Budget de la Sécurité sociale : moments forts et mesures phares

Budget de la Sécurité sociale : moments forts et mesures phares

Le Sénat a adopté ce mardi, après l'avoir modifié, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, par 181 voix pour, 125 voix contre. Plusieurs mesures du gouvernement et de l’Assemblée nationale ont été amendées. D’autres, confortées. Tour d’horizon.
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Taxes sur les chèques-vacances ou sur les alcools forts outre marins, cotisations salariales sur les heures supplémentaires, âge de départ à la retraite... Les sénateurs ont passé le projet de loi de financement de la Sécurité sociale au scanner, et apporté leurs contributions.

  • Adoption du reste à charge zéro

Mesure phare du texte porté par le gouvernement : le reste à charge zéro. Avec l’accord du Sénat et de l’Assemblée, la ministre de la Santé prévoit le remboursement intégral par la Sécurité sociale et les mutuelles des lunettes et des prothèses dentaires et auditives. Montant de l’opération : 1 milliard d’euros, dont 750 millions financés par l’Assurance maladie, le reste par les mutuelles. Agnès Buzyn l’assure, cela ne devrait pas avoir d’impact sur les tarifs des mutuelles, qui se sont engagées à ne pas augmenter leurs prix. Mais c’était sans compter l’apport du Sénat, qui a voté lors de son examen du texte la hausse provisoire de 40% de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) des mutuelles pour 2019 afin qu’elles contribuent plus amplement au financement du reste à charge zéro. « Quand on sait que les complémentaires recueillent 36 milliards d'euros et qu'elles ont des frais de gestion de 20 à 25 %, on ne peut pas ne pas les solliciter », argumente le sénateur centriste Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général du projet de loi financement de la Sécurité sociale. Alain Milon, président (LR) de la commission des affaires sociales, tient, lui, à préciser que « ce n’est pas une taxe, mais un prélèvement unique annuel, une seule fois, d’un milliard d’euros. » Qu’importe pour la ministre, pour qui « une taxation brutale va se reporter sur les assurés ».

  • Hausse de la fiscalité sur les alcools forts ultramarins et taxes sur les « premix » à base de vin et les bonbons « Mojito Ball »

Taxes toujours, sur les alcools forts cette fois-ci. Les sénateurs ont voté la mesure du gouvernement tendant à aligner la fiscalité des spiritueux produits et consommés en outre-mer, à l’image du rhum antillais, sur celle des alcools forts métropolitains. Un alignement progressif, sur six ans, et à partir de 2020. La sénatrice (PS) de la Martinique Catherine Conconne, particulièrement inquiète pour le rhum produit dans sa circonscription, a dénoncé la « stupidité » de cette mesure et regrette qu’ « une fois de plus, le gouvernement français fait la preuve d’une méconnaissance énorme de nos territoires. ». Elle s'est également livrée à une diatribe dans l'hémicycle.

 

Outre les alcools forts d’outre-mer, les sénateurs souhaitent taxer les « premix » à base de vin et ont amendé en ce sens le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Actuellement, les boissons à base de vin échappent à la législation (seuls les « premix » classiques type Smirnoff ice sont actuellement taxés). Objectif de cet amendement : protéger les adolescents, premières cibles des industriels. Une mesure rejetée par Agnès Buzyn. La ministre de la Santé valide l’objectif poursuivi, mais déplore la trop grande diversité des produits concernés. « Le gouvernement s’engage à rechercher les solutions (…) Mais nous ne sommes pas prêts », explique-t-elle.

Toujours dans l’optique de protéger les plus jeunes, le Sénat a également adopté un amendement visant à taxer à hauteur de 5% les producteurs utilisant l’alcool comme argument de vente de produits alimentaires, comme les bonbons « Mojito Ball » de la marque Lutti. À ce sujet, Agnès Buzyn veut aller plus loin et interdire ces produits.

  • Pas de cotisations sociales pour les chèques-cadeaux et chèques-vacances

Les chèques-cadeaux et chèques-vacances sont dans le viseur de l’Assemblée nationale. Contre l’avis du gouvernement, les députés ont voté en première lecture un amendement au projet de la loi de financement de la Sécurité sociale, pour soumettre les chèques-cadeaux et les chèques vacances à des cotisations sociales au-delà d’un certain montant (un plafond existait déjà, mais la « tolérance » était de mise). Une mesure balayée par les sénateurs. À droite, ils prônent une « réflexion plus approfondie ». À gauche, ils s’inquiètent des effets de cette mesure sur le pouvoir d’achat des plus modestes, et même de la pérennité du « droit aux vacances ».

  • Réindexation des retraites sur l'inflation, âge légal de départ repoussé à 63 ans et atténuation de l'effet de seuil pour la CSG

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il a aussi été question du pouvoir d’achat des retraités. Le gouvernement ne souhaite pas revaloriser leurs pensions à hauteur de l’inflation, contrairement aux sénateurs qui ont voté un amendement pour réindexer les pensions de retraite sur l’indice des prix, dès 2019. Coût de l’amendement sénatorial : 2 milliards d’euros… financés par le report de l’âge légal de départ à la retraite. En effet, à contre-courant du gouvernement et de l‘Assemblée nationale, la majorité sénatoriale persiste et signe en adoptant, comme ce fut déjà le cas en 2018, le report de cet âge de 62 à 63 ans, à compter du 1er mai 2020 et pour les personnes nées après le 1er mai 1958. Indispensable pour « assurer l’équilibre de notre système de retraites et un niveau de vie satisfaisant à nos retraités » assure le sénateur LR René-Paul Savary. Mais insuffisant pour convaincre la ministre de la Santé de trahir la promesse présidentielle de maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 62ans.

En plus de la sous-revalorisation de leurs pensions de retraite, les retraités ont également été impactés par la hausse de la CSG, en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Le gouvernement a souhaité amoindrir la portée de cette décision pour les plus modestes d’entre eux, avec une mesure visant à atténuer les effets de seuils. L’exécutif propose ainsi que l’assujettissement au taux normal de la CSG soit conditionné à la prise en compte des revenus sur deux années, contre une actuellement. De quoi contenter environ 350 000 foyers. Le Sénat est allé plus loin en adoptant un amendement pour que ce dispositif prenne en compte les revenus sur deux années, non seulement pour le passage au taux normal de CSG, mais aussi pour le passage d’un taux nul de CSG à un taux réduit. Une fois n’est pas coutume, le gouvernement s’est dit défavorable à cet amendement sénatorial. « Cela concernait énormément de personnes qui n’ont pas du tout été touchées ni impactées par les hausses récentes de CSG » selon Agnès Buzyn.

  • Exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires

Concernant les travailleurs, les sénateurs ont adopté l’exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires pour « améliorer le pouvoir d’achat ». Prévue par le gouvernement et adoptée à l’Assemblée en première lecture, il s’agit d’une mesure consensuelle - seul le groupe communiste s’y est opposé -  instaurée sous Nicolas Sarkozy et abandonnée sous François Hollande. Emmanuel Macron souhaite la remettre au goût du jour, à la différence que cette fois-ci il n’est pas prévu que les heures supplémentaires soient défiscalisées en plus d’être exonérées. La mesure bénéficiera à l’ensemble des salariés du privé et aux agents de la fonction publique.

  • Favoriser le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires

Le Sénat a tenu à favoriser le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires - 79% des effectifs - en adoptant un amendement prévoyant l’exonération, chaque année, des charges patronales sur chaque employé engagé à l’extérieur comme pompier volontaire. Une mesure refusée tant par la commission des Affaires sociales du Sénat que par le gouvernement. Reste à savoir si l’Assemblée nationale y sera favorable en deuxième lecture.

  • Exonération de charges sur les travailleurs saisonniers

Toujours en matière d’exonération de charges, le Sénat a pérennisé celles sur les travailleurs saisonniers contre l’avis du gouvernement. Ce dispositif (TO-DE), créé sous Nicolas Sarkozy, vise à réduire le coût des emplois saisonniers agricoles pour les petites exploitations, leur permettant ainsi de rester compétitives au sein même de l’Union européenne. Cette mesure fait l’unanimité chez les sénateurs, à droite comme à gauche. Une unité transpartisane particulièrement visible lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale : les sénateurs ont été scandalisés que le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, semble résigné à la disparition progressive du TO-DE alors même qu’il avait montré son attachement au dispositif lorsqu’il était encore sénateur RDSE.

  • Un régime particulier pour l'indemnisation du congé de maternité des agricultrices non salariées

En outre, les sénateurs ont proposé qu’en matière d’indemnisation du congé de maternité, les situations des travailleuses indépendantes et les agricultrices non salariées soient différenciées. Le gouvernement est, lui, favorable à une harmonisation des deux régimes.

  • La réforme de l'hôpital, adoptée

Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, le gouvernement a prévu de réformer l’hôpital via un mécanisme de dotation en fonction de la qualité des soins prodigués. Ce dispositif, auquel ont souscrit les sénateurs, sera basé sur un certain nombre d’indicateurs comme la prise en charge des patients à domicile, le bon usage des gels hydroalcooliques pour l’hygiène des mains, ou encore les expériences rapportées par les patients.

  • Suppression du forfait de réorientation aux urgences

S’agissant du forfait de réorientation aux urgences, inséré dans le projet de loi par les députés en première lecture, il a été supprimé par le Sénat. Dans l‘objectif de désengorger les urgences, il visait à expérimenter pendant trois ans un dispositif pour inciter financièrement à renvoyer vers les médecins généralistes les patients dont la situation ne relève pas de l’urgence.

  • Un pouvoir de prescription de médicaments pour les EPHAD

Les sénateurs ont aussi adopté un amendement pour attribuer un pouvoir de prescription médicamenteuse aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD).

  • Médicaments : suppression de la restriction au recours par les médecins à la mention « non substituable » 

Un autre amendement a été voté afin de supprimer la restriction au recours par les prescripteurs à la mention « non substituable sur les ordonnances » . Selon le Sénat, cette mesure « ne saurait constituer une solution opérante à l’enjeu de diffusion du médicament générique ». En France, selon la Cour des comptes, 36% des Français seulement ont recours aux médicaments génériques, contre 80% en Allemagne. Actuellement, la mention « non substituable » peut être inscrite par le médecin. Le cas échéant, le pharmacien se doit de délivrer le générique. Le gouvernement souhaite renforcer le dispositif en obligeant le médecin à justifier la mention « non substituable » par un critère médical objectif sur les ordonnances. L’enjeu est le montant remboursé par la Sécurité sociale, plus élevé lorsque le médicament n’est pas un générique.

  • Indemnisation intégrale pour les maladies liées aux produits pharmaceutiques

Conscients des enjeux environnementaux, les sénateurs ont amendé le texte pour avec une mesure pour la prise en charge intégrale des préjudices de personnes atteintes de maladies liées à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, par un fonds d’indemnisation abondé par les fabricants de ces produits.

  • Vaccinations contre le papillomavirus pour les garçons

Les sénateurs veulent aussi élargir, à titre expérimental, la vaccination contre les infections liées au papillomavirus aux jeunes garçons. Cause de cancer de l’utérus, il est actuellement recommandé chez les jeunes filles de 11 à 14 ans. En outre, le Sénat prévoit, contre l’avis du gouvernement, de rendre obligatoire, à titre expérimental, la vaccination contre la grippe pour l’ensemble du personnel soignant en contact avec les soignants.

  • Exonération fiscale des médecins retraités

Enfin, en bon défenseur des territoires et pour lutter contre la désertification médicale, les sénateurs ont voté une mesure tendant à l’exonération fiscale des médecins retraités, à hauteur de 90 000 euros net annuels.

L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a profondément déçu sur les bancs de l’hémicycle. « On a regretté que Mme la ministre n’accepte guère de modifications à son projet de budget », résume Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général du texte. Quelques mesures du gouvernement, à l’instar de l’emblématique reste à charge zéro, ont été adoptées, et « 51 articles sur les 95 sont identiques à ceux de l’Assemblée nationale », précise le sénateur (LR). Reste l’avenir des nombreux amendements votés au Sénat, qui sera scellé lors de son passage en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Un avenir largement compromis de l’aveu même du rapporteur, qui rappelle que le Palais Bourbon est « totalement bloqué par la position gouvernementale ».

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