Budget rectificatif : 460 milliards d’euros pour sauver l’emploi à tout prix

Budget rectificatif : 460 milliards d’euros pour sauver l’emploi à tout prix

Auditionné jeudi 11 juin au Sénat, Bruno Le Maire a défendu le troisième budget rectificatif devant la commission des Finances. 460 milliards d’euros pour moderniser les entreprises françaises et sauver le maximum d’emplois. Une politique de l’offre assumée face à des sénateurs qui regrettent l’absence de mesures de relance.
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Par Samia Dechir

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Troisième tentative de sauvetage. A chaque nouveau budget rectificatif, les chiffres sont de plus en plus vertigineux. Présenté le 10 juin en Conseil des ministres, le nouveau projet de loi de finances rectificative prévoit une rallonge de 60 milliards d’euros de dépenses publiques. Ce qui porte à 460 milliards d’euros le montant total des aides versées par l’État pour contrer la crise. C’est l’équivalent du PIB de l’Autriche. La dette publique va donc atteindre 121% du PIB.

800 000 emplois menacés

Aux grands maux, les grands remèdes. En 2020, la crise du covid-19 va provoquer une récession de 11%. Du jamais vu depuis 1929. Le gouvernement craint la suppression de 800 000 emplois dans les prochains mois. Pas question, donc, de suspendre pour le moment le dispositif de chômage partiel, appelé à se poursuivre pour atteindre 31 milliards d’euros d’ici la fin de l’année, soit 5 milliards de plus que dans le budget précédent. « Ma philosophie, c’est l’emploi, l’emploi, l’emploi, et encore l’emploi » a martelé Bruno Le Maire. Et notamment celui des jeunes, encouragé via la prime de 8 000 euros pour l’embauche d’un apprenti de plus de 18 ans.

45 milliards d’euros d’aides sectorielles

L’autre grand volet de ce nouveau budget rectificatif, c’est le plan d’aide aux secteurs les plus touchés par la crise du covid-19. 45 milliards d’euros en tout pour des aides ciblées sur l’aéronautique, le tourisme, le bâtiment, les commerces de proximité, les start-up, ou encore l’industrie automobile. Des mesures destinées, là encore, à sauver l’emploi, mais surtout à transformer les entreprises de ces secteurs « pas assez numérisées, ni robotisées » aux yeux du ministre de l’Économie.

Décarbonner l’économie

Pour « réussir leur intégration dans l’économie du 21ème siècle », estime Bruno Le Maire, les entreprises doivent investir dans les nouvelles technologies. Dans l’aéronautique par exemple, l’État va débloquer 1,5 milliard d’euros au profit de la recherche sur un projet d’avion non polluant. « Je ne vois pas pourquoi les rêves seraient réservés aux États-Unis d’Amérique. Nous pouvons être le premier continent à disposer d’un avion zéro carbone ».  Après avoir « sauvé les meubles », le troisième budget rectificatif doit donc donner le coup d’envoi d’une deuxième phase, celle de la reconstruction d’une économie modernisée et décarbonnée. Le troisième temps, celui de la relance, attendra le prochain projet de loi de finances pour 2021, le temps que les aides européennes soient débloquées.

Bas de laine

Mais l’automne prochain, « c’est un peu tard », s’inquiète Albéric de Montgolfier. Le rapporteur général de la commission des finances au Sénat déplore l’absence de mesures de relance par la demande dans ce nouveau budget rectificatif. Car sans consommation, pas de croissance. Or pour l’instant, les Français préfèrent placer leur argent dans des bas de laine, plutôt que le dépenser dans des nouveaux achats. D’ici la fin de l’année, l’épargne devrait atteindre 100 milliards d’euros supplémentaires. Comment réorienter cet argent dormant vers la consommation ? Ce budget rectificatif prévoit peu de mesures incitatives. « N’y a-t-il pas un hiatus entre les décisions gouvernementales et le comportement attentiste des Français ? » s’interroge le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi. « La confiance ne se décrète pas » rétorque Bruno Le Maire, « Je ne crois pas au changement de pied tous les quatre matins, je crois à la stabilité » affirme le ministre de l’économie, qui promet que le gouvernement n’augmentera pas les impôts.

Pas de baisse de la TVA

L’Allemagne, elle, a fait le choix d’une relance par la consommation. Jusqu’au 31 décembre, Berlin baisse son taux de TVA à 16%, soit 3% de moins que son niveau normal. Sénateur de Paris, Philippe Dominati a adressé une proposition similaire au gouvernement. Une mesure chiffrée à 25 milliards d’euros pour la France. « Ce serait une erreur économique profonde » rétorque Bruno Le Maire. « Nous restons malheureusement une économie d’importation là où l’Allemagne est une économie d’exportation ».

De fait, la France importe 72% de ses biens de consommation, contre 56% pour l’Allemagne. Baisser le taux de TVA serait donc contre-productif, estime Bruno Le Maire, car, les consommateurs se tourneraient d’abord vers des produits étrangers, sans que cela ne profite aux entreprises françaises. « Nos biens ne sont pas assez compétitifs, n’intègrent pas assez d’innovation, de nouvelles technologies, pour justifier d’être vendues à un prix plus élevé ». Bruno Le Maire assume sa politique de l’offre, et rêve de faire de la France une économie d’exportation.

Baisse des dividendes

Mais avant les rêves de grandeur, il y a le mur de la réalité : celui du risque de faillites. Elle guette des milliers d’entreprises françaises. Celles des secteurs les plus impactés vont bénéficier d’une exonération de charges de 4 mois. Une mesure chiffrée à 3 milliards d’euros dans le nouveau budget rectificatif. D’autres suppressions de charges seront possibles pour les PME d’autres secteurs ayant subi une chute importante d’activité.

Les grandes entreprises peuvent quant à elles prétendre à des prêts garantis par l’État. Une aide conditionnée à la suspension du versement des dividendes. Interrogé par le sénateur communiste Eric Bocquet sur le bilan de cette conditionnalité, Bruno Le Maire a annoncé que les dividendes versés ou annoncées ont déjà diminué de 40% par rapport à 2019.

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