces modes de transport. Le gouvernement a jugé le dispositif inefficace, et devra être convaincu pour que la mesure survive à la navette parlementaire.

Sur une éventuelle taxation supplémentaire des jets privés ou des yachts, en revanche, la majorité sénatoriale a suivi l’exécutif, en refusant, malgré des débats mouvementés, toute taxe de ce type. Face aux protestations de la gauche de l’hémicycle, Gabriel Attal a notamment expliqué préférer « investir » dans la décarbonation de ces modes de transports particulièrement polluants que « taxer. »

Enfin, la situation inquiétante des transports franciliens et de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités a retenu l’attention des sénateurs. Après de longs débats reconnaissant l’urgence de financement des transports en région parisienne, aucun accord n’a été trouvé au Sénat sur l’augmentation du « versement mobilité » payé par les entreprises. Un vote qui s’est fait malgré le désarroi des sénateurs de la droite francilienne, exhortant leurs collègues de la majorité sénatoriale de répondre à « l’urgence », quitte à exceptionnellement augmenter la fiscalité des entreprises.

  • Prolongation du bouclier tarifaire pour 2023 et « amortisseur » électricité

Le Sénat a prolongé les dispositifs de boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité l’an prochain, pour contenir le choc de l’envolée des prix chez les ménages ou les petites entreprises. La prochaine évolution des tarifs réglementés en début d’année ne pourra pas excéder 15 %. Ce budget 2023 instaure également un « amortisseur », destiné à alléger en partie le montant des factures énergétiques des petites et moyennes entreprises (PME) ou des collectivités locales, qui n’auraient pas accès à ce bouclier.

Les mesures de lutte contre l’inflation et l’explosion des prix de l’énergie ont fortement pesé sur le budget de l’Ecologie, en hausse de 36 % pour cette année, la progression la plus importante du projet de loi de finances 2023. Sur les autres aspects de ce budget, le Sénat s’est montré plus sceptique, en réduisant de 500 millions d’euros les aides à l’acquisition de véhicules électriques au motif qu’elles allaient principalement bénéficier aux constructeurs chinois.

Les sénateurs ont aussi adopté une rallonge de 150 millions d’euros pour la SNCF et la régénération du réseau ferroviaire et ont demandé une évaluation du dispositif MaPrimeRénov’, qui n’arrive pour le moment pas à financer des travaux permettant de faire sortir des logements de leur diagnostic de « passoire thermique. »

  • Le Sénat au chevet des collectivités

C’était « la ligne rouge » fixée par les sénateurs avant le début de l’examen du budget : lâcher du lest pour les finances des collectivités locales, mises à mal par l’inflation et l’explosion des coûts de l’énergie.

Les sénateurs ont supprimé le pacte de confiance, qui devrait modérer la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités, à un rythme inférieur de 0,5 point au taux de l’inflation. Mécontents contre ce dispositif qu’ils avaient déjà supprimé dans le projet de loi programmation des finances publiques, les parlementaires ont en outre rappelé qu’Elisabeth Borne s’était engagée au congrès des maires à n’instaurer aucun mécanisme de sanction, contre les collectivités qui dévieraient de la trajectoire.

Le Sénat a finalement voté, contre l’avis de la commission des Finances et du gouvernement, la revalorisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de l’inflation prévue pour 2023, soit 4,2 %. La chambre des territoires a ainsi acté une hausse de 1,1 milliard d’euros de l’enveloppe versée par l’Etat aux communes, aux intercommunalités et aux départements, contre une hausse de 320 millions initialement prévue par le gouvernement. Jean-François Husson, rapporteur général LR du budget, a tout de même réussi à éviter le vote par ses collègues d’une indexation pérenne de la DGF sur l’inflation, comme c’était le cas jusqu’à 2010.

Le gouvernement proposait aussi un « filet de sécurité » aux collectivités dans ce projet de loi de finances 2023, en permettant à l’Etat de prendre en charge une partie de la hausse de dépenses d’énergie des collectivités les plus touchées. Un dispositif salué par le Sénat, mais dont la chambre haute a largement élargi les critères d’éligibilité. Les critères prévus par le gouvernement auraient exclu 40 % des collectivités, d’après Jean-François Husson, et les sénatrices et les sénateurs les ont donc supprimés, ouvrant le dispositif à toutes les collectivités territoriales.

  • Alerte sur les finances d’Action Logement

La chambre haute s’est opposée à un transfert de 300 millions d’Action Logement, un organisme paritaire qui aide les salariés à se loger, au Fonds national d’aide à la pierre (FNAP), en charge de politiques publiques étatiques. Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, a prévenu que si Action Logement n’abondait pas ce fonds, les bailleurs sociaux seraient mis à contribution pour combler le manque à gagner pour le FNAP. Ce sera un point à surveiller dans la navette parlementaire

  • Augmentation du budget de la Sécurité d’1,5 milliard

Le Sénat a largement voté la mission « Sécurité » du budget 2023, quelques semaines après avoir adopté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI). Les crédits pour le ministère de l’Intérieur sont en hausse d’1,25 milliard. L’effort est concentré sur la modernisation numérique et les équipements des agents.

  • Le Sénat réduit de 800 millions d’euros un budget du Travail en hausse

Le Sénat a adopté le budget du Travail et de l’emploi ce lundi 28 novembre. La baisse du chômage a été unanimement saluée, même si la gauche a dénoncé une augmentation budgétaire en trompe-l’œil et que la droite a alerté sur le coût « non maîtrisé » des mesures favorisant l’apprentissage et la formation, et a donc proposé 800 millions d’euros d’économies sur le budget de France compétences et sur celui du Plan d’investissement dans les compétences (PIC).

  • Une coupe de 350 millions dans le budget de l’Aide médicale d’Etat (AME)

Refusant l’augmentation « continue et non maîtrisée des dépenses » de l’aide médicale d’État destinée aux étrangers en situation irrégulière, la majorité sénatoriale de droite et du centre a recentré le dispositif sur la prise en charge des soins urgents. Le gouvernement s’est « fermement opposé » à ce type de réforme, et avait proposé une augmentation de 133 millions d’euros de l’AME. Une progression de 12,4 % « peu justifiable » pour le rapporteur LR de ces crédits, Christian Klinger.

  • Le Sénat appelle à revoir la loi de Programmation de la Recherche (LPR)

Lors de l’examen des crédits du budget 2023 consacrés à l’Enseignement supérieur et à la recherche, les sénateurs ont salué la tenue des engagements budgétaires pris par l’exécutif dans la Loi de programmation de la Recherche (LPR). Toutefois, ces hausses budgétaires vont être « absorbées » par l’inflation en 2023, et le Sénat a donc enjoint la ministre Sylvie Retailleau de revoir la trajectoire budgétaire l’année prochaine, en activant la « clause de revoyure » de la LPR, pour ajuster le niveau des dépenses à l’inflation.

  • Le Sénat adopte le budget de la Défense, mais alerte sur l’inflation et la prochaine loi de programmation (LPM)

Autre loi de programmation, même constat. Avec la loi de Programmation militaire (LPM), les engagements du gouvernement en matière de Défense ont bien été tenus, et le Sénat a donc adopté ce budget, mais les efforts financiers sont mis en danger par une inflation forte. Dernière « LPM » de ce budget, la prochaine loi de programmation militaire doit tracer une trajectoire budgétaire pour la période 2024-2030. Les travaux préparatoires devraient commencer et le Parlement y sera associé, a réaffirmé Sébastien Lecornu

  • Education : une hausse de 10 % des rémunérations des enseignants

Les sénateurs ont adopté d’une courte majorité le budget de l’Education nationale, qui contient une hausse moyenne de 10 % de la rémunération des enseignants dans le but de créer un « choc d’attractivité ». Une part de la hausse se fera en contrepartie de nouvelles missions, un engagement d’Emmanuel Macron. Les sénateurs LR se sont abstenus, dénonçant un « pilotage à vue » et un manque de réflexion.

  • Le Sénat rejette le budget de l’Immigration et le rapporteur fait le lien avec l’insécurité

Lors d’une séance tendue, le rapporteur spécial pour la commission des finances, Sébastien Meurant (Reconquête) n’a pas hésité à faire le lien entre immigration et insécurité, choquant la gauche de l’hémicycle. Le Sénat a finalement rejeté le budget proposé par le gouvernement, alors que la gauche a dénoncé, par la voix d’Éliane Assassi, une « diatribe anti-musulman » du rapporteur Meurant.

  • Cabinets de conseil : le Sénat élargit la liste des prestations à publier, contre l’avis du gouvernement

Dans la nuit de lundi à mardi 6 décembre, les sénateurs ont adopté un amendement élargissant la liste des prestations de conseil que les administrations publiques seront obligées de publier chaque année. Le gouvernement voulait restreindre cette liste alors que les sénateurs en appellent à l’obligation de transparence de l’Etat. La proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre dernier sur le sujet n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le texte dénonce les « dérives » des recours aux cabinets de conseil et propose un encadrement strict.

  • Un examen budgétaire dans des délais contraints et des conditions dénoncées par les parlementaires

L’examen de ce budget 2023 a été l’occasion de plusieurs alertes lancées par les sénatrices et sénateurs sur les conditions dans lesquelles se déroulait le travail parlementaire. Le fait que le gouvernement dépose par exemple des amendements sur des dispositifs aussi complexes que le bouclier tarifaire deux jours avant son examen a par exemple profondément exaspéré la commission des Finances.

De même, certains budgets ont dû être examinés au pas de course, parfois même au prix des amendements déposés, qui n’ont pas pu être discutés pour finir dans les temps. Les débats sur le budget de l’Agriculture ont par exemple été écourtés, alors que les personnels de l’Office national des forêts (ONF) étaient présents en tribune et attendaient un vote du Parlement sur des créations de postes. Une situation « ubuesque », « frustrante », voire une « humiliation » pour les sénatrices et sénateurs présents.

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