Budget de la Sécu : le ministre François Braun mise sur la « prévention » et la « lutte contre les déserts médicaux »

Budget de la Sécu : le ministre François Braun mise sur la « prévention » et la « lutte contre les déserts médicaux »

Auditionné par les sénateurs en vue de l’examen du projet de loi de finances de la sécurité sociale, le ministre de la Santé a défendu un budget de la Sécu qui fixe trois axes : la prévention, la lutte contre les déserts médicaux et l’hôpital, dont le budget progresse de 4,1 %.
François Vignal

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Alors que les députés vont commencer jeudi l’examen en séance du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, pour lequel le Conseil des ministres a autorisé le gouvernement à utiliser le 49.3, le ministre de la Santé, François Braun, a été auditionné dès ce mercredi, en fin de journée, en vue de l’examen du texte au Sénat, début novembre. Une audition qui devait se faire conjointement avec son collègue Gabriel Attal, chargé des Comptes publics. Mais ce dernier a annulé sa venue pour cause d’une autre 49.3 à l’Assemblée, sur le projet de loi de finances celui-là… Une session de rattrapage est prévue pour lui mardi matin, la semaine prochaine.

« C’est un PFLSS de sortie de crise après deux ans de pandémie »

« L’examen du PLFSS est toujours un moment clef de notre démocratie sociale et solidaire » a commencé François Braun, défendant « un PLFSS pas comme les autres. C’est un PFLSS de sortie de crise après deux ans de pandémie qui a mis notre pays et le reste du monde au pied du mur ».

Pour le ministre de la Santé et de la Prévention, ce budget de la Sécurité sociale « pose une première pierre de transformation du système de santé et traduit les engagements du président de la République en la matière ». Le CNR santé permet actuellement de plancher sur le sujet. L’idée est de passer d’un système « actuellement construit sur l’offre de soin, vers un système qui serait construit pour la réponse aux besoins de santé de nos concitoyens ». Une vision que pointe le sénateur LR Alain Milon, ancien président de la commission des affaires sociales. « Comme vos collègues prédécesseurs, avec qui j’ai travaillé […], vous faites la confusion entre un projet de loi de financement de la Sécurité sociale et une loi de santé relative à l’organisation de la santé sur le territoire national. C’est dommageable », selon le sénateur LR du Vaucluse.

Contre les déserts médicaux, envoyer les internes en stage dans les « territoires sous-denses »

Le ministre de la Santé fixe trois axes à ce PLFSS : la prévention, la lutte contre les déserts médicaux et l’hôpital. Côté prévention, qui fait partie d’ailleurs maintenant de l’intitulé de son ministère, François Braun souligne que « nous sommes très en retard en la matière », comme sur les « infections sexuellement transmissibles ». Il a rappelé l’engagement du gouvernement : « Mettre en place des rendez-vous de prévention avec des bilans de santé aux âges clefs de la vie, à 25 ans, 45 ans et 65 ans environ ». Ces bilans seront pour tous et « pris en charge à 100 % par l’assurance maladie ». La prescription et la réalisation de la vaccination seront aussi « élargies aux pharmaciens, sages-femmes et infirmiers ».

Le ministre entend aussi « mener une lutte sans merci contre toutes les inégalités d’accès et les déserts médicaux », avec notamment une mesure inscrite à ce PLFSS : « Créer une quatrième année d’internat en médecine générale. Mesure qui fait aussi l’objet d’une proposition de loi portée par Bruno Retailleau », président du groupe LR, a souligné le ministre. Texte adopté par les sénateurs hier, mardi 18 octobre. La mesure vise autant le renforcement de la formation, notamment pour la gestion d’un cabinet, qu’« aider les territoires sous-denses. Nous souhaitons que ces internes viennent y faire des stages prioritairement ».

Lire aussi » Déserts médicaux : le Sénat adopte la mise en place de la 4e année d’internat en médecine générale

« Trop longtemps, l’hôpital a été une variable d’ajustement pour réaliser des économies, au détriment de sa capacité à réaliser ses missions » souligne François Braun

Côté hôpital, bien souvent exsangue, le gouvernement veut renforcer ses moyens. « Trop longtemps, l’hôpital a été une variable d’ajustement pour réaliser des économies, au détriment de sa capacité à réaliser ses missions. Et j’en sais quelque chose en tant que médecin hospitalier. Ce PLFSS fait le choix de ne pas faire porter aux hôpitaux de nouvelles économies. […] Nous prenons en charge l’augmentation du point d’indice et l’inflation des charges », souligne le ministre. L’Ondam hospitalier, c’est-à-dire l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour l’hôpital, fixé chaque année dans le Budget de la Sécu, « progresse de 4,1 %, soit un effort supérieur à 100 milliards d’euros, en augmentation de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2022 ». Il ajoute :

C’est un effort ambitieux et le gage d’un renforcement de notre système hospitalier.

Efforts mais aussi économies. Car François Braun revendique de défendre, en même temps, « un texte de responsabilité qui assume le renforcement de l’efficacité des dépenses. Il ne faut pas seulement dépenser plus, mais aussi bien dépenser », assurant que les mesures d’économies sont « justes » et « proportionnées ». Le gouvernement va notamment « demander au secteur de la radiologie de renforcer la transparence et l’information sur leur équipement en matériel. Nous allons demander une contribution à la biologie aussi ». Il veut également « mieux réguler la trajectoire très dynamique des dépenses sur les médicaments ». Le PLFSS entend aussi « lutter contre toutes les types d’abus et de fraudes ».

Mortalité enfantine : « Nous sommes passés au 25e rang mondial » alerte une sénatrice

Face à ce Budget de la Sécu 2023, les questions des sénateurs ont été nombreuses et pour le moins variées : « Soutenabilité financière de l’assurance maladie », évoquée par Corinne Imbert (LR), situation des médecins qui exercent en PMI (protection maternelle et infantile), mortalité enfantine pour laquelle « nous sommes passés au 25e rang mondial », souligne la pédiatre de profession Florence Lassarade (LR), problème de l’intérim à l’hôpital, ou encore « la contradiction », soulignée par Michelle Meunier (PS), entre les messages de prévention sur le sucre et l’alcool et le fait que les tickets-restaurants permettront dorénavant le paiement « des confiseries et de l’alcool ». Ou encore les « exclus du Ségur » (Monique Lubin, PS), ou l’état de la santé mentale, évoquée par Victoire Jasmin (PS) et Jean Sol (LR).

La sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale du Budget de la Sécu, constate pour sa part « que la provision pour les dépenses liées au covid-19 est annoncée à 1 milliard d’euros, ce qui paraît optimiste, quand on sait qu’en 2021, ce sont 7,1 milliards d’euros qui ont été dépensés rien que pour les tests ». Mais pour le ministre, face à ce qui ressemble actuellement plus « à un rebond » de l’épidémie, qu’à « une nouvelle vague », la situation est de nature « moins inquiétante ». Quant aux tests, le budget est prévu « sur une estimation ». « La survenue d’un variant viendrait perturber ces estimations ». Mais « nous ne pouvons pas l’anticiper ».

Tabac à rouler, tabac à chauffer : « On compte arriver progressivement à une taxation identique pour toutes les formes de tabac »

Interrogé par la sénatrice LR Catherine Procaccia sur la création d’une « catégorie fiscale spécifique pour le tabac à chauffer », elle demande où en sont les évaluations sur les substituts au tabac, « comme le tabac à chauffer ». François Braun répond qu’une étude « aux Etats-Unis a montré que cela amène beaucoup de jeunes à fumer, car le tabac à chauffer a une image moins toxique ». Et de rappeler que « le tabac tue 70.000 de nos concitoyens tous les ans ». Jugeant « tout à fait anormal » que « le tabac à rouler et à chauffer n’aient pas les mêmes taxes », « on compte arriver progressivement à une taxation identique pour toutes les formes de tabac », prévient le ministre de la Santé. Quant au paquet de cigarette, il sera indexé sur l’inflation, ce qui revient à l’augmenter.

En revanche, pas un mot sur la réforme des retraites durant l’audition. Si l’option d’un amendement au PLFSS a été pour l’heure écartée par le gouvernement, laissant le temps aux discussions avec les partenaires sociaux, l’exécutif n’avait pas totalement écarté le retour par la fenêtre d’un amendement, si les discussions n’aboutissaient pas. Autre piste, sérieusement envisagée : un PLFSS rectificatif pour la rentrée de 2023.

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