Retraite à 64 ans et contribution des mutuelles : le Sénat va amender le budget de la Sécurité sociale

Retraite à 64 ans et contribution des mutuelles : le Sénat va amender le budget de la Sécurité sociale

« Sincérité douteuse » de la trajectoire financière ou budget de l’hôpital jugé « peu tenable », le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a été réceptionné avec beaucoup de scepticisme en commission des affaires sociales du Sénat. Celle-ci introduit de nouvelles recettes, notamment pour le système de retraites, et décide de renforcer certains dispositifs.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Adopté dans la douleur à l’Assemblée nationale après un nouveau recours au 49.3, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 chemine désormais au Sénat, où il sera débattu en séance à partir du 7 novembre. La commission des affaires sociales, qui a examiné le texte cette semaine, n’a pas caché son scepticisme sur les grands équilibres des comptes sociaux. « Ce PLFSS manque d’ambition. Il est timide sur tout. Quand il y a une forte crise, il faut y répondre par des fortes propositions », insiste ce 3 novembre la rapporteure générale de la commission, Élisabeth Doineau (Union centriste). Loi de financement oblige, les amendements seront formellement intégrés au texte en hémicycle.

Comme l’an dernier, la commission propose de rejeter la trajectoire budgétaire pour les quatre années à venir. Le déficit de la Sécurité sociale pourrait refluer à 6,8 milliards d’euros l’an prochain, après trois années de crise sanitaire, il devrait cependant s’aggraver au-delà, dépassant les 12 milliards d’euros à partir de 2025. « Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la trajectoire financière. Elle est difficilement tenable », met en garde Élisabeth Doineau.

Une trajectoire des dépenses de la Sécurité sociale rejetée

À plus courte échéance, la commission des affaires sociales du Sénat étale aussi ses doutes sur l’objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam), fixé pour 2023 à 244 milliards d’euros. Hors dépenses de crise, la progression est de 3,7 % sur un an. Dans un contexte d’inflation élevée, l’enveloppe dédiée à l’hôpital lui apparaît « peu tenable », au regard des besoins de santé. « Il n’y a pas de réponse aux déficits structurels de l’hôpital, c’est très décevant. Les mesures ne sont pas dans ce PLFSS », s’inquiète la présidente de la commission, Catherine Deroche (Les Républicains).

À lire aussi » Hôpital : Gabriel Attal défend un budget en hausse, les sénateurs le mettent en doute en raison de l’inflation

Les mesures d’urgence en faveur de l’hôpital, annoncées à la dernière minute par le ministre de la Santé, François Braun, renforcent l’impression d’une « sincérité douteuse » du projet de loi présenté, selon la commission sénatoriale. Hier, le gouvernement a porté à 400 millions d’euros l’enveloppe d’urgence en faveur des établissements de santé et notamment des services pédiatriques en grande tension, au lieu des 150 millions annoncés dans un premier temps à la fin du mois d’octobre.

Un amendement pour repousser l’âge légal de la retraite à 64 ans en cas d’échec des concertations sociales

Tenue par les contraintes d’examen des lois de financement, la commission a seulement introduit des amendements pour améliorer le volet recettes de la Sécurité sociale. Constant à chaque exercice, le rapporteur de la branche vieillesse, René-Paul Savary (LR) propose une « convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites ». En cas d’échec du dialogue social d’ici janvier 2024, l’amendement sénatorial prévoit l’adoption de mesures d’économie : report de l’âge légal de départ à 64 ans à partir de la génération 1967, l’accélération de la réforme Touraine (43 annuités requises dès la génération 1967 au lieu de 1973 actuellement) ou encore la convergence des régimes spéciaux avant 2023. Ce nouvel article, qui devrait être adopté sans surprise en séance en fin de semaine prochaine, a toutefois toutes les chances de rester un simple amendement d’appel. Le gouvernement entend présenter sa nouvelle réforme des retraites au mois de janvier 2023.

Un autre marqueur de la majorité sénatoriale refait surface cet automne encore dans les propositions de la commission des affaires sociales : l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les complémentaires santé. Cette année, elle a été fixée à hauteur de 300 millions d’euros par an. Certains sénateurs pourraient choisir d’alourdir la contribution lors de l’examen en séance.

Les mêmes organismes sont aussi à contribution pour financer une partie des consultations périodiques préventives, l’une des grandes nouveautés introduite par le gouvernement dans le projet de loi. Les mutuelles devront, selon la commission, participer au coût des campagnes prévues pour les quadragénaires et les sexagénaires, étant donné qu’elles peuvent en tirer une forme de retour sur investissement. Elles n’auraient toutefois à cofinancer la visite programmée entre 20 et 25 ans.

La commission sénatoriale a par ailleurs cherché à renforcer la lutte contre l’intérim médical, qui pèse lourdement sur les budgets des établissements de santé. Elle a renforcé les dispositions inscrites dans le texte, en indiquant que l’intérim ne pouvait pas être le seul mode d’exercice « à plein temps » des professionnels de santé.

Encadrement plus strict du développement de la télémédecine

Même volonté au chapitre des téléconsultations. Les sénateurs en commission préconisent de durcir le cadre relatif à la télémédecine, pour se prémunir de toute dérive. Les rapporteurs entendent plafonner le nombre de téléconsultations sur une période et fixer un principe d’alternance avec les consultations classiques. Ils souhaitent également soumettre à une autorisation des ARS (Agences régionales de santé) les implantations de cabines de téléconsultation, afin de « mettre fin aux implantations en supermarché ». Alors que le gouvernement pousse pour un déremboursement des arrêts de travail délivrés en visioconférence par un autre médecin que le médecin traitant, la rapporteure Corinne Imbert (LR) de la branche maladie du PLFSS veut aller plus loin. Elle préconise de plafonner la durée d’un arrêt prescrit en téléconsultation et de conditionner un renouvellement à un examen clinique.

À lire aussi » Lutte contre la fraude, prix du tabac, prévention : ce que contient le budget de la Sécu

Les économies annuelles prévues dans ce PLFSS sur la biologie médicale ont été remaniées au Sénat. Ces derniers jours, les laboratoires ont protesté contre un coup de rabot annuel de 250 millions d’euros jusqu’en 2026, en suspendant la remontée des dépistages de covid-19 dans la base Sidep. La commission des affaires sociales approuve l’idée d’un effort du secteur, après plus de 7 milliards d’euros engagés par l’Assurance maladie pour les tests covid-19. Mais elle désapprouve la « méthode brutale » et le choix d’une baisse « généralisée » et « pérenne » des tarifs des actes hors covid-19, qui pourrait fragiliser les plus petits établissements. Les sénateurs poussent plutôt pour une contribution exceptionnelle, « pour la seule année 2023 », assise sur le remboursement aux laboratoires du dépistage du covid-19 en 2021. Le produit attendu serait inchangé, à 250 millions d’euros.

Quant aux soins de ville, la commission conserve sans surprise l’allongement d’un an de l’internat en médecine générale, pour épauler les déserts médicaux. Elle choisit cependant de substituer au dispositif du gouvernement la proposition de loi de Bruno Retailleau votée le 18 octobre, « plus aboutie ».

Dans la même thématique

Retraite à 64 ans et contribution des mutuelles : le Sénat va amender le budget de la Sécurité sociale
5min

Santé

Fin de vie : Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique salue un projet de loi « proche » de ses recommandations

Alors que le projet de loi sur la fin de vie arrive en Conseil des ministres, le président du Comité consultatif national d’éthique Jean-François Delfraissy a salué sur le plateau de « Bonjour Chez Vous » le texte, « sur une ligne de crête intéressante ». Mais le médecin présage que ce ne sera pas le dernier texte sur la fin de vie.

Le

Paris: Weekly cabinet meeting at Elysee Palace
7min

Santé

Soins palliatifs : les sénateurs « dubitatifs » sur les objectifs affichés par la ministre

Le gouvernement entend doter l’ensemble des départements français d’une unité hospitalière de soins palliatifs d’ici deux ans. Il prévoit également de rehausser l’effort budgétaire de 1,1 milliard d’euros sur dix ans. Auprès de Public Sénat, plusieurs sénateurs estiment que les ambitions affichées risquent de se heurter rapidement aux pénuries de personnels.

Le